Cette maison a hébergé au début du siècle dernier un hôte particulier : Mohandas Gandhi. Aujourd’hui restaurée par Voyageurs du Monde, elle devient musée et maison d’hôtes. L’occasion unique de s’immerger dans l’intimité d’un homme et d’un pays.
La Maison
Construite en 1907 dans un quartier résidentiel de Johannesburg, une maison aux allures de ferme africaine, appelée le Kraal par son architecte Hermann Kallenbach, entame une nouvelle vie. Rebaptisée la Satyagraha House - en référence à la philosophie de Résistance Passive-par la force de la vérité (Satyagraha en sanskrit)- développée par Gandhi à l’époque où il séjournait ici - elle retrouve aujourd’hui son âme, et offre la possibilité de revivre une page importante du parcours de Gandhi en Afrique du Sud.
Pour transformer ce lieu en musée-maison d’hôtes, Voyageurs du Monde a travaillé pendant près de deux ans avec un architecte local, spécialiste des monuments historiques: « l’objectif principal était de redonner son aspect originel à la maison qui avait subi des transformations au fil des ans... » explique Rocco Bosman. Autre mission : y intégrer un hébergement sans dénaturer les lieux. Pari réussi, avec désormais sept chambres décorées avec une harmonieuse sobriété. Le cottage, (ajouté par Kallenbach quelques années plus tard), en comprend deux, partageant un petit salon avec cheminée. Enfin, l’opération la plus délicate du projet fut d’ajouter une aile moderne. « Nous avons opté pour une architecture très moderne, en briques et en verre afin d’affirmer le contraste avec la maison d’origine et ainsi, la mettre en valeur. » affirme Fabrice Dabouineau, directeur du projet.
L’âme de Gandhi
Un choix approuvé par Erik Itzkin, historien spécialiste de Gandhi et consultant sur l’ensemble de la restauration : « le résultat satisferait sans doute Kallenbach et Gandhi. » s’amuse-t-il. Dès le seuil, on se représente les deux hommes qui habitèrent ensemble cette maison. Installés dans l’une des deux rondavelles (huttes), au salon face à la cheminée, ou encore attablés dans la salle à manger qui ouvre sur l’arrière du jardin et ses Pride of India centenaires. Surplombant la pièce, se trouve un espace hautement symbolique : la mezzanine sur laquelle séjournait vraisemblablement Gandhi. L’ambiance générale est sobre et apaisante. La plupart des objets ont été chinés dans le Gujarat, état de naissance du mahatma. Baignée par les photos et les écrits de Gandhi et Kallenbach, chaque pièce est une invitation au voyage, à la fois temporel et intérieur.
L’esprit des lieux
Sans prétendre à la vie ascétique menée par Gandhi, la maison entend respecter une certaine cohérence vis-à-vis des lieux et le partager avec ses hôtes. Ainsi, sont dispensés des cours de yoga et de méditation. Au-delà d’une nourriture plus spirituelle (une bibliothèque philosophique est à disposition), celle qui compose petits-déjeuners et collations est entièrement végétarienne. Les légumes proviennent en partie du potager de la maison, biologique comme l’ensemble des produits achetés à des fournisseurs locaux respectant les normes de commerce équitable.
Télévision, alcool et cigarettes ne font pas partie du « régime » de la Satyagraha House (un espace fumeur est cependant prévu à l’extérieur). Seule concession aux addictions modernes, pour ceux qui ne se retrouveraient pas totalement dans l’introspection : une connexion wifi. Moderne, la maison l’est sur le plan écologique. Elle dispose d’un chauffage au sol issu d’une technique géothermique, l’eau à usage non potable est tirée d’une source qui émerge dans le jardin, enfin, un éclairage basse consommation est privilégié sur l’ensemble de la propriété.
L’équipe de la Satyagraha House a été recrutée auprès de la population locale et représente ainsi de façon naturelle la diversité de "la nation arc-en-ciel". Chaque personne est employée suivant des normes salariales et sociales honorables. Toutes ont reçu une formation en français sur l’histoire du site, ce qui leur permet de guider le visiteur à travers le musée.
