Les fondamentaux de la Thaïlande se trouvent rassemblés sur cette île (ko en thaï), comme pour mieux les protéger des excès du jour ou du trop-plein touristique. Charme d’une nature exubérante et de traditions séculaires solidement ancrées, gentillesse absolue de la population, simplicité des manières et plaisirs balnéaires… La destination offre une excellente conclusion pieds dans le sable à la découverte préalable des trésors du royaume de Siam.
Appelons-les Sam, 30 ans tout rond, et Alexya, 27 printemps, le y de son prénom d’emprunt, elle y tient. Assez fiers de leurs tatouages lorsqu’ils se pointent sur la plage, ils ont débarqué à Koh Samuien provenance de la région parisienne où ils vivent et travaillent. Leur idée : s’offrir LA semaine de vacances balnéaires dont ils rêvent depuis toujours. Ils ont prévenu l’agence de voyage puis le directeur de l’hôtel que c’était leur premier séjour au long-cours, alors prière d’envisager l’excellence, éventuellement, l’exception. Ce fut le cas puisqu’au bout de 48 heures à Ko Samui, son Sammy chéri et son Alexya d’amour ont décidé de célébrer leur bonheur comme ils le « kiffent », c’est-à-dire en se… mariant. « Ici ? », a répondu le responsable espérant jouer les modérateurs. « Oui ». « Maintenant ? », a tenté l’hôtelier en guise d’ultime recours. « Evidemment ».
Lumières bouddhistes accordées
L’affaire fut réglée en un rien de temps. Impossible bien entendu de procéder à une union officielle entre deux non-résidents étrangers. Un compromis fut donc trouvé autour d’une bénédiction à laquelle procéderait un sage lama en son temple, abondamment fleuri et gavé de fumées d’encens. « Avec une statue du Bouddha, un prêtre, crâne rasé, habillé en orange et des orchidées », a exigé Alexya. Accordé.
Olivier Romano
Tous les clients de l’hôtel ont été conviés à applaudir les tourtereaux en admirant les offrandes, bananes, riz, poulet, mangues… posées au pied des statues ainsi que la ronde des moinillons curieux de ces drôles d’étrangers qui se promettent amour-toujours. Le bienveillant lama, tout en évaluant la donation en euros qui permettra de repeindre le temple de blanc, a fermé les yeux pour mieux se concentrer puis a levé devant les visages du jeune couple un sceptre de prière, l’objet qui assure le lien entre terre et ciel. Lumières bouddhistes accordées. Certains conviés ont écrasé une petite larme devant celles d’Alexya, lorsqu’elle a regardé Sam et qu’on a cru lire un oui sur ses lèvres. Les portables flashaient en folie, la bise, la bise ! Souvenirs pour la vie.
Samui inspire. A 75 minutes de vol au sud de Bangkok au large de la côte Est du pays, la troisième plus grande île du pays (229 km² et 64 000 habitants) aime les histoires d’amour mais se veut surtout gardienne d’un certain art de vivre made in Thailand. A fréquenter durant tout l’été ou bien de février jusqu’en avril pour éviter les pluies. Loin des bousculades de la capitale, encore plus du tapage de Phuket, ici, on ne change rien, on garde l’âme simple. Des générations de pêcheurs et de cueilleurs de noix (les fin palais disent que les cocos locales sont les meilleures de Thaïlande) ont forgé des tempéraments sans chichi. Solidarité entre les membres de la famille, ceux du clan, ceux du village, respect des esprits qui règnent, protègent et veillent en toute harmonie comme le prouve le petit autel fleuri dans chaque maison, admiration des colibris dont on suspend la cage de bambou tressé en terrasse pour se réjouir de leur chant délicat, vertu du partage, de la disponibilité, du sourire, tout simplement. C’est réjouissant.
Boutiques de copies
Du coup, impossible de s’étonner que de si belles personnes aient façonné une île aussi plaisante, coiffée de vert profond, bordée de plages enchanteresses. Une vraie carte postale.
Passons sur l’intérieur de Samui, paradis émeraude quasi intact, peu habité, végétation d’aube des temps et chemins pour mollets vaillants, cascades claires et forêts à cacher le ciel, mais accès souvent difficile et conditions très rudimentaires d’hébergement chez l’habitant. Les puristes en redemandent pendant que les autres font peinardement le tour de l’île, sachant qu’aucun endroit n’est éloigné d’un autre par beaucoup plus d’une heure de voiture. Bonne nouvelle, c’est là que tout, ou presque, se passe. Alors, histoire de régler le dossier, direction Chaweng, la « capitale » de l’île. Certains détestent, beaucoup adorent.
