Canyons et mesas, ravins et collines pétrifiées, monolithes et cheminées de fées, et de vastes steppes balayées par le vent, un ciel immense où planent des vautours. Visiter le désert des Bardenas Reales, en Espagne, fait vaciller les repères : on se croirait bien plus loin, en Arizona, quelque part en Afrique, ou en territoire de fiction – un dépaysement absolu à deux heures de Biarritz. À pied, à cheval, à vélo ou en 4x4, pour quelques heures ou plusieurs jours, on part à la découverte du plus vaste désert européen.
Comme un mirage …
Un désert qui surgit, inattendu, à 70 kilomètres au sud des Pyrénées. Au sud de la verte Navarre – doux villages, églises romanes, et des terres maraîchères qui produisent une grande partie des fruits et légumes du pays, réputées pour leurs asperges, artichauds et petits pois –, une zone désertique d’éboulis pierreux et de cascades pétrifiées, de canyons et de mesas, de monolithes et de cheminées de fées, de steppes désertiques et d’édifices rocheux. Le désert de Las Bardenas Reales, vestige d’un lac salé préhistorique qui date d’il y a plus de 25 millions d’années, est une des terres les plus torturées d’Europe. Un paysage de gypse et d’argile sculpté par le vent et l’eau, sur 425 km². Des kilomètres d’argile dure et de sol limoneux, des vallées craquelées, boursouflées, hérissées de pics rocheux.
À chacun sa façon d’explorer les Bardenas. On peut y passer quelques heures ou plusieurs jours, le parcourir à pied, à cheval, à vélo ou en 4x4. Le plus vaste désert européen est protégé, institué parc national en 1990 puis réserve de biosphère par l’Unesco en 2000. De nombreux oiseaux migrateurs y trouvent refuge ; les fans d’ornithologie peuvent y observer le vautour percnoptère jusqu’au mois d’août. Il est aussi peuplé de lièvres et de renards, de scorpions et de veuves noires. Il faut donc emprunter les sentiers autorisés – dix au total, soit 600 kilomètres. Certains permettent de relier les sites les plus emblématiques, tel le Mirador de Juan Obispo ou la très instagrammable cheminée de fée de Cabezo de Castildeterria, devenue le symbole du parc.
Unai Huizi/Adobe Stock
Un Ouest américain au Pays basque
On s’enfonce sur les pistes balisées, à travers ses spectaculaires paysages d’érosion. Au nord, El Plano, la montagne plate – terres blanchâtres, substrat d’argile, végétation de steppe. Au sud, la Plana de la Negra, qui doit son nom à sa végétation méditerranéenne, pins d’Alep, chênes kermès, garrigue et bosquets de romarins. Et entre les vastes plateaux d’El Plano et de la Negra, les paysages bruts de la Bardena Blanca, la zone la plus désertique, qui provoque le dépaysement le plus grand. Ses formations rocheuses évoquent le Colorado et Monument Valley : majestueuses nuances de couleurs, montagnes qui font se superposer les teintes, rouge, vert ou blanc, et au-dessus de ses plaines arides, le vol plané des aigles royaux et des vautours – un Far West européen.
Çà et là s’égrènent des bâtisses qui témoignent de l’époque où les bergers transhumaient depuis les sommets enneigés des Pyrénées. Si on en croit la tradition navarraise, les Bardenas ont aussi été un refuge pour les bandits en fuite – l’expression « echarse a las Bardenas », « se tirer dans les Bardenas », signifie encore se défiler face à la justice. On imagine aisément que ces bicoques aient abrité des bandits de grand chemin, ce qui ajoute au sentiment de vivre un western à l’espagnole.
Nombreux, les réalisateurs qui ont saisi le potentiel cinématographique de ces paysages torturés, parmi lesquels Ridley Scott ou Terry Gilliam : chaque année, le désert accueille une cinquantaine de tournages. La saison 6 de Game of Thrones y a été tournée – les fans venus d’Australie ou de Corée reconnaissent la Mer Dothraki et les plaines du continent d’Essos dans l’immensité de désert et de vallées herbeuses.
Mais à l’exception de ces fans, les Bardenas demeurent méconnus des voyageurs – et c’est tant mieux. Le désert s’offre tel un territoire premier, on l’arpente en solitaire. On apprécie aussi une qualité toute particulière de silence – c’est comme si, ici, le bruit n’existait pas. Alors que la planète a été cartographiée dans ses moindre détails, les Bardenas nous rappellent que, même dans les pays les plus familiers, persistent des lieux intouchés par l’homme.
Hotel Aire de Bardenas/Emiliano López Mónica Rivera Arquitectos/José Hevia
Un refuge de luxe en pleine nature
Un territoire aussi exceptionnel que les Bardenas exige un hôtel à sa mesure. En bordure du parc national, l’Aire Bardenas se tient à la hauteur de son environnement. L’établissement hôtelier est aussi inattendu que le désert lui-même. Les renommés architectes Emiliano López et Mónica Rivera ont conçu un refuge en parfaite harmonie avec la nature environnante, pour lequel ils ont reçu les prix les plus prestigieux. Vingt-et-un cubes brutalistes sont posés entre ciel et terre, entièrement ouverts sur l’extérieur, avec leurs baies sur l’immensité qui aimante le regard, étendue lunaire de roches et de pierres. Dix bulles translucides viennent compléter cette offre de symbiose avec le paysage – hautement instagrammable. À l’intérieur, lignes sobres et style minimaliste, presque austère, et matières chaleureuses – un luxe simple. Chaque chambre dispose d’un patio privé, avec arbres fruitiers et grande baignoire extérieure. Côté table, une belle assiette composée avec les fruits, légumes et herbes aromatiques du potager et de la région. Et le verre de vin qui l’accompagne invite à poursuivre le voyage un peu plus loin, dans la province de Rioja.
Hotel Aire de Bardenas/Emiliano López Mónica Rivera Arquitectos/José Hevia
En pratique
Les aéroports les plus proches sont Bilbao et Biarritz.
On privilégie le printemps, pour les températures douces ; en hiver, elles peuvent chuter jusqu’à – 9°C et elles montent à 45°C l’été !
9 parcours cyclistes et 2 parcours pédestres sont répertoriés.
Par
MARION OSMONT
Photographie de couverture : Inigo Cia/Getty Images