Marielle Philip exerce un savoir-faire unique en France : celui du tannage de peaux de poissons. Habituellement mises au rebus par les poissonniers, ces peaux sont transformées en cuir par la jeune femme dans son atelier niché dans une ancienne cabane de pêcheurs sur le port ostréicole de La Teste-de-Buch.
Tu exerces un savoir-faire inédit en France. Comment as-tu découvert le tannage de peaux de poissons ?
Marielle Philip – En sa qualité de présidente de la Fédération des femmes du milieu maritime, ma mère a découvert ce savoir-faire au cours d’un échange avec la Laponie. Elle a décidé de se former à cet art ancestral de transformer la peau de poisson en cuir et m’en a transmis les fondements. Pendant un an, nous avons développé la technique pour atteindre une qualité esthétique et technique qui nous convenait, dans l’objectif de traiter avec des professionnels de la mode et de la maroquinerie. Depuis 2014, je travaille en solo et je continue de développer mes propres recettes de tannage et de coloration.
Quel est le processus de fabrication pour passer d’une peau de poisson à du cuir ?
Je transforme les peaux en cuir dans une démarche d’éco-conception à l’aide d’un tannage 100 % végétal, sans utiliser de chrome ou de sels métalliques comme c’est communément le cas. Je commence par récupérer les peaux de poissons crues auprès de poissonneries locales à La Teste-de-Buch et à Arcachon, ou auprès de pisciculteurs de la région. De retour à l’atelier, je les nettoie pour retirer les écailles et les résidus de chairs. S’ensuit le tannage, processus au cours duquel les peaux sont plongées dans une cuve d’eau additionnée à du tannin végétal – de l’écorce de mimosa ou de noix de gale – pendant une dizaine de jours. Après quoi, les peaux sont séchées, assouplies, aplanies, puis graissées avant d’être mises à la vente.
En quoi ton activité s’inscrit-elle pleinement dans le territoire du bassin d’Arcachon ?
C’est un territoire maritime traditionnellement lié au secteur de la pêche. Grâce à mon activité, le poisson peut être valorisé d’un bout à l’autre de la chaîne. Le tannage de peaux de poissons permet également de développer un savoir local propre au bassin, de créer une offre pleinement originale sur le territoire et de diversifier les activités maritimes. Je suis fi ère d’intégrer mon savoir-faire à l’économie bleue qui permet de créer de la valeur en lien avec la mer et le développement durable.
Que peut-on souhaiter à ton entreprise ?
Mon rêve serait que le cuir de poisson soit utilisé par les grandes maisons de mode. Je pourrais ainsi consolider et stabiliser mon activité pour créer de l’emploi sur le bassin d’Arcachon et avoir un impact plus grand sur la réduction des déchets marins de la région.
Par
MAGALI PERRUCHINI
Photographies
JULIEN MIGNOT