Sympathie pour le Dalai Lama, pratiques zen, retraites de méditation,… l’attrait qu’exerce le bouddhisme dans nos sociétés ne cesse de croître. Religion sans Dieu, sans dogmes, sans hiérarchies ; valeurs de tolérance, de compassion, de non-violence : la « Voie du Milieu » serait-elle la voie rêvée par l’homme occidental en quête de spiritualité ? 5 millions de Français se disent en affinité avec les thèses bouddhiques. Mais que sait-on vraiment du bouddhisme ? Quelques repères pour mieux comprendre.
Le terme « bouddhisme » n’a pas d’équivalent chez les bouddhistes, qui préfèrent parler du dharma (doctrine) pour désigner l’enseignement du Bouddha, et de sangha (communauté) pour désigner ceux qui enseignent ou reçoivent cet enseignement. Le bouddhisme ne repose pas sur un texte sacré, sur une vérité révélée, mais sur l’expérience de Siddhartha Gautama. Né au pied de l’Himalaya au VIème siècle avant J-C, Siddhartha Gautama n’est ni Dieu, ni prophète. Fils de souverain, il mène dans sa jeunesse une existence fastueuse, mais décide de renoncer à ses richesses pour vivre en ascète errant.
Par la méditation, Gautama va atteindre la condition de Bouddha, d’Eveillé - affranchi de l’illusion, il atteint le nirvana. Pendant 40 ans, il parcourt l’Inde et expose la voie libératrice (dharma) qu’il a découverte à ceux qui veulent l’entendre – il prononce son premier sermon à Bénarès devant cinq ascètes dont il fait ses premiers disciples, fondant ainsi sa communauté monastique (sangha). Selon les bouddhistes, le Bouddha historique n’est pas le seul Bouddha – d’autres êtres éveillés se manifestèrent dans le passé, d’autres enseigneront dans le futur.
Bouddha est un titre honorifique formé sur la racine budh, « s’éveiller », attribué à celui qui s’est éveillé à la Vérité, libéré des illusions, des passions, et de la douleur inhérente à toute forme d’existence. L’éveil, est, par l’affranchissement du désir et de l’attachement aux choses, l’état libéré des émotions conflictuelles, et riche de qualités essentielles : la connaissance de la véritable nature des phénomènes, l’amour inconditionnel pour tous les êtres, la capacité de leur venir en aide. La pratique des quatre états sublimes - équanimité, amour bienveillant, compassion et joie - participe au développement de l’état d’éveil. Les trois joyaux se trouvent, selon l’enseignement du Bouddha, dans le cœur de chacun des êtres. Leur nature correspond aux trois qualités de l’Eveil : ouverture, clarté, compassion. Les trois joyaux, ce sont aussi Bouddha, dharma et sangha, proposés à l’homme comme refuges.
Le dharma, c’est l’enseignement du Bouddha, qui permet de se libérer des illusions. La communauté des apprentis du dharma constitue le sangha, ensemble de ceux qui transmettent et pratiquent les enseignements. Le karma est la force motrice de l’existence, qui régit les manifestations du monde : l’existence est une suite de disparitions et de réapparitions sous une forme nouvelle. Le samsara est le cycle des renaissances, source de souffrance. On le représente sous la forme d’une roue pour signifier sa finitude : le samsara n’est qu’un malentendu, sa cessation est nirvana. Le nirvana, c’est, avec l’abolition de tout attachement, l’extinction des causes du mal-être. Le karuna, la compassion, est le précepte fondateur du bouddhisme : « l’origine de toute joie en ce monde est la quête du bonheur d’autrui, l’origine de toute souffrance est la quête de mon propre bonheur ».
La doctrine du Bouddha tient en quatre nobles vérités : la vérité de la douleur, la vérité de l’origine de la douleur, la vérité de la cessation de la douleur, et la vérité de la voie qui mène à la cessation de la douleur. Maladie, vieillesse, mort sont lot commun à l’humanité. Même la joie la plus profonde ne demeure pas. Chaque être doit cultiver sa « nature de Bouddha » pour éteindre les sources de tourments que sont le désir, l’ignorance, l’illusion, et notamment celle de croire en la permanence de l’être.