Découvrir la maison
Vivre dans un musée
Lieu de mémoire, le musée de la Satyagraha House est également un lieu de vie. L’exposition court à travers les pièces communes de la maison (rondavelles, salon, salle à manger), retraçant la période à laquelle Gandhi vécut à Johannesburg et en particulier dans cette maison aux cotés de son ami Kallenbach. Ce musée d’un nouveau genre est ouvert gratuitement aux visiteurs de passage et bien entendu aux hôtes de la maison. Il rassemble une collection de photographies d’époque et de correspondances entre Gandhi et Kallenbach ou avec leurs proches. L’ensemble relate avec précision leur vie quotidienne au Kraal. On y trouve également dessins, discours, tracts et cahiers de notes, ainsi que des articles de presse, des livres et des objets en relation avec les deux hommes. Par ailleurs, certaines citations du mahatma - dont les préceptes de la Satyagraha - ont été reproduites sur de grandes tentures en coton ou de petites tablettes en bois. Les objets chinés en Inde : nattes, tabourets, tables de lecture, charkha (la même qu’utilisait Gandhi pour filer son coton) finissent de plonger le visiteur dans l’univers qui était celui de Gandhi et Kallenbach à l’époque. La collaboration minutieuse entre l’équipe de Lauren Segal, conservatrice du musée, et les décoratrices Christine Puech et Amit Zadok, gomme subtilement la frontière entre lieu d’habitat et musée. L’occasion unique de percevoir à travers chaque pièce la présence de Gandhi et de vivre une réelle expérience spirituelle.
> A vivre sur place
Une journée de découverte du Johannesburg de Gandhi et de Mandela en parcourant les lieux qui ont marqué la vie de ces deux grands hommes : Constitution Hill et Soweto. Autre lieu à voir absolument : le bouleversant Musée de l’apartheid. Johannesburg c’est également une scène artistique florissante à découvrir travers les nombreuses galeries et ateliers d’artistes. Enfin côté shopping, décoration et sorties les bonnes adresses sont nombreuses !
> Au départ de la maison
Pretoria, le passage crucial pour mieux apprécier l’histoire politique de l’Afrique du Sud, la capitale administrative du pays, rassemble d’importants monuments historiques. La ville se visite facilement à pied.
La fabuleuse ville du Cap à découvrir à moins de 2 heures de vol de Johannesburg.
Des parcs : à 5 heures de route de Johannesburg, l’une des plus grandes réserves animalières du continent, le Parc Kruger. A 250 km au nord de Johannesburg, le parc national de Marakele, réputé pour sa colonie de vautours du Cap ainsi que ses espèces rares d’arbres. Plus au nord, à la frontière du Zimbabwe, le parc national Mapungubwe patrimoine zoologique et archéologique.
L’histoire
Gandhi et l’Afrique du Sud, la naissance d’une grande âme
C’est à Johannesburg, en partie dans une maison du quartier résidentiel d’Orchards, qu’est né le mahatma Gandhi… une seconde fois. L’Afrique du Sud ségrégationniste constitua pendant plus de vingt ans le terreau d’une philosophie qui allait changer la face du monde. Retour sur les premiers pas de l’homme au pagne blanc.
« C’est à Johannesburg que j’ai rencontré mes amis les plus précieux. C’est à Johannesburg que furent posées les bases dela grande lutte de Résistance Passive, en septembre 1906…Ainsi Johannesburg vu naître la plus sainte des associations que Madame Gandhi et moi même ramènerons en Inde. » C’est avec ces mots, prononcés en 1914 que Mohandas Gandhi rend hommage à une ville et un pays dans lequel il vient de passer 21 ans de sa vie. Ainsi, l’Afrique du Sud est le berceau de sa philosophie, la Satyagraha : une formule sanskrit désignant la force de la vérité et de l’amour. Cette désobéissance civile pacifiste qui, adoptée par des millions de personnes, mènera l’Inde à se libérer du joug britannique en 1947 et inspirera des peuples du monde entier à lutter pour leur liberté.
