Charles Ballerait est l’unique artisan à exercer le savoir-faire de la coutellerie dans la capitale française. Se définissant lui-même comme un“geek”, cet ancien scénariste fasciné par la forge a donné à Paris son couteau régional, surnommé “le couteau du gentleman de l’apéro”. Son atelier est installé dans la cour de l’Industrie (Paris XIe ), un ensemble architectural du XIXe siècle dédié aux activités artisanales et artistiques.
Vous êtes un artisan reconverti. Comment êtes-vous passé de scénariste à coutelier ?
Charles Ballerait – J’ai été scénariste de films d’animation pendant une dizaine d’années. C’est un métier qui me passionnait car il sollicitait ma créativité, mais c’est aussi une activité solitaire qui a fini par me peser. J’étais aussi très frustré de ne pas utiliser mes mains autrement que pour taper sur un clavier. Étant fan d’heroic fantasy, j’ai eu envie d’apprendre à forger des épées. Je me suis formé plusieurs semaines auprès d’un coutelier d’art, mais je me suis arrêté à l’apprentissage de la fabrication de couteaux.
Comment avez-vous imaginé votre première création, baptisée Le Petit Parisien ?
Je suis parti du constat que chaque région possédait son couteau régional : l’aveyronnais, le bourbonnais, l’ardéchois… En faisant des recherches, il est apparu que la région parisienne n’avait pas son couteau. J’ai imaginé Le Petit Parisien avec une lame non violente orientée vers le bas. Il s’est avéré que c’était ce type de tranchant qu’utilisaient les marins, car il est plus difficile de transpercer, ce qui est plus prudent lorsque l’on prend la mer ! Les premiers habitants de Paris comptaient les Nautes, qui formaient une corporation d’armateurs mariniers et commerçants de Lutèce. Leur maxime, “Fluctuat nec mergitur” (“Flottons mais ne coulons pas”), est devenue la devise de Paris, et leur navire orne son blason.
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Votre atelier est situé dans la cour de l’Industrie, au 37 bis de la rue de Montreuil, à Paris. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce lieu historique ?
C’est l’une des dernières cours industrielles du XIXe siècle. Elle est constituée de huit bâtiments répartis sur trois cours qui abritaient à l’époque des ateliers au rez-de-chaussée et des logements situés au premier étage. Ce quartier du XIe arrondissement de Paris, le Faubourg-Saint-Antoine, a vu se succéder des générations d’artisans du bois. L’ensemble a été réhabilité de 2011 à 2017 pour être réservé à des activités artistiques et d’artisanat d’art.
Vous êtes l’unique fabricant de Paris. Quel sentiment vous inspire ce constat ?
Le métier de coutelier est en voie de disparition. Je suis assez content de réactiver un métier millénaire qui a disparu des campagnes et davantage des villes... Pourtant, il semble faire écho. Je remarque qu’il inspire des vocations. Je reçois régulièrement des demandes d’aspirants à la reconversion ou d’apprentis. Si je suis le seul aujourd’hui à exercer ce savoir-faire dans la capitale, je pressens que cela ne va pas durer…
https://www.ballerait-coutelier.fr/
Par
MAGALI PERRUCHINI
Photographie de couverture
JULIEN MIGNOT