LES TROIS VEHICULES DU BOUDDHISME
Le Theravada ou petit Véhicule est la doctrine bouddhique la plus ancienne, la seule qui émane directement des enseignements de Gautama. Elle repose sur deux principes fondamentaux : le caractère temporaire de la vie et l’imperfection de l’être humain. Ses adeptes respectent à la lettre le message de Bouddha. Ils cherchent à se détacher du monde des passions pour travailler à leur salut. La finalité du Theravada est, pour ses adeptes, la cessation de la souffrance par la réalisation des quatre nobles vérités. Désigné comme Bouddhisme du Sud, le Theravada est pratiqué en Thaïlande, au Cambodge au Laos et en Birmanie.
Le Mahayana ou Grand Véhicule est la réforme majeure de la tradition bouddhique, qui date du début de l’ère chrétienne. Le Mahayana ne renie pas la doctrine des Anciens mais place la compassion au centre de sa pratique. Alors que les textes anciens ne proposent qu’un Petit Véhicule que chaque individu emprunte en vue de sa seule libération, dans le Mahayana, les boddhisattva (futurs Bouddha), qui ont atteint l’illumination, retardent leur entrée dans le nirvana, pour aider leurs frères humains. Les mahayanistes considèrent que tous les hommes sont porteurs de la nature de Bouddha - ils élargissent les pratiques méditatives à l’entraînement à l’esprit d’éveil. Le Mahayana s’ouvre largement au monde laïc : dans le Mahayana les laïcs peuvent atteindre le nirvana, alors que dans le Theravada, seuls moines et nonnes peuvent l’atteindre.Les Vietnamiens, influencés par 1000 ans d’occupation chinoise, sont adeptes, à l’instar des Japonais et des Coréens, du bouddhisme Mahayana, qui a pris naissance en Chine
Le Vajrayana ou Véhicule de Diamant, appelé aussi bouddhisme tibétain, école tardive, apparue au VIIème siècle, est le prolongement du Mahayana. Il est pratiqué au Tibet, au Népal, au Ladakh, au Cachemire au Bouthan, en Mongolie, et en Sibérie et est basé sur le principe des transmutations des passions en sagesses, par une voie rapide de libération, celle du diamant, qui conduit à l’état de Bouddha en une vie.
UNE RELIGION VIVANTE
Le bouddhisme, apparu il y a 2500 ans sur le territoire de l’actuel Népal, s’est répandu sur une grande partie de l’Asie et est devenu, avec le christianisme et l’Islam, l’une des trois grandes religions mondiales. Aujourd’hui, seuls 1% des Indonésiens sont bouddhistes. L’Indonésie est cependant riche d’un patrimoine architectural exceptionnel, avec notamment le temple de Borobudur, à Java, l’un des plus importants monuments bouddhiques au monde, édifié au VIIIème siècle après J-C. à la gloire du Bouddha et à celle de son fondateur un roi bodhisattva. En Asie du Sud Est, où le bouddhisme est la première religion, la répartition des aires culturelles est fondée sur des critères religieux : l’Asie du Sud Est theravadin, dite indianisée (Thailande, Birmanie, Cambodge, Laos) est distinguée de l’Asie du Sud Est mahayaniste, dite sinisée (Vietnam).C’est en Birmanie que la tradition du Theravada, pratiquée par 90 % de la population, est la plus vivante, dans une ferveur et une dévotion qui frappent le visiteur.