Morgane Le Gall
Relativisons en optant pour le second degré car ce village de bord de mer concentre toute la « turpitude » des vacances en fête. Des restaurants tape à l’œil (mais pas si mauvais), des bars de plage qui jouent Ibiza avec d’improbables DJ philippins mixant jusqu’au bout de la nuit à coup de centaines de Watts, d’autre bouges semés tout le long de la rue principale où la bière comme la vodka peuvent être commandées par doses de 3 litres, c’est dire, des concerts live au Hard Rock Café bien entendu, des camionnettes passant au ralenti en hurlant le programme des prochains combats de boxe thaï, deux fast-foods qui ne désemplissent jamais, des boutiques où s’écoulent des cargos entiers de copies made in China, des salons de massage évidemment, pas toujours très sages, et toutes les arnaques habituelles dans ce genre de temples où le pas devient moins assurées au fur et à mesure que coulent les heures. Rien de grave, dès demain, on recommencera.
Tarifs miniatures
Tout cela est accompagné d’un sourire à l’unisson, qui ne fondrait pas ? Celui des serveurs, vendeuses, masseuses, chauffeur de tuk-tuk, barmen, jeunes poupées en jupette trop ajustée… Et de tarifs miniatures qui suggèrent d’entrer dans la fête en toute insouciance. Pour l’exemple, trois rendez-vous auxquels succomber.
D’abord, la boutique éclairée de néons enchanteurs. Chaussures, montres, maroquinerie, maillots de foot, tout est là. Oui, mais en simili grandes marques : tuniques du PSG, polos ou sneakers avec deux ou quatre bandes à moins que ce soit une demi-virgule ou un crocodile gueule fermée. Le gendarme pas plus que le contrôleur d’authenticité ne trouve à y redire. Mais déjà, le vendeur invite son futur client à pousser la porte du fond du magasin. Enfin, les affaires sérieuses, les contrefaçons. Elle ouvre sur une salle pour le textile, une autre pour le cuir, une troisième pour les tocantes et les bijoux. Marchandage d’enfer impératif pour ceux dont la morale vacille, sachant que toutes ces illusions peuvent être saisies à Roissy.
Deuxième plaisir, choisir un restaurant pieds dans l’eau. Commander crevettes ou gambas géantes, pêche locale, plutôt que les langoustes venues d’ailleurs. Compter 10 euros le repas, vin australien compris pour un repas exquis si on ne se réfère pas au registre de la gastronomie.
Xavier Popy/REA
Ce soir enfin, stage au bar le plus illuminé pour plonger parmi la foule, toutes nationalités confondues qui vibre à l’unisson, pression (un euro) en main. Musique, danse, drague, échanges à tu et à toi avec les voisins. Clair, ça balance pas mal à Chaweng.
Autre plaisante aventure, mais quelques kilomètres plus loin, le marché de nuit de Lamai. Chaque soir, entre 16h30 et 23 heures, un bon millier de stands dont les néons font briller le jour, proposent tout ce qui fait sortir ses piles de baths, la devise locale, au vacancier normalement constitué : artisanat, vêtements, fleurs, bijoux, grillades, beignets de banane et fruits frais, foulards, cosmétique… Inutile de résister.
La déesse de la Fertilité
Pour un dernier éclat, direction le temple Plai Laem posé sur l’eau, un ensemble terriblement kitch, tout de dorures et de couleurs vives, ce qui ne dérange absolument pas les centaines d’adorateurs qui s’y pressent au quotidien. Il est vrai que la star des lieux est Guanyin, quinze mètres de hauteur et neuf bras, la déesse chinoise de la Fertilité. Très classe, elle se déplace à dos de dragon. Juste à côté d’elle, se trouve un immense Bouddha tout sourire qui atteste des bonheurs du Nirvana. Ne pas oublier de refiler une piécette au moine de garde en échange d’un sachet de granules à disperser dans les bassins du temple. Des dizaines de carpes blanches et grasses gobent alors à tout va. Le ciel, ravi, semble soudain bien plus lumineux.
Quant au reste, prière de laisser faire. Pause sur la plage, il y en a suffisamment pour en tester une nouvelle chaque jour, sauf à étaler durablement sa serviette sur un transat de l’hôtel, massage charmant servi en bord de mer et bercé par la chanson des vagues, restaurant improvisé, l’assiette sera forcément délicieuse, balade main dans la main sous la cocoteraie, cocktail en terrasse à l’heure où le soleil coule le feu sur la ligne d’horizon… Samui fait défiler ses bonheurs, ils semblent infinis. Sam et Alexya ont promis que très vite, ils reviendraient ici.
Par
JEAN-PIERRE CHANIAL
Photographie de couverture
THOMAS LINKEL/LAIF-REA