Il y a une culture voyage, qui se compose de kilomètres parcourus, de territoires explorés, de livres lus, de rendez-vous manqués, de départs et d’arrivées. Cette culture se partage et se communique, comme toutes les cultures. Elle a ses hauts lieux que nul ne conteste, qui font le bonheur de ceux qui les ont vu en vrai et mettent les autres en route. On en rêve. On les pressent. On s’y prépare. Parmi ces phares sur la carte du monde : les plus beaux parcs du à ne pas manquer pendant son voyage au Kenya. Quel voyageur bien né pourrait sans déchirement y renoncer ?
- Mont Kenya
- Plateau de Laikipia
- Meru National Park
- Hells Gate National Park
- Lac Nakuru
- Masaï Mara National Reserve
- Amboseli National Park
- Tsavo National Park
- Samburu National Reserve
- Mont Marsabit
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Mont Kenya
Central, assez régulier quand on l’évalue sur la carte, ce massif est le pinacle du pays - 5199 mètres d’altitude - et son château d’eau. Ce qui a déterminé l’installation du national park. Le mont est un peu l’axe autour duquel s’organise la constellation des parcs kenyans. De visu, son aspect marque les aléas d’une érosion qui l’a rogné de plus de 1000 mètres. Des vallées l’entament profondément. Les roches s’élèvent en empilements dramatiques. Les hauts sont balancés comme une forte houle. Des glaciers s’y cramponnent. Les pentes sont d’abord couvertes de forêts de genévriers, d’oliviers sauvages, de bambous et d’arbres qui n’ont d’autres noms que scientifiques. Au-dessus, émergent entre les roches les ogives, les colonnes comme poilues ou alvéolées des lobélias. Un certain romantisme équatorial se dégage de tout cela, qui s’élève énergiquement sur un paysage de savane plate. Et les bêtes ? Les bêtes y sont, bien sûr. Eléphant, à tout seigneur tout honneur ! Et tous les petits et les grands. Ceux pour lesquels on vient. Et ceux auxquels on n’avait pas pensé. L’hylochère, par exemple, gros suiné hirsute. Les réserves de Lewa et Ngare Ndare abritent des zèbres de Grévy en pagaille. Avec son dos bleu et son ventre orange, le cossyphe de Rüppell est un petit oiseau tout à fait charmant. Le Mont Kenya est beau de ses contrastes. Ce que précise l’Unesco qui l’a inscrit au patrimoine mondial.
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Plateau de Laikipia
A l’ouest, le plateau de Laikipia appartient au même système. Ponctué d’inselbergs, il offre des panoramas splendides où que l’on se tourne, mais spécialement en direction du mont Kenya ou du massif de l’Aberdare. La plaine rompt alors contre des reliefs majeurs. Abscisses et ordonnées qui définissent un paysage saisissant. Genévriers et oliviers sauvages composent ici aussi un couvert vert sombre parfois dense. Le secteur ne subissant qu’une faible pression touristique, il a conservé son naturel d’origine, qu’a modifié seulement un élevage bovin extensif longtemps pratiqué. On s’y adonne désormais au slow safari à partir de lodges d’exception. Dans la réserve Ol Pejeta - dépendante de l’organisme non lucratif britannique Fauna and Flora International - les éléphants se sont installés, mais aussi le rhinocéros noir, et même le rare rhinocéros blanc. Des chimpanzés rescapés du marché noir sont progressivement rendus à leur nature. Les bubales, les lycaons, lions et autres guépards sont les indices d’une faune préservée et équilibrée. Les sorties au crépuscule, ce grand échangeur de faune, permettent d’apercevoir les discrets : oryctérope, zorille, renard à oreilles de chauve-souris. Et peut-être namiri, la panthère.
Olivier Romano
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Meru
A Meru, au sud-est du mont Kenya, la faune ne se livre pas aussi facilement. Des pluies abondantes y alimentent de nombreux marais herbeux qui, s’ils entretiennent une riche diversité, exercent la patience des observateurs plus que la plaine sèche. Cependant, les paysages sont très variés et le jeu de cache-cache en vaut la chandelle ! Dans les zones les moins arrosées, on rencontre l’oryx beïsa ou le gerenuk ; lorsqu’il y a suffisance d’eau, l’hippopotame et le buffle, le crocodile. L’éléphant de savane croise bien sûr dans ces parages. Les girafes réticulées offrent aux observateurs l’avantage de leur long cou. Des carnivores nombreux font aux antilopes et aux gazelles un cortège intéressé. Le parc a été beaucoup braconné pendant les années 80 et 90. Ce qui lui valut une certaine désaffection. Comme à quelque chose malheur est bon, cette situation préoccupante a provoqué une réaction des autorités de tutelle. Un vaste programme de restauration des milieux est en cours, qui porte de beaux fruits. Les infrastructures, elles aussi, ont été repensées dans le sens d’un moindre impact. Des actions qui, ajustées aux caractères physiques du domaine, ont rétabli le statut du parc. Du coup, fréquentation modeste et nature ravivée : idée congrue pour l’hiver austral. Et ceux qui ont lu ou vu Born Free peuvent visiter la maison des naturalistes George et Joy Adamson. Meru National Park se consacre d’ailleurs particulièrement aux lions.
