Entre Afrique et Asie, balance le cœur de Mada la rouge. Une nature endémique étonnante, un peuple bigarré, d’une sagesse et d’une gentillesse extraordinaires : voyager sur le « petit continent » reste une expérience inoubliable. Récit.
« Bonjour Vazaha !! » Assis sur les marches d’ un escalier surplombant l’avenue de l’Indépendance, cinq petits, hauts comme trois mangues, s’envolent dans une cascade de rires. Bienvenue à Tananarive, Antananarivo en malagasy, capitale de Madagascar ! Le vazaha (prononcez vaza) autrement dit l’étranger, répond d’un ton essoufflé. Peut-être la pollution liée à la circulation chaotique dans une ville de 2 millions d’habitants, ou serait-ce l’altitude (1400 mètres) de cette cité bâtie par les rois Merina au sommet de l’une des douze collines sacrées ? Longtemps convoité par les puissances européennes, ce royaume finit par tomber dans le giron de la France en 1896. Sans rancune et avec le sourire, les Antsiranais ouvrent aux descendants des envahisseurs les portes de leur ville et du palais de la Reine qui surplombe un patchwork cousu du bleu des jacarandas, de l’ocre des maisons imbriquées les unes aux autres, et du vert des rizières en toile de fond. Indépendant depuis 1960, Madagascar a gardé quelques héritages hexagonaux parmi lesquels des 4L et 2CV blanc crème, transformées en taxis. On saute à bord pour grimper sur la colline de Manjakamiadana.
S’engage alors une randonnée urbaine à travers la vieille cité, ses palais, ses églises en pierre de taille, ses demeures en colonnades et ses maisons traditionnelles en bois. Sur la petite place de la Pergola, des joueurs de fanorona, jeu stratégique malgache gravé à même les bancs de pierre, prennent la pause. « Le charme de Tana réside dans son coté effervescent, désorganisé, funky ! » confie un habitant. On glisse vers le marché du Zoma. Le chauffeur de taxi, diplômé de médecine, coupe le contact. Dans un pays où 75% de la population vit sous le seuil de pauvreté, ingéniosité et philosophie priment. Ici on récupère, on bricole, on rafistole. Les métiers d’hier perdurent : tailleur de pierre, ébéniste, brodeur. Un photographe vous tire le portrait avec une chambre noire d’un autre siècle. Pourtant Tana est aussi une jeune fille moderne à l’agenda bien rempli : vernissages, concerts, restaurants et clubs branchés. Son ex maire, actuel président du pays, est un ancien DJ neo quadra. On quitte la capitale pour le nord, libéré de ses a priori.
Diego, 4L jaune et pirates
L’avion survol une baie d’émeraude gigantesque, plantée d’un pain de sucre : Rio ? Non, Diego…Suarez du nom de ses découvreurs portugais. Devenu Antsiranana par malgachisation, c’est tout simplement la deuxième plus grande baie au monde (156 kilomètres) après celle du Brésil. La comparaison s’arrête là car la ville, elle, a des dimensions bien moindres. Le taxi local, 4L jaune cette fois, nous dépose dans la rue principale, bordée de belles façades coloniales. Au fil de la balade, Diego révèle les différentes phases de son passé. Flagrantes par le nom des rues : Joffre, Lafayette, Colbert ; plus subtile sur les étals du marché où les bouteilles d’achards et les montagnes d’épices rappellent qu’au XVIeme siècle, l’île constituait une halte majeure sur la route de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est. Le temps de grignoter un samosa, défile l’incroyable palette du peuple malgache: regards bridés, nez aquilin, cheveux crépus. A Joffreville, la porte d’un monastère bénédictin s’ouvre, sœur Jeannine reçoit au jardin et raconte son quotidien avec les orphelins. Le ciel s’empourpre. Après un plat de camarons au mora mora- devise malgache qui signifie prendre son temps et s’applique notamment au service- on se presse au Suncity pour un dernier rhum dzama arrangé d’histoires de pirates.
