On pense souvent tout connaître de l’Italie : sa culture, sa cuisine, ses villes de mode, de monuments, de moments d’un autre temps. Pourtant, au sud de la péninsule, quelque part entre les Pouilles et la Calabre, il existe une terre pleine de promesses. Deux mers pour elle, des reliefs montagneux à sillonner, la Basilicate, ancienne Lucanie, révèle ses plus beaux paysages et une histoire de renaissance. De Matera – la cité troglodyte qui incarne cette mue – aux littoraux en passant par des villages perchés tout là-haut, voici une région préservée aux trésors insoupçonnés d’art, d’archéologie, de saveurs, de vert et d’azur.
Matera, ou la plus ancienne ville d’Italie
Chef-lieu de la région et accolée aux Pouilles, Matera, c’est un peu le « phénix qui renaît de ses cendres ». Et c’est évidemment l’un des premiers lieux à visiter lorsque l’on emprunte le chemin de la Basilicate. Si la ville est aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses maisons troglodytes – appelés sassi – et qu’elle a été nommée capitale européenne de la culture en 2019, Matera a longtemps fait honte aux Italiens pour l’insalubrité qui se nichait dans chaque recoin de la cité. Une mauvaise réputation dont elle s’est détachée peu à peu après les années 50. De gênante, la ville est devenue grandiose, révélant en hauteur et face à des paysages de nature sauvage une magie cinématographique, une silhouette biblique qui inspira de nombreux cinéastes, de Pier Paolo Pasolini à Mel Gibson.
Ainsi, Matera s’est transformée en destination insolite d’exploration, notamment pour cette architecture unique composée d’un entrelacement d’habitations creusées dans la roche, à flanc de montagnes. Sassi réhabilités dans lesquels séjourner, églises rupestres aux fresques byzantines, vestiges gréco-romains qui peuplent les musées et dédales de ruelles où se perdre : les amateurs de patrimoine nourriront leur curiosité, les férus de photographie leurs yeux vagabonds. Au départ du centre-ville, la promenade pittoresque Strada panoramica dei Sassi di Matera suit le fil des monuments, églises et musées pour finir au sommet de la ville, à la rencontre de la cathédrale et d’un point de vue vertigineux, avant de rejoindre les cafés et restaurants pour se prélasser dans le bonheur de la dolce vita. Le cœur vibrant de l’Italie bat aussi ici.
D’autres highlights culturels au fil du chemin
- Potenza, la capitale régionale célèbre pour ses édifices religieux, le musée archéologique présentant des pièces de la Préhistoire à l’époque romaine et son atmosphère de ville de montagne.
- Au pied du volcan éteint du Mont Vulture, Melfi est un petit village tranquille et pittoresque qui se visite pour sa richesse historique. Première capitale de la domination normande et résidence de Frédéric II, on y découvre la cathédrale de l’Assomption ou le château datant du Moyen-Âge.
- La crypte du péché originel, l’un des plus beaux vestiges à découvrir près de Matera, lors d’une visite guidée. Présentée comme la « Chapelle Sixtine de l’art rupestre », cette grotte située sur le plateau de Murgia abrite des fresques bibliques représentant le récit de la création, des apôtres, des archanges ainsi que la Vierge Marie. Une splendeur à cheval entre arts byzantin et roman tardifs qui appartient désormais au patrimoine mondial de l’Unesco.
Du nord au sud, la nature et le grand air
Après la culture, la nature. Le moins que l’on puisse dire, c’est que sur une superficie totale de quasiment 10 000 km², la région ne manque pas d’espaces verts, de paysages montagneux, de lacs et de sentiers sur lesquels s’échapper. Un territoire d’aventures qui se déploie du nord au sud et flirte avec les frontières des Pouilles ou les routes menant vers des horizons maritimes.
Évoquant les montagnes du nord de l’Italie, les Dolomites lucaniennes dessinent des reliefs qui, à l’intérieur des terres, abritent deux villages classés parmi les plus beaux d’Italie. Conservant un agencement urbain médiéval avec des maisons perchées sur les coteaux rocheux, Pietrapertosa et Castelmezzano ont le charme d’un autre temps, les pierres et la verdure pour écrins. Nichés dans le parc régional du Gallipoli Cognato, ces deux villages se découvrent par la voie des airs avec le Volo dell’Angelo (Vol de l’Ange), une tyrolienne géante qui relie les sommets des deux villages, à parfois 400 mètres au-dessus des montagnes. Épatant, dépaysant et grisant.
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Accessibles lors de randonnées et encore préservés de la foule, les deux lacs de Monticchio, Lago Grande et Lago Piccolo, sont deux trésors sertis de nature luxuriante et de silence. Au sein d’une réserve naturelle boisée, ces étendues d’eau qui occupent des cratères éteints se distinguent des autres lacs italiens par leurs teintes allant du vert clair au vert olive. Tout autour, les forêts appellent à la promenade et à la rêverie, avant de se rendre au sommet du Monte Vulture, volcan endormi de la Basilicate.
Puis, cap vers le sud de la péninsule et le parc national du Pollino, le plus vaste d’Italie. Entre Basilicate et Calabre, mer Ionienne et mer Tyrrhénienne, cette incroyable étendue de nature abrite des trésors insoupçonnés de végétations, d’archéologie et d’histoire. Ici, on fait le plein de chlorophylle et d’activités au grand air ; l’on découvre le plus vieil arbre d’Europe, un pin d’Heldreich originaire de Bosnie ; l’on descend des rivières en rafting ou l’on se baigne dans la Grotta delle Ninfe, une piscine thermale naturelle. Le long de la vallée, une poignée de petits villages se visitent, dont San Paolo et San Constantino qui tous les deux hébergent des communautés albanaises très ancrées dans leurs traditions.