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Hell’s Gate
Hell’s Gate est un petit parc, mais concentré. Installé au sud du lac Naivasha, sur un site d’ancien volcanisme. Le climat y est chaud et sec ; en conséquence, l’atmosphère est essentiellement minérale. La morphologie est marquée par des élévations, des gorges, des falaises. Celles de Hell’s Gate Gorge ont des parois rougeâtres. Les Nairobiens viennent d’autant plus volontiers qu’il y sont encouragés par une politique de fréquentation ouverte. Laquelle autorise le camping, par exemple. Fait rare dans les parcs kényans. Et les tarifs sont modérés. On peut y faire de l’escalade. Quand à voir, eh bien, des babouins, qui comptent tout de même parmi les plus constants des animaux africains. Des messieurs tout l’monde en quelque sorte, mais qu’on ne doit pas ignorer. Ensuite, buffles, zèbres, gazelles de Thomson, etc. Cependant, ce sont les gypaètes barbus qui distinguent le parc. Les rochers servent encore de refuge aux petits et agiles oréotragues. Les prédateurs ne manquent pas non plus pour éclaircir ce beau monde. Lion en tête. L’équipe de The Lion King n’est pas venue pour rien s’inspirer de ces paysages.
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Nakuru
Nakuru est l’un des lacs Unesco de la vallée du Grand Rift. Le parc tourne autour comme une bague. Les variations du niveau et de la salinité des eaux retiennent ou éloignent plus ou moins les flamants qui s’y nourrissent et en font l’ornement. Lorsqu’ils sont en grand nombre, les oiseaux au bec courbe emmanché d’un long cou, couvrent le lac d’un fantastique édredon de plume blanc-fuchsia. On voit bien cela de Baboon Cliff. L’époque de reproduction court de novembre à avril (de nombreux migrateurs sont alors aussi présents). Autour des flamants grands et petits, de grands pélicans blancs, le pygargue vocifer, le héron goliath, l’ombrette africaine, le martin-pêcheur pie, l’aigle de Verreaux, la bécassine double, le pluvier crabier, l’alouette calandrelle, le cubla de Gambie, etc. La gent ailée est d’une formidable abondance. Quoi d’autre ? Le milieu convient au phacochère, qui pousse un peu partout son groin armé. Les rhinocéros noir et blanc se montrent, à la mesure de leurs faibles effectifs. La girafe de Rothschild abonde, elle. La panthère, subreptice, n’est pas rare pour autant. La faune terrestre a belle allure, mais que peut-on contre le règne des oiseaux ?
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Masaï Mara
La réserve nationale du Masaï Mara forme un diptyque avec le parc national tanzanien du Serengeti. Au milieu, coule la Mara River que, deux fois l’an, au cours d’une migration tumultueuse, gnous, zèbres, gazelles traversent en troupeaux serrés. Et pressés. Car les prédateurs profitent de l’aubaine. Bousculades, dérapages, gadins, faux pas leur offrant une occasion de festin. Les crocodiles dans l’eau limoneuse, les lions dans la savane sont les principaux bénéficiaires de l’opération. L’Afrique sauvage en cavalcade ! L’un des plus implacables et beaux spectacles donnés par le monde animal. Une tragédie naturelle, si la tragédie est l’effet d’un mouvement nécessaire. Des lodges permettent d’assister à ce retour du tohu-bohu. Sinon, en période de calme, la savane expédie les affaires courantes, dans un paysage très ouvert et doucement vallonné. Du jeu du qui mange qui, isolons un instant les antilopes. Le topi, damalisque aux cuisses bleues ; le bubale, qui lui ressemble assez ; le gnou, pour cette fois paisible ; les impalas, qu’une menace fait bondir ; le cobe defassa aux cornes annelées élégantes et aux arcades orbitaires de boxeur parfois ; le puissant éland du Cap ; la forte antilope rouanne. Bêtes splendides, qui partagent libéralement leur territoire avec les troupeaux des Masaï.
