Deux réalisatrices françaises, Nathalie Masduraud et Valérie Urréa, consacrent une web série à la jeune photographie iranienne, qui révèle une scène particulièrement créative et audacieuse. Chaque épisode est consacré à un ou une photographe iranien(e) – chacun(e) à sa façon, documente la société iranienne, une société qui apparaît en pleine mutation : du mouvement punk à l’engagement volontaire dans les milices basidjis, les univers abordés par ces jeunes photographes sont divers, à l’image de la société dans laquelle ils évoluent. Produit par Arte avec la participation de Voyageurs du Monde.
Iran#NoFilter (1/10) - Kiana Hayeri : Jeunesse dorée
Ako Salemi, photographe de presse, troque au quotidien son boîtier contre son smartphone, « je ne pouvais plus travailler dans la rue : avec du matériel professionnel, on est constamment obligé de se justifier ; aujourd’hui, je ne suis plus perçu comme photographe, je prends des photos comme n’importe qui, mais mon esprit est toujours celui d’un photographe. » Ses très belles photographies, des images très composées aux noirs et blancs contrastés, dans la pure tradition de la photographie de rue, sont autant de fragments qui documentent la vie à Téhéran. Kiana Hayeri décide de photographier ses amis de lycées à son retour en Iran, après avoir poursuivit ses études universitaires au Canada : j’ai réalisé combien nos vies avaient changé, c’est pour cela qu’instinctivement j’ai tourné mon appareil vers mes amis». Elle les photographie dans l’intimité, et nous rend ainsi accessible le quotidien d’une certaine jeunesse dorée, de flirts en soirées un peu trop arrosées, loin des codes et interdits imposés par les religieux.
Negar Yagmaian photographie des femmes célibataires, dans un pays où il est très mal vu pour une femme de vivre seule - elle-même en a fait l’expérience : « nous avons toutes un point commun, c’est notre volonté de lutter contre les normes de notre société ». Nafise Motlaq ne dit pas autre chose, qui portraitise des filles et leurs pères dans les villes et les campagnes, dans tous les milieux sociaux, et décrit un pays jeune, en pleine transition, et précise «les femmes sont très actives dans cette transition ».
Les uns et les autres – Ako Salemi comptabilise 71k abonnés, Kiana Hayeri 135 k – ont fait d’Instagram, seul réseau social autorisé en Iran, une formidable chambre d’écho pour leurs travaux, qui se côtoient sur le net, loin de la censure. « Instagram a été fondamental pour moi, avant ça, pendant 12 ans, j’ai fait des photos que personne n’a vu - et c’est un espace qui n’est pas tellement surveillé, c’est donc pour moi le meilleur endroit pour publier mes photos », explique Ako Salemi. C’est pour nous une fenêtre ouverte sur un pays sur lequel sont posés trop de discours simplificateurs.
L’intégralité de la série est produit par Arte avec la participation de Voyageurs du Monde.
Découvrez tous les épisodes sur le site d’Arte
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Et aussi, aux Rencontres d’Arles ce mois de juillet
Focus Iran, l’audace au premier plan
Le film de Nathalie Masduraud et Valérie Urréa est projeté en avant-première jeudi 6 juillet à 18h30 au Théâtre d’Arles
> Iran, Année 38. 66 photographes iraniens.
Pour les Iraniens, la version de la poésie est la photographie – le photojournalisme, la photographie documentaire ou plasticienne sont de la poésie visuelle. Une exposition qui présente les travaux de photographes qui forgent l’image d’un pays empêtré dans la révolution islamique, mais qui connaît aussi de brusques et spectaculaires mutations.
Eglise Saint-Anne, jusqu’au 27 août