De Biarritz à Bordeaux, le littoral français abrite quelques pépites. Pays basque, Landes, bassin d’Arcachon : trois entités régionales aux caractères bien trempés. Prises d’assaut à la période estivale, elles se dévoilent délicieusement au printemps et à l’arrière-saison, un triptyque iodé qui se prête volontiers au road trip.
Guéthary Style
Posé entre croissants, confiture de cerises noires et café crème, le journal local annonce une belle journée. Sous les résultats du tournoi de chistera de la veille : soleil radieux, vent faible et houle modérée. Un pronostic de mois de juin heureux, vérifié en direct depuis la terrasse du Madrid, d’où l’on aperçoit d’un côté l’Espagne alanguie sous les contreforts des Pyrénées, de l’autre Biarritz la blanche. À mi-chemin, accroché aux falaises coiffées de tamaris, Guéthary s’élève sur un fil tendu entre ciel et océan. Un îlot d’à peine plus de 1 300 âmes, bien ancré à sa terre basque, regard fier tourné vers le large, qui depuis la moitié du XIXe siècle et l’arrivée du train, voit débarquer des wagons de voyageurs en quête d’iode et d’authenticité.
À l’avant-guerre, Saint-John Perse, Vassily Kandinsky, Paul Klee ou encore Charlie Chaplin trouvaient déjà refuge à la Résidence Guetharia, ancien hôtel Art-Déco restauré en 2017. Aujourd’hui, la tranquillité estivale des artistes s’est évaporée mais qu’importe. Guéthary joue le jeu, affichant un franc sourire sous ses façades rouge Espelette. Le claquement sec des pelotes sur le fronton, le coucher de soleil depuis la “terrasse” du village, et l’ambiance du Bar Basque, donnent le rythme. Bon joueur, le village laisse même aux Parisiens l’impression d’avoir découvert un nouveau temple du cool. À la Providence notamment, cornershop qui cultive le healthy & happy, version basque. Mais l’été est éphémère, et bientôt Gétaria retrouvera sa sérénité de bon marin.
Alix Pardo
Même si au Moyen Âge, les guetteurs traquaient la baleine, aujourd’hui les barques aux couleurs locales ne larguent les amarres que pour pêcher le chipiron et la bonite. D’autres ont pris place pour observer le haut-fond de Parlementia, sur lequel se brise une déferlante qui attire les surfeurs du monde entier.
Aux premières lueurs, les silhouettes de néoprène se faufilent à travers les rues en pente, planche sous le bras, dégringolant vers l’océan avec une seule idée : se frotter à cette “droite” épaisse. Les néophytes, eux, viseront plutôt les spots voisins de Bidart ou d’Hendaye (abritant certaines des plus belles plages de France), moins sévères. Le temps guétharien passe tranquillement, au fil des marées. La plage du port fait le bonheur des petits baigneurs, celle du Cenitz accueille les déjeuners sur l’herbe, piqués de saveurs locales au restaurant le C, ou version food truck, simplement bon, au Bel Endroit. Enfin, lorsque le soleil plonge derrière la crête des vagues, il est temps de rejoindre l’Ilunabar de Parlementia qui aligne la couleur des spritz sur celle de l’horizon.
Alix Pardo
Sur la dune
À cheval sur l’Adour, Bayonne, capitale médiévale mi-basque mi-gasconne, marque le passage vers un autre monde : les Landes. Les paysages glissent du vert au blond, les pins succèdent aux chênes, et les criques escarpées cèdent la place aux plages infinies, bordées de dunes. Un cordon à la fois colossal et fragile, rempart naturel qui file sur une centaine de kilomètres jusqu’au bassin d’Arcachon. Ici, les routes transversales sont rares et les dernières centaines de mètres menant à la côte se gagnent souvent à pied, sur un sable fin et brûlant. Au dos de la dune, l’océan n’est encore qu’une rumeur qui se confond avec celle des cigales et du vent dansant dans les oyats. Le nez guidé par le parfum des immortelles des sables, cette ascension à l’aveuglette précède une joie d’enfant : celle d’être cueilli au sommet par la vue panoramique sur un océan tantôt lisse tantôt déchaîné, toujours grandiose, bordé d’une côte sauvage qui s’échappe à perte de vue. Une vision rare sur le littoral français, ici limitée essentiellement à la journée, les options d’hébergements “pied dans l’eau” étant sommaires.
Alix Pardo
Il suffit pourtant de sortir du courant, ou plutôt de suivre celui de Huchet, curiosité hydrographique reliant l’étang de Léon à l’océan, pour y dénicher la perle rare. Planté sur la lette, frontière végétale entre la forêt et la dune, un pavillon de chasse du XIXe siècle a été restauré en retraite dorée. Encadrant une maison coloniale, deux anciens hangars à bateaux ont mué en cabanes de luxe, sous l’inspiration poétique de Christine et Michel Guérard (Les Près d’Eugénie). Une bulle de tranquillité aux embruns d’Indochine, offrant un tête-à-tête avec l’Atlantique.
Alix Pardo
Cap Cool
Le retour à la réalité s’annonce délicat. L’ultime pied de nez au continent consiste alors à mettre cap sur le Ferret. Cette flèche sableuse fermant le bassin d’Arcachon, matrice ostréicole de tout un pays, garde également l’un de ses derniers édens sauvages. Ancrages des marins-pêcheurs depuis deux siècles, havre de week-end des Bordelais, et plus récemment refuge de la gypset : le Ferret profite d’un équilibre unique. Entre le calme contemplatif du bassin sur fond de dune du Pilat et l’océan tempétueux, une bande étroite de pins et de sable d’où émergent quelques hameaux mêle maisons arcachonnaises et cabanes de pêcheurs revisitées. Luxe discret et décontracté.
Burgueyre
Ainsi bat la vie ferretcapienne. Douce et légère comme une balade à vélo sous la pinède jusqu’au marché, un café-canelé chez Lemoine, une gaufre chez Frédélian ; solaire à l’image d’une virée en pinasse sur le bassin, d’un pique-nique sur le banc d’Arguin ; tonifiante et iodée comme une baignade à la pointe, une douzaine de 4 saisons à la cabane d’Hortense ; enfin spontanément joyeuse telle la nuit au Sail Fish. Il faut pourtant se résoudre au retour sur terre. Heureusement, une dernière escale dans le quartier bordelais des Chartrons sème l’idée que grande ville et douceur de vivre ne sont pas forcément antinomiques.
PARTIR
Voyageurs du Monde propose de réaliser ce road trip de Biarritz à Bordeaux en prenant le temps. Une semaine au fil de l’océan, ponctuée d’étapes de charme (luxueuses cabanes de pêcheur ou de forestier, maison du XIXe ) et d’activités : cours de surf, journée en bateau, cours d’œnologie et multiples options…
Photographie de couverture
FAUSTINE POIDEVIN