Egypte

Louxor lit des dieux

Louxor lit des dieux

Récit de voyage

 

J’ai la nostalgie de Louxor. Non pas du Louxor que j’ai entrevu à l’âge de 13 ans, lors d’un voyage trop rapide en Haute Egypte, mais de celui d’avant-hier, tel que nous le décrivent les explorateurs et les premiers égyptologues. En 1799, accompagnant une armée de Bonaparte en Haute-Egypte, Dominique Vivant Denon raconte comment les soldats français ont découvert la ville de Thèbes du haut d’une colline. Les antiquités ne les intéressaient nullement, et ils se demandaient ce qu’ils étaient venus faire dans la vallée du Nil. A la vue des ruines, pourtant, ils se sont arrêtés, sidérés, et sont mis spontanément à applaudir. Ne voulant pas laisser passer cette image, Vivant Denon a sorti son carton à dessins. « Et je trouvai, assure-t-il, dans le complaisant enthousiasme des soldats, des genoux pour me servir de table, des corps pour me donner de l’ombre… »

 

lumière dans le Temple de Karnak

 

Soixante-dix ans plus tard, son compatriote Auguste Mariette sert de guide aux invités du khédive Ismaïl, venus assister à l’inauguration du canal de suez. Dans le livret qu’il leur distribue, on lit cette chose étonnante : « Le temple de Louqsor n’offre au visiteur qu’un intérêt médiocre. » Mariette n’est pas un inculte : il a fondé le Musée du Caire et dirige le Service des antiquités égyptiennes. Mais, à cette époque, le temple de Louxor, où des habitants vivent avec leur basse-cour, n’a pas été déblayé : on ne soupçonne pas toutes les merveilles qu’il renferme. Et puis, il y a tant d’autres choses à admirer sur place…

Notamment Karnak, « le plus merveilleux amas de ruines que l’on puisse voir », écrit Mariette. A partir de 1895, l’architecte français Georges Legrain consacre ses journées à la restauration de la grande salle hypostyle, avec une armée d’ouvriers. Un désastre survient quatre ans plus tard : l’une des colonnes géantes s’effondre, puis une deuxième, puis une troisième... comme un jeu de quilles. Legrain se remet aussitôt à la tâche.  Les dieux récompenseront sa ténacité : devant la façade nord du septième pylône, il découvrira plus de 15 000 objets, dont quelque 800 statues, qui avaient été enfouis dans le sol sacré du temple… 

 

Petit carnet dans le Temple de Karnak

 

J’ai la nostalgie de ce Louxor-là, où quelques privilégiés, arrivés d’Europe avec leurs malles, passaient l’hiver au milieu de ruines encore à moitié ensablées. C’était aussi une petite ville de cure où l’on venait soigner des maladies réelles ou imaginaires, mais surtout rêver.

 

Autour du fleuve

Rive Est

Le pharaon est responsable du maintien de l’équilibre de l’univers : renaissance quotidienne du soleil, crue annuelle du Nil… Pour s’assurer du concours des dieux dans cette entreprise, il édifie pour eux des temples qui leurs sont dédiés, et où ont lieu rites et offrandes. Sur la rive orientale de Louxor, les temples de Karnak, dédales de pierre aux proportions colossales, constituent une véritable ville dédiée à la triade thébaine : Amon, Mout, son épouse, et Khonsou, leur fils. Le temple de Louxor, élevé au Nouvel Empire, qui dresse élégamment ses colonnes sur les berges du Nil, est l’un des plus majestueux sanctuaires de l’Egypte pharaonique. Adossée au temple, dans la cour Ramsès II, la mosquée d’Abou El Hagag abrite les reliques du saint patron de la ville. Le musée de Louxor rassemble une splendide collection d’objets en provenance de la région de Thèbes ; la muséographie met agréablement en valeur les collections. 

 

Rive Ouest

Dans l’Egypte ancienne,  traverser le fleuve, c’est pénétrer dans le monde des morts, où Osiris accueille les défunts au jour du jugement. Plantée de vergers et de canne à sucre, la rive occidentale abrite la nécropole thèbaine et ses temples funéraires. La Vallée des Rois abrite les tombeaux de Toutankhamon, de Ramsès III et des plus grands pharaons du Nouvel Empire, dans la Vallée des Reines sont les tombeaux des épouses royales depuis l’époque ramesside, la Vallée des Nobles rassemble les sépultures des gouverneurs de Thèbes. La Vallée des Artisans permet de découvrir l’art populaire funéraire des artisans de la nécropole royale.

Les bonnes raisons d’aimer LouxorAu petit matin, survoler Louxor en montgolfière, se perdre dans le dédale de pierres de Karnak, le plus grand ensemble monumental d’Egypte, visiter la grande nécropole de Thèbes, domaine du dieu Osiris, boire un thé au Winter Palace, où Howard Carter annonça la découverte de la tombe de Toutankhamon, contempler les colosses de Memnon, gardiens de la vallée des Rois, visiter le musée de la momification pour tout savoir sur l’art funéraire des anciens égyptiens, boire un karkadé, jus de fleur d’hibiscus, dans la campagne avoisinante, passer d’une rive du fleuve à l’autre.

 

Par

ROBERT SOLÉ

 

Photographies

OLIVIER METZGER