La vie quotidienne des Birmans est rythmée par la pratique, offrandes matinales aux moines, prières à la pagode, … 90 % des Thaïlandais sont bouddhistes - c’est peut-être la pratique bouddhique qui fait leur sensibilité à l’aspect éphémère de l’existence et à l’inanité des biens matériels. Le bouddhisme s’est généralisé au Cambodge au XIIème siècle : aujourd’hui l’ensemble des Khmers - soit 90 % de la population - sont bouddhistes ; les minorités sont animistes, chrétiens ou musulmans. Le bouddhisme s’est implanté à Luang Pra Bang à la fin du XIIIème siècle ; le premier souverain du royaume en fit une religion d’Etat, mais il faudra des siècles pour que le bouddhisme gagne les plaines, où aujourd’hui encore, le culte des esprits est répandu. 65 % des Laotiens sont bouddhistes. En Thaïlande, en Birmanie, au Cambodge et au Laos, la majorité des hommes passent une période de leur vie au monastère : un moine theravada peut retourner à la vie laïque à tout moment, et un laïc a la possibilité de faire une retraite pour une période limitée. Si 85 % des Vietnamiens se rendent régulièrement à la pagode, seuls 16 % d’entre eux sont bouddhistes au sens strict : au Vietnam, dans un pays marqué par 1000 ans d’occupation chinoise, bouddhisme, confucianisme, et taoïsme s’entremêlent. Le confucianisme régit les relations sociales et l’organisation morale du pays depuis son implantation au Vietnam, il y a plus de 2000 ans. Le taoïsme, davantage préoccupé par l’individu, recherche l’harmonie avec la nature et l’univers, régi par le yin (énergie lunaire, obscurité et froideur) et le yang (énergie solaire, lumière, chaleur).
J’AIMERAIS…
…méditer sur le visage de Bouddha, je vais à Angkor, ancienne capitale khmère - au Bayon, traits bienveillants et sourire d’Avalokiteçvara.…rencontrer un moine bouddhiste, je vais au temple d’Ananda, à Pagan, sur les rives de l’Irrawady, …faire un vœu, je suspends un morceau de papier à une spirale d’encens à la pagode Phuoc Lam à Hoi An – comme le font les visiteurs coréens et chinois. …voir des stupas, je visite Borobudur, temple monumental, entre volcans et rizières. …expérimenter une ferveur vivante, j’assiste à Bangkok à une cérémonie dans le temple de What Suthat, refuge de quiétude dans la mégalopole.
L’ENCENS
L’encens est une offrande, dans les temples comme dans les autels domestiques. Ecouter l’encens brûler favorise une perception de la conscience, ses volutes sont éphémères et précaires, comme la vie même. LE LOTUSLe lotus est symbole de pureté et de fertilité, il représente la nature du Bouddha. La fleur puise, détachée des marécages qui stagnent sous elle, sa force et sa rectitude dans la lumière.
LE SAFRAN
Le safran, couleur des vêtements des moines bouddhistes, celle de l’or, symbole de pureté : l’or est inaltérable et ne ternit pas. LE STUPALe Stupa est un monument reliquaire qui abrite les cendres du Bouddha, et des objets lui ayant appartenu. C’est aussi un mémorial érigé en des lieux importants de la vie du Bouddha. Sa base représente les vertus sur lesquelles repose la pratique, son dôme symbolise le nirvana, et le sommet de la flèche, la compassion du Bouddha.
POUR EN SAVOIR PLUS …
Sur la vie de Bouddha, je lis Siddhârta, de Herman Hesse (Les cahiers rouges, Grasset). Un roman philosophique inspiré par le chemin spirituel de Siddhârtha, le Bouddha historique.
Sur les symboles et les lieux du bouddhisme, je lis Les mots du bouddhisme, de Jean-Luc Toula-Bresse (Paris musées / Actes Sud). Un abécédaire pour voyager par les mots, de Angkor aux Himalayas, et pour s’initier aux concepts, illusion, éveil ou mantra.
Sur le bouddhisme comme cadre de réflexion sur le monde contemporain, je lis L’infini dans la paume de la main, de Matthieu Ricard et Trin Xuan Thuan (Fayard / Nil éditions).Une conversation entre un biologiste français devenu bouddhiste, et un bouddhiste vietnamien devenu astrophysicien. Science et spiritualité se complètent ici pour questionner l’expérience.