Géorgie

A la découverte de la Géorgie

A la découverte de la Géorgie

Voici une terre infusée de culture(s), qui reçoit et donne depuis des millénaires – de la soie, du vin, des danses et des poèmes. Une terre de mythologie où l’on chante pour les dieux et pour soi, à plusieurs voix.

 

Trendy Tbilissi

L’ascension de la colline de Sololaki fait chauffer les mollets. Au sommet, dominant la vieille ville, la forteresse de Narikala et la statue de Kartlis Deda, matriarche nationale, une coupe de vin dans une main, une épée dans l’autre, invitent les amis, menacent les ennemis. À leurs pieds s’enroulent ruelles pavées de galets ronds, places fleuries, maisonnettes de bois aux balcons ouvragés, bains de soufre et platanes donnant à Tbilissi des airs de Méditerranée. N’était-elle pas soviétique? Depuis sa fondation, la belle géorgienne a reçu de nombreuses visites. Arabes, Mongoles, Perses, Ottomans et Russes ont donné, ont pris. Mosquées et synagogues, épices et thermalisme.

Le soir, tout s’illumine : églises à dômes, fontaines et ponts enjambant la Koura. Étonnante passerelle au look futuriste, le pont de la Paix fait dialoguer les époques. Dans la ville nouvelle trône la toute récente cathédrale de la Sainte-Trinité, achevée en 2004. Sur l’autre rive, l’ancienne cathédrale Sioni réfléchit le soleil depuis le XIIe siècle. Tbilissi s’est avec tout cela tricoté une personnalité que la jeunesse entend bien défendre. Elle n’hésite pas à bousculer les vieilles pierres et les entrepôts soviétiques où s’installent cafés, ateliers, galeries d’art et restaurants bio revisitant le khatchapouri, pain géorgien au fromage. À la Fabrika, idées et gens convergent à toute heure. L’usine textile accueille désormais hôtel, studios d’artistes, bureaux, boutiques et bars. Danser, célébrer, apprendre, créer, refaire le monde. Tandis qu’à quelques rues, au Silk Museum, on se souvient que Tiflis (Tbilissi) était un incontournable passage de la Route de la soie.

Fabian Weiss/LAIF-REA

 

En Kakhétie, sur la route des vins

Au pied du Caucase, la vallée vinifie depuis huit mille ans. Des vignes baignées de lumière mènent d’un bourg à un autre : Sighnaghi, ceinturé de remparts, Tsinandali, célèbre pour son vin blanc sec et le prince Chavchavadze, poète pionnier du romantisme national. Plus de cinq cents cépages poussent sous le soleil de Géorgie : des rouges charpentés de saperavi et mujuretuli, des blancs rkhatsiteli et mtsvane. Mais aussi ces fameux vins orange, vinifiés en qvevri, jarres de terre cuite rappelant les amphores antiques. Dans les villages, une hospitalité d’instinct ouvre les portes des caves familiales. On déguste, sur un coin de table, des crus sublimant fromages de chèvre, ragoût de mouton et fleurs de jonjoli. 

Martin Bruno

 

Du Grand Caucase à la riviera géorgienne

Le regard tourné vers le nord, on ne tarde pas à trouver les sommets – la Géorgie est couverte à 87% de montagnes. Scrutées par chèvres et chamois, des voitures hors d’âge bringuebalent jusqu’à la capitale déchue de Mtskheta, métropole spirituelle du pays. Le monastère perché de Jvari, bâti en 590, et la cathédrale Svetitskhoveli marquent de leur superbe jusqu’au dernier païen.

À cheval sur la frontière russe, le Grand Caucase, tour de force géologique, aligne certains des plus hauts sommets d’Europe. Un jardinier démiurgique opère avec grâce dans le parc national du Kazbek où, aux beaux jours, fleurissent rhododendron caucasicum, campanule et géranium herbe à Robert. Au cœur de panoramas épiques, sous l’ombre de l’aigle royal et du vautour fauve, les hôtels de Stephantsminda s’offrent des vues à couper le souffle sur les neiges éternelles du Kazbegi, géant de 5047 mètres lourd de symboles. Zeus y aurait enchaîné Prométhée pour avoir offert aux hommes le secret du feu.

En Haute Svanétie, dans les entrailles occidentales du Caucase, la vendetta svane semble avoir dit son dernier mot. De Mestia à Ouchgouli, plus haute localité d’Europe, les étonnantes maisons-tours médiévales crénellent les hameaux de ces terres rudes et reculées. Sur fond de culture clanique, forêts et sommets enneigés, traditions et vieilles pierres s’entretiennent d’elles-mêmes. L’isolement comme conservateur du patrimoine.

La vie est douce à Koutaïssi, troisième ville du pays posée au bord du bouillonnant Rioni. Sur les places, les enfants tournicotent autour des fontaines, les anciens jouent au backgammon. Au Green Bazaar, le marché central, on propose de vivifiantes rasades de tchatcha (alcool de raisin) et des guirlandes de churchkhela (confiserie en forme de cierge). Les étals débordent d’herbes et de noix, bases d’une cuisine franche et conviviale, sanctifiée lors du supra, banquet traditionnel.

La cathédrale de Bagrati (XIe siècle) patiente entre ruines et restauration. Suspendus à leurs promontoires, les monastères orthodoxes des environs témoignent de l’âge d’or médiéval. Celui de Ghélati abrite de remarquables peintures murales; celui de Motsameta (VIIe siècle) surplombe la rivière Tskhaltsitélia dans une esthétique terriblement romanesque.

Lorsque le mercure monte, on rejoint rapidement l’Adjarie, au climat subtropical et au littoral baigné par la mer Noire. Autour de Batoumi, bains de mer et poisson grillé, constructions loufoques et hôtels bling bling, fiesta et plages de galets. Mais aussi forteresse byzantine et merveilleux jardin botanique – le Mexique, l’Himalaya et l’Amérique au pays de la Toison d’Or.

Dietmar DENGER/LAIF-REA

 

In the mood

Premiers frissons, un dimanche matin, à l’écoute des chants polyphoniques de l’église Metekhi. En un clin d’œil, Tbilissi vous transporte. Un voyage temporel, des fresques de la basilique d’Antchiskhati (VIe siècle) à la photographie contemporaine du musée d’Art moderne de la ville, avant une rencontre avec les jeunes talents de la création artistique géorgienne à la galerie E. A. Shared. Balade architecturale sous les balcons en bois sculpté de Dzveli Tbilisi (le vieux Tbilissi), pause Art nouveau à la Maison des écrivains, puis rendez-vous aux bains d’Abanotubani pour une totale résurrection. À l’heure des papilles, laissez-vous surprendre par l’une des meilleures tables de Tbilissi, Shushabandi, restaurant ancré à l’ancienne usine/cave à vin réhabilitée Wine Factory n° 1, l’un des endroits les plus en vogue de la ville. Pour aller plus loin, tentez un cours de cuisine avec un chef local. Derrière les façades brutalistes du quartier de Vera naissent de nouvelles bulles design, cavernes rêvées des intérieurs et garde- robes avant-gardistes. Enfin, prenez de la hauteur sur le plateau Mtatsminda pour un verre au Funicular Complex. Le soir, suivez le mouvement de vos ventricules, devant le ballet national Sukhishvili, un voyage à lui seul à travers l’âme du pays.

 

Par

ELÉONORE DUBOIS

 

Photographie de couverture : parusnikov/stock.adobe