Danemark

Le hygge, le bonheur à la danoise

Le hygge, le bonheur à la danoise

Les Danois sont classés en tête des peuples les plus heureux de la planète, alors on part en voyage au Danemark pour explorer le mode de vie hygge, et ses possibles déclinaisons, à Copenhague, Odense et Aarhus – ou comment revisiter l’épicurisme à la mode nordique.

 

La déferlante hygge

Rentrer chez soi, enfiler des chaussettes de laine et se lover dans un plaid face à un feu de cheminée avec une tasse de thé fumant, la recette du bonheur ? Il y a quelques années, le hygge danois s’est propagé sur les réseaux sociaux et les pages lifestyle des magazines. Pendant des mois, les ouvrages qui lui ont été consacrés ont caracolé en tête des ventes au rayon développement personnel. Une déferlante marketing qui a entrainé une vision un peu caricaturale du hygge, entre pensée positive et pratique feel good – on a désormais tous en tête les accessoires qui lui sont aussi emblématiques qu’indispensables : les grosses chaussettes de laine, le plaid, le mug, les bougies, le tricot.

Le hygge, qu’est-ce que c’est ?

Mais le hygge, c’est peut-être plus que ça. Et d’abord l’illustration de la capacité d’adaptation de l’être humain. Le hygge puise ses origines dans le froid et l’obscurité des pays nordiques : au Danemark, en hiver, la nuit tombe à 16 heures – et l’hiver dure longtemps. Le poète Henrik Nordbrandt parle du Danemark comme du « pays de l’éternel novembre », c’est dire. Si, pour les voyageurs, la lumière crépusculaire danoise et l’art de vivre qui y est associé ne sont pas dénués de charme, pour les Danois, le hygge est peut-être d’abord un antidote à la mélancolie, une manière de résister aux courtes journées d’hiver et à la météo grise. Un art de vivre qui met au centre le confort et la convivialité, qui incite à partager des moments entre amis plutôt que de s’enfermer seul chez soi pendant les longs mois d’hiver. Et au-delà, une philosophie de vie, qui tient au fait de prendre du temps pour soi et à la qualité des moments partagés avec ceux que l’on aime. Un état d’esprit qui consiste à apprécier les petits riens de l’existence.

 

Le chalet de bois dans le Jutland, c’est hygge. Une marche en forêt, un repas partagé entre amis, c’est aussi hygge. Un bain chaud, écouter le bruit de la pluie, quand on est au chaud chez soi. Un vendredi soir sous la couette. Le hygge, c’est aussi prendre le temps de ralentir, d’adapter son rythme de vie à son niveau d’énergie, de vivre chaque expérience à l’écoute de ses sens. C’est un refuge, un réconfort, une intimité. Les Danois considèrent le hygge comme un élément central de leur identité. Et une fois qu’on l’a adopté, on n’abandonne pas ce mode de vie à l’arrivée des beaux jours.

 

 

 

Comment traduire le « hygge » ?

Le mot hygge, qui dérive du vieux norvégien, est intraduisible en français. Convivial, intimiste, chaleureux, doux… Aucun de ces termes ne réussit à traduire parfaitement le mot « hygge ». Mais même dans la langue de Molière, on peut tenter de ralentir, de prendre son temps pour porter plus d’attention aux petits bonheurs du quotidien. Et le voyage, qui offre la possibilité de se délester pour un temps de ses habitudes, de changer de rythme et de saison, et de respirer un air nouveau, permet peut-être de mieux vivre le moment présent.

 

Bicyclette et dream cake à Copenhague

L’écologie va bien au hygge, la bicyclette aussi. Alors on file à Copenhague, qui s’est fixé pour objectif d’être une cité 100 % neutre en carbone à l’horizon 2025 et est depuis des décennies déjà pourvue de 350 kilomètres de pistes cyclables. Et on pédale ! De Vesterbro à Nørrebro, on se déplace à vélo. Le nez en l’air, on admire les immeubles de brique, les façades roses, bleues ou vertes qui se rient de la grisaille, les jolis fleuristes et les cafés tous plus mignons les uns que les autres. Boutiques de créateurs, galeries d'art et marchés en plein air, on aime tout à Copenhague !