Enfin, située dans la commune de Papasidero, la grotte du Romito est un site archéologique immanquable, car il comprend l’un des plus anciens témoignages de l’art rupestre en Italie, de même que des sépultures. Entre repaire rocheux à visiter et fouilles en cours, ce lieu est une pépite d’archéologie.
Entre deux mers : des horizons de bleus
Et puis il y a cet enchantement, un autre voyage qui se dessine, solaire et aquatique. Car la Basilicate, c’est aussi cela : l’eau à perte de vue, le sable sous les pieds, une possibilité qui se dédouble en deux points cardinaux.
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À l'ouest, les plages de Basilicate donnent sur la mer Tyrrhénienne et plus nettement le golfe de Policastro, d’où surgit une beauté qui se révèle petit à petit : Maratea. Celle que l’on nomme la « déesse de la mer » a des allures de côte amalfitaine – voire un drôle d’air de Rio avec, en son sommet, la Statue du Christ Rédempteur. Une silhouette blanche et aérienne d’où s’étire un paysage hypnotique de monts piqués d’oliviers qui dévalent dans l’eau, de calanques et de lumière dorée. Une merveille de criques et de couleurs, invitant à la baignade, à la plongée et au temps qui n’existe plus tout à fait. Vous pourrez tout de même prendre celui d’arpenter les rues de Maratea à la découverte du quartier Il Borgo, un labyrinthe historique abritant une quarantaine d’églises et de vestiges architecturaux du XIIIe siècle. Un café sur l’une des places, un petit tour pour dénicher un sifflet porte-bonheur typique de la région, le cuccù, et vous voici de nouveau sur la route, direction la mer Ionienne, à l’est exactement.
Ici, c’est le golfe de Tarente qui offre ses eaux turquoise et ses plages de sable fin. Un bijou qui s’étend entre les villes historiques de Policoro et de Metaponto, la célèbre ville grecque de la mer Ionienne. Le récit de votre escapade entamera un nouveau chapitre où les rares collections du musée archéologique et les vestiges de l’Antiquité sont sublimés par un environnement qui tient du rêve. Celui d’un été qui n’en finit jamais.
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Une terre qui se cuisine et se goûte
Naples d’un côté, les Pouilles de l’autre et, entre les deux, la Basilicate. Si les pizzas napolitaines et la cucina povera du talon de la botte ont façonné le paysage gastronomique du sud du pays, la Basilicate, ce territoire du milieu, a aussi sa cuisine, ses spécialités et son originalité. Ça tombe bien. Qui pourrait imaginer un voyage en Italie sans des heures et des heures à table, à partager des assiettes, savourer un ristretto au soleil, refaire le monde et remplir ses valises de pâtes artisanales ? Pas nous, assurément.
À l’image de la cuisine des Pouilles, celle de la Basilicate est simple, authentique, rurale et très réconfortante. Premier réflexe gourmand : la pasta, à commencer par les orechiette, en forme de petites oreilles que l’on pourra déguster dans les deux régions. Ensuite, il y a toutes les spécificités locales pour attiser la curiosité et les papilles, comme les scialatielli, de longues pâtes qui ressemblent aux linguine, mais aussi les mischiglio, des pâtes à base de farine de légumes et de céréales, ou bien la pasta mollicata, une recette de la province de Potenza qui se compose de pâtes, de mie de pain et d’ail. Gnocchi à l’œuf, au miel et aux amandes : les purceduzz sont aussi irrésistibles que nourrissants. Solaire et généreuse, la terre fait ici pousser des merveilles, à l’instar du poivron rouge. Séché et très doux (peperone di Senise crusco), il se retrouve souvent dans des assaisonnements de pasta. Ça sent le sud et c’est délicieux.
Saucisse sèche de porc ou lucanica qui remplissent les étals des marchés locaux, saucisse pezzente à base de cochon, poivron rouge et graines de fenouil sauvage, ou encore pignata, un ragoût d’agneau qui mijote dans une cocotte en terre cuite : la viande se consomme en charcuterie, grillée, avec de la polenta ou au cœur d’assiettes bien copieuses.
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Soulagement du côté des végétariens, en plus des plats de pâtes, quelques spécialités permettent de varier les plaisirs, avec notamment la soupe traditionnelle de Matera (crapiata materana), à base de légumineuses, de pommes de terre et d’huile d’olive et qui, à l’origine, célébrait la fin des récoltes. Issu des Pouilles, le plat fave e cicoria se retrouve souvent au menu des restaurants et il serait dommage de s’en priver, tant le duo purée de fèves et chicorée nourrit l’appétit et enveloppe d’un goût doux et puissant.
Symbole local dont la célébrité a largement dépassé les contours de la Basilicate, le pain de Matera a une appellation géographique protégée. Une rareté qui s’explique par l’originalité de sa confection à base de variétés anciennes de blé dur, de levain parfumé et dont la tradition remonte au XVe siècle. En forme de cornet et avec une croûte épaisse, il est souvent servi en apéritif avec de l’huile d’olive ou se retrouve rassis dans une recette du nom de cialledda, une salade composée de tomates, pommes de terre, oignons et origan.
Enfin, pour la note sucrée qui accompagne le café, on se régale de strazzate, soit des petits biscuits au chocolat et aux amandes que les grands-mères préparaient pour les vacances de Noël.
Par
MARIE MERSIER
Photographie de couverture : Berthold Steinhilber/LAIF/REA