Trait d'union entre le passé et une société sur laquelle souffle un vent de modernité. Si la jeune génération cambodgienne grandit dans un pays en pleine mutation, elle n'oublie pas pour autant les traditions ancestrales qu'elle tient à perpétuer.
Casquette "fashion" vissée sur la tête, Sophak installe sa chaine hifi et ses haut-parleurs. Il est 17 heures, l'air est encore chaud et humide à Phnom Penh. Et pourtant, ils sont des dizaines à se retrouver tous les soirs sur la longue promenade qui traverse le centre de la ville. Des adolescents, aux looks plus ou moins étudiés, qui viennent se déhancher sur les chorégraphies de Lady Gaga ou du dernier groupe coréen tendance. Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont des musiques et danses traditionnelles qui rythment les premières minutes. Comme la volonté de ne pas oublier d’où l’on vient avant de se laisser emporter par des sonorités plus actuelles. Les poignets dessinent alors d’élégants mouvements. Les gestes sont fluides, aériens. Inspirée des Apsaras, ces déesses danseuses sculptées dans la pierre des bas reliefs d’Angkor, cette danse traditionnelle fait partie de l’identité khmère. On la retrouve dans toutes les fêtes, notamment lors des mariages. L’Unesco a même reconnu la « danse des nymphes célestes », les Apsaras, comme patrimoine immatériel mondial de l’humanité et lancé un plan de sauvegarde de cette tradition depuis 2003.
Anantara Angkor Resort
SUR LE RING AUSSI LA DANSE EST UN RITUEL
Un héritage du passé que les boxeurs ont à cœur de conserver. Elle précède tous les combats. Pour honorer leur maître et invoquer leur dieu, les boxeurs effectuent le Kun Kru. Une façon de se concentrer, de rentrer dans un état proche de la transe. Les deux adversaires l’exécutent individuellement. Chacun a ses gestes, ses codes et ses habitudes, selon son style ou son école. Certains keilakors, boxeurs, récitent aussi des mantras, censés leur apporter force et victoire. Le battement des tambours et le son des cymbales résonnent. La musique est entêtante. Galvanisante. Elle donnerait presque envie de monter sur le ring. La tension monte. Le combat commence. Les coups de poings, de pieds, de genoux et de coudes s’enchaînent ensuite sur les rythmes envoûtants du petit orchestre pendant cinq rounds.
Moins connue que la boxe thaï, la boxe khmère, appelée Kun Khmer ou Bokator, lui ressemble mais a aussi ses spécificités. Les scènes de combats guerriers gravées dans les pierres d’Angkor illustrent la présence ancestrale d’arts martiaux dont proviendrait le Kun Khmer. La boxe est le sport le plus populaire au Cambodge et fascine les jeunes et les moins jeunes depuis des générations.
RENOUER AVEC SA CULTURE
Après les années de terreur vécues sous les Khmers rouges, entre 1975 et 1979, le peuple cambodgien se réapproprie petit à petit sa culture. Toutes les activités intellectuelles et artistiques furent anéanties sous le régime de Pol Pot. C’est sans doute de là que vient cette volonté farouche de conserver une touche traditionnelle dans des pratiques contemporaines. De l’art de construire l’avenir et de tourner la page, sans pour autant oublier.