Lorsqu’il foule le sol sud africain pour la première fois, en 1893, Mohandas Gandhi est un jeune homme timide, fraîchement diplômé du barreau de Londres. La discrimination raciale qu’il va combattre auprès de la communauté indienne du pays et expérimenter lui-même, notamment à la gare de Pietermaritzburg - Gandhi est débarqué du train pour avoir défendu ses droits à voyager dans la classe réservée aux blancs - va progressivement transformer son mode de pensée et d’action. «Jusqu’en 1906, je croyais en la raison. J’étais un réformiste appliqué » expliquera le père de l’indépendance indienne «… Mais je constatais que la raison échouait à faire impression lorsque le moment critique arriva en Afrique du Sud…J’eu alors le choix de me rallier à la violence ou de trouver une autre méthode… Il me vint à l’esprit que nous devions refuser d’obéir à des lois dégradantes et les laisser nous mettre en prison. Cela revenait à l’équivalent spirituel de la guerre ». Une guerre pacifiste dans laquelle Mohandas Gandhi trouvera de nombreux alliés.
Un ami, une maison : deux piliers de la Satyagraha
Parmi les plus fidèles se trouve un architecte allemand, arrivé en Afrique du Sud en 1896, à l’âge de 25 ans. Hermann Kallenbach est attiré comme beaucoup d’autres Européens par l’expansion de Johannesburg liée à la découverte d’or dans la région. Il dirige bientôt la construction de nombreux édifices à Johannesburg, Pretoria et Durban. Son entreprise est profitable, et Kallenbach mène une vie prospère lorsqu’il rencontre le jeune Gandhi en 1904 :« Nous nous rencontrâmes presque par accident » racontera Gandhi « notre relation tourna vite en une amitié très proche, à tel point que nous pensions de la même façon, et il fût convaincu qu’il devait effectuer dans sa vie les changements que j’appliquais à la mienne. »
Kallenbach entreprend alors en 1907 la construction d’une petite maison à Orchards, une banlieue située à 10 km du centre de Johannesburg, en rase campagne. Contrariant son style habituellement classique, l’architecte mêle à une habitation de type européen des éléments d’architecture africaine : deux rondavelles (huttes), des charpentes en bois et un toit de chaume. Une maison simple qu’il nomme le Kraal, en référence aux fermes africaines. Tout juste remis d’une violente agression qui faillît lui coûter la vie, Gandhi s’installe chez son ami en 1908. Les deux hommes partagent alors entre la maison et son jardin, une vie quotidienne d’ascèse, basée sur l’exercice physique (à l’époque le Kraal dispose d’un cours de tennis) et la méditation : Gandhi se recueille régulièrement sur la mezzanine, accessible par une échelle. Il effectue à la même période plusieurs séjours en prison. Un an plus tard, les deux hommes, radicalisant leur quête de simplicité, quittent le Kraal pour les tentes de Mountain View. Puis, ils s’installent à la ferme Tolstoï, isolée à 35 km de la ville, qui deviendra le camp de base de la communauté satyagrahi, jusqu’à l’aboutissement victorieux de leur lutte en 1913. Un an plus tard, Gandhi quitte le pays pour rejoindre à jamais l’Inde. Kallenbach entend l’accompagner mais une autre guerre, violente celle-ci, éclate en Europe et l’Allemand est fait prisonnier lors de son escale à Londres. Les deux amis ne se reverront pas mais entretiendront une correspondance. Le Kraal, lui, connaîtra trois différents propriétaires jusqu’en 2010, perdant peu à peu la mémoire de ses premiers habitants. Aujourd’hui réhabilité par Voyageurs du Monde en un musée-maison d’hôtes, la Satyagraha House est désormais inscrite au patrimoine historique de Johannesburg.