Nature folle et îles douces
Nationale 6, à 90 km de Diego Suarez, sur une piste de latérite cabossée, (pléonasme malgache) se croisent une charrette à zébus et un 4x4 conduisant des voyageurs au parc de l’Ankarana. Cette réserve de près de 20 000 hectares réunit nombreuses curiosités naturelles autour d’un étonnant massif de calcaire érodé, véritable crête hérissée de lames de roche : les Tsingy. Nuit étoilée et départ matinal vers les canyons qui transpercent ce monstre minéral. La forêt sèche présente ses habitants : ici un lémurien à tête couronné, là un boa ocre-jaune, que le guide, un brin goguenard, se passe en écharpe. Une rivière marque la pause fraîcheur avant de s’engouffrer dans les entrailles des Tsingy, nous indiquant la voie. Le massif est ainsi percé d’un réseau de 120 grottes dont beaucoup restent inexplorées ! Celle d’Andrafiabe s’enfonce sur 11 kilomètres et, lorsqu’on joue à éteindre les loupiotes, l’obscurité vous engloutit. A l’entrée de la grotte de l’Homme, se tient un gardien au regard pénétrant. Ce crâne humain, rappelle qu’autrefois, le peuple des Antakarana se réfugia ici pour échapper à celui des Mérinda. Ici comme sur toute l’île, les fady (tabous) sont nombreux : entrez tête couverte, crachez par terre, sifflez la nuit, maltraitez les animaux… et vous récolterez les foudres des ancêtres. Dans la grotte des chauve-souris, l’odeur est fauve et le plafond mouvant ! Au sol, impression étonnante de marcher sur des biscuits… éclairage furtif : ça grouille d’insectes ! Heureusement, le pays ne compte pas d’animaux véritablement dangereux. Juste de quoi jouer les docteurs Jones.
Pour se remettre de ses émotions : direction Ankify, à travers les plantations de café et de cacao. Un plongeon dans le canal du Mozambique annonce l’autre visage de Mada, celui des îles. Des grains de beauté rangés le long de la côte ouest : Nosy Be la coquette, île parfumée la plus convoitée ; Nosy Mitsio la généreuse en fonds marins ; Nosy Tsarabanjina la majestueuse île privée ; Nosy Komba la discrète gardée de lémuriens. Retour de plage, des poissons multicolores plein la tête. Les lémurs Macaco ouvrent grand leurs iris jaunes et leurs oreilles ébouriffées. Une jeune femme téméraire sort de sa poche une banane et disparaît aussitôt sous une grappe de fourrures gourmandes. Plus de rires que de mal, on apprendra juste à bien cacher son pique-nique. Les îles connaissent des natures plus timides tel ce caméléon qui se camoufle sur fond d’ocre ou encore les tortues de Nosy Iranja qui viennent chaque année enfouir leurs œufs. Repus de farniente, reviennent les envies de terre.
La piste du sud
Rallier Tuléar depuis Morondave par la piste côtière est l’une des grandes aventures malgaches. Le serpent de sable déroule ses anneaux blonds sur plus de 700 kilomètres. Le 4X4 est bienvenu pour affronter ornières et marigots ! On croise bien quelques aventuriers en taxi-brousse, mais le voyage à bord de ces vieilles 403 bondées défie toute notion de temps et de confort. Le notre prendra quatre jours. A chaque étape, le même soulagement de sentir renaître dos et postérieur. Pourtant, on oublie vite, prêts à un crochet de 200 kilomètres au nord pour voir la folie ocre des Tsingy de Bemaraha. La piste rebondit entre forêt sèche et allées de baobabs, arbre symbole de l’île, qu’un Dieu taquin aurait replanté à l’envers pour punir son péché d’orgueil. Sous un soleil de plomb, on maudit ce geste qui annihile tout rêve de sieste à l’ombre. Fraîcheur et repos (éternel) se cachent plus loin, dans les tombeaux Sakalava. Enfin, arrive le lagon de Salary, bénédiction turquoise. Les corps se détendent, les sourires s’affalent et rencontrent ceux des enfants Vezo ébouriffés, leurs tignasses décolorées par le sel. Ces pêcheurs nomades embarquent volontiers l’étranger sur leurs pirogues à balanciers pour une partie de pêche.
On est heureux… nationale 7
Tuléar, début d’un autre voyage. 1000 km pour rejoindre Antananarivo par la nationale 7. Après la piste rugueuse, l’asphalte est doux comme de la soie. On file à travers une plaine aride pillée par les invasions de criquets. Rien ne pousse, si ce n’est l’arachide et la ville champignon d’Ilakaka. En dix,ans, cette cité minière a vu sa population grimper à 40000 habitants, tous touchés par la fièvre du saphir. La région compte un autre trésor, l’Isalo, massif degrès rose serti de canyons et de piscines naturelles.