L’été, on peut piquer une tête dans la Baltique à Kastrup Sobad : une structure de bois en coquille d’escargot s’élève en spirale au-dessus de la surface de l’eau – c’est beau ! L’hiver, on préfère un bain chaud sur le port, dans un spa urbain à ciel ouvert, sur la presqu’île de Refshaleøen. Après avoir plongé dans l’eau glacée, on prend place dans une baignoire ronde dont l’eau est chauffée au feu de bois, en regardant l’horizon – on en sort profondément apaisé et détendu. Et quelle que soit la saison, on s’installe ensuite pour le goûter dans un café pourvu de canapés où s’enfoncer. On commande un « drømmekage » ou dream cake, littéralement gâteau de rêve, le goûter préféré des têtes blondes danoises. Beurre salé, lait entier, cassonade blonde, biscuit léger et mousseux, un délice régressif absolument hygge, à associer avec un café torréfié sur place.

À Odense, chez Hans Christian Andersen

Odense, troisième ville du Danemark, à deux heures de route à l’ouest de Copenhague, est la ville natale de Hans Christian Andersen (1805-1875). L’enfance, l’imaginaire, la poésie sont en phase avec le hygge ; on ne peut pas rêver meilleur endroit pour le mettre en pratique. Le plus célèbre des auteurs de contes de fées a écrit La reine des neiges, mais aussi La petite sirène, La petite poucette, La petite fille aux allumettes, Le vilain petit canard... La maisonnette à la façade jaune bouton d’or où il est né en 1805 est toujours là, qui lui a inspiré celle de Kay et Gerda, dans La reine des neiges. Un peu plus loin, le H.C. Andersen’s Hus, ou musée des contes de fées, ouvert en 2021, est dédié à la vie et à l’œuvre du célèbre conteur. L’architecte japonais Kengo Kuma l’a conçu tout en volumes courbes, comme pour emporter les visiteurs dans les univers décrits par Andersen. Les installations interactives, immersives et spectaculaires qui mettent en scène les contes emportent effectivement petits et grands. Dans le joli jardin du musée, le chemin serpente entre les mares et autres miroirs d’eau, la végétation protège les petites places des regards… C’est un espace propice à la rêverie et à l’imagination. Mais on aime aussi se balader dans la ville, au fil de ses petites ruelles pavées, où les pimpantes maisonnettes XVIe et XVIIe aux façades colorées semblent tout droit sorties d’un conte de fées.

 

 

À Aarhus, capitale du hygge

Aarhus a été édifiée par les Vikings au VIIIe siècle sur la côte est de la péninsule danoise, ce qui en fait la plus ancienne des villes du pays. 40 000 étudiants y vivent, attirés par sa prestigieuse université qui compte parmi ses anciens étudiants deux prix Nobel. Aarhus est aussi, de par leur présence, la plus jeune des villes du Danemark. Elle cultive décidément les superlatifs – et on dit aussi qu’elle est la plus heureuse des villes danoises. Plus qu’ailleurs, ses habitants ont la réputation de cultiver le hygge. Alors on va voir, et on essaie de faire comme eux.

 

Dans l’ancien quartier de Mollestein, le long des ruelles pavées, les vélos sont simplement posés contre les maisons. Les façades pastel sont fleuries de roses trémières et de rosiers anciens. En balade dans le quartier, on voudrait pouvoir tout lâcher et s’installer dans une de ces maisons de poupées. Ici, où l’atmosphère est propice à la lecture face à l’âtre, on cultiverait l’esprit hygge, tendance bucolique. Autre quartier, autre ambiance. À Godsbanen, les friches industrielles de l’ancienne gare de fret ont été reconverties en institut culturel et le hygge prend un visage plus contemporain – mais tout aussi séduisant. Une cantine entre un atelier de menuiserie et un showroom où s’exposent de belles pièces de céramique ; on prend place autour d’une table en bois pour un repas de pain noir et de harengs marinés – smorrebrod. Ensuite, on part en balade dans le quartier. La municipalité autorise l’habitat léger ; des designers ont installé des maisons faites d’anciens conteneurs maritimes qui, elles aussi, donnent envie de poser ses valises, pour poursuivre l’exploration du concept du hygge et de ses possibles déclinaisons.