La N7 referme alors les Portes du Sud et monte vers le pays des Bara, éleveurs de zébus. On entre dans le massif de l’Andringitra, paradis des randonneurs. Chargés de paniers, les Bara, eux, marchent vers Ambositra. C’est mercredi, jour de marché.Arrivée à Fianaranstoa, fief du photographe Pierrot Men. D’ici, certains prolongeront le voyage vers l’est et le canal des Pangalanes, par le train de Manakara. A chaque gare le même ballet des marchands d’écrevisses et de litchis. La N7, elle, trace sa route vers les hauts plateaux : Ambositra, capitale des Zafimaniry, sculpteurs sur bois dont la forêt part en fumée, culture sur brûlis oblige. Un bus Tata ouvre la route jusqu’à Antsirabe. Mada bascule alors dans l’Asie : douceur du climat, rizières et pousse-pousse. Ils trottent pieds nus, tirant derrière eux des familles entières, des marchandises en tout genre. Dominante rouge, des maisons de briques aux étals des marchés : pommes, mangues et quartiers de zébu. A la fois vénéré et sacrifié, l’animal semble partagé avec le peuple malgache une qualité que résume cette enseigne d’Antsirabe : Le Zébu Philosophe. Ces pêcheurs nomades embarquent volontiers l’étranger sur leurs pirogues à balanciers pour une partie de pêche.
Les grandes zones de Madagascar
1
MASSIF DE L’ISALO
Paysages minéraux, piscines naturelles et peintures rupestres pour de courtes randonnées.
2
LES TSINGY DE BEMARAHA
Formations géologiques impressionnantes, classées au patrimoine de l’humanité
3
RESERVE DE PERINET
à l’est, réserve tropicale où l’on rend visite aux lémuriens la nuit
4
FIANARANTSOA
La porte du grand Sud, après les rizières et avant les hauts plateaux
5
LES TSINGY DE L’ANKARANA
Les autres Tsingy, accessibles depuis Diego Suarez
6
DIEGO SUAREZ
La plus belle baie de l’île pour cette ancienne ville coloniale
7
ANTANANARIVO
La capitale, belle, désordonnée, passionnante, concentration des cultures malgaches
8
FORT DAUPHIN
Ville coloniale toute proche de la plus grande réserve de Lémuriens, Berenty
9
CANAL DES PANGALANES
Quelques bonnes raisons d’aimer Tana
- Flâner dans la vieille ville
- rencontrer un descendant de la famille royale
- assister à un vernissage et discuter avec les artistes de l'Is'art
- chiner chez les antiquaires, faire le marché d’Andravohangy
- partir à l’assaut de la colline bleue, patrimoine de l’humanité
- écouter un concert de jazz fusion au pied du vieil escalier Ranavalona
- siroter un verre en début de soirée au café de la gare
- continuer par un dîner tranquille au restaurant l'Auberge
- finir la soirée au piment café, avec les noctambules malgaches.
1 idée = 1 voyage
Ce nouveau concept propose un voyage sur mesure de plus en plus pointu : selon vos idées, vos hobbies, votre métier, nous organisons sur place des rencontres personnalisées, des visites et des activités inédites.
Les sentiers de l’orchidée Madagascar, compte 1200 variétés d’orchidées dont 90% sont endémiques et certaines ne sont pas encore répertoriées. Cette fleur rare, dont la célèbre orchidée noire ou le fameux Vanilla Planifolia (. Voyageurs du Monde vous propose d’accompagner une équipe de botanistes, de suivre la cueillette auprès des villageois, d’assister à la transformation des gousses.
Quelques bonnes raisons d’aimer Madagascar
- S’exiler sur l’île Sainte Marie
- visiter le cimetière de pirates et suivre les baleines à bosse
- assister à une cérémonie de retournement des morts chez les Betsileo
- déguster un toast de foie gras local à Behenjy
- descendre le fleuve Tsiribihina en pirogue
- randonner dans l’Andringitra ou au cap Masoloa
- participer à un projet de reforestation
- assister à une messe du père Pedro
- rejoindre Fort Dauphin à travers le sud aride et rencontrer les Antandroy, peuple des épines
- naviguer avec les Vezo
- se prélasser sur les plages paradisiaques de Nosy Komba
- plonger aux Mitsio.