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Amboseli
Ernest Hemingway a écrit The Snows of Kilimanjaro ici, à Amboseli. Ce parc est le balcon kényan sur la montagne, qui s’élève comme un mont Fuji africain de l’autre côté de la frontière tanzanienne. Il a donc à l’extérieur de son périmètre l’une de ses principales attractions. Et il faut confesser qu’à une heure claire, l’effet d’élévation du cône est somptueux. Il y a des choses qu’il faut avoir vues. Pour simplifier, le parc se partage entre une savane à acacias et de larges marécages, à l’ouest. Très favorable au regroupement de faune. On retrouve le fonds animalier kenyan. Allez savoir pourquoi, les éléphants sont particulièrement à leur avantage. On les croise allant à la file, puissants et précautionneux. Etant moins étendu que le Masaï Mara, Amboseli procure des conditions d’observation peut-être moins lacunaires. L’équilibre faunistique est tenu. Ce qui fournit de quoi s’employer à tous les échelons du dispositif alimentaire. Hyène tachetée, chacal à flancs rayés, marabout, vautour à capuchon, percnoptère d’Egypte : si les charognards sont nombreux, c’est pour une bonne raison et une juste cause. Leur effort d’assainissement invite à la considérer avec bienveillance.
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Tsavo
Le Tsavo est coupé en Tsavo Est et Tsavo Ouest par la ligne de chemin de fer Nairobi-Mombasa. A l’ouest, des collines et de la latérite, dont la teinte rouge s’attache aux animaux. Aux éléphants notamment. L’est est à la fois plus plat et plus sec. A eux deux, ils forment un parc géant de quelque 20 000 kilomètres carrés. Il faut donc choisir ses points de chute, car on ne le parcourt pas ainsi à l’aventure (avec l’espace, la qualité professionnelle des rangers est impérative). Les animaux de la partie orientale en marquent la semi-aridité. L’oryx et le gerenuk, l’autruche de Somalie, au noir et blanc bien net, sont de cet environnement-là. Comme la pintade vulturine, qui porte un joli jabot de plumes mi-parties. Cependant, le caractère général de la faune kenyane demeure et l’on retrouve bien des museaux connus. Le Tsavo a aussi une archéologie. De nombreux établissements de l’âge de pierre ont été identifiés sur les bords de la Galana River. Ces hommes d’avant chassaient et pêchaient, avaient des animaux domestiques. Les rapides de la Galana, à Lugard Falls, sont par ailleurs un site spectaculaire, bouillonnant à travers un chaos de roches. A Tsavo Ouest, les animaux s’observent moins facilement, du fait d’une végétation - généralement rugueuse et épineuse, elle se défend d’être aliment - plus dense.
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Samburu
Avec ses buissons et ses petits acacias, la réserve nationale de Samburu, de prime abord, ne paie pas de mine. C’est pourtant l’une des plus importantes concentrations de faune du Kenya. Torride en été. On y va donc pendant l’hiver austral, quand les animaux ne passent plus leur temps à haleter à l’ombre et se montrent aux visiteurs sous un jour moins accablé. Les hippopotames reviennent avec l’eau. Les Big Five sont au rendez-vous de l’humidité. De l’éléphant au dik-dik de Kirk (qui ne pèse guère plus de 5 kilos), du rhinocéros noir au babouin olive et de la girafe réticulée à la gazelle de Grant, les sorties d’observation ne sauraient décevoir. Dans le lit de l’Ewaso River, le crocodile du Nil rôde. Les oiseaux ici encore offrent maintes occasions de s’émerveiller. Les souimangas et les guêpiers sont ravissants. Le marabout est très moche, mais on sait désormais le rôle modeste et essentiel qu’il joue. Le rollier à gorge lilas a tout du dandy. Le choucador superbe montre un ventre cannelle et une gorge bleu métallisé. En vol, le vautour palmiste a très belle allure. Sur la rive sud de l’Ewaso, la réserve Buffalo Springs présente des caractéristiques similaires.
Jean Luc Manaud
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Marsabit
Ce parc du nord tient son nom du mont Marsabit, vieux volcan bouclier de 1700 mètres de haut. Le sud du Kenya n’a pas eu seul le privilège de définir l’image de l’Afrique sauvage, puisque c’est par ici que Martin et Osa Johnson ont tourné les films qui devaient donner Trailing Wild African Animals, 1923. Qui fit date. Aujourd’hui comme hier, la région est marquée par des cratères éteints envahis de végétation. Elévations étonnamment vertes sur des plaines poussiéreuses piquées de rares acacias, et qui donnent sa physionomie au paysage. Trois lacs de cratère, dont Lake Paradise, ravissent ceux qui y parviennent. Le Marsabit est peu fréquenté. C’est une alternative aux célébrités méridionales. L’aventure au bout de la piste. Autre chose, dit aussi moins de confort. Les rencontres cependant dédommagent largement le voyageur de son effort. Eléphants, buffles, lions, oryx, koudous, gazelles se nourrissent dans les parties basses. Les pentes forestières abritent le singe bleu, qui apprécie les canopées ombreuses ; le colobe guéréza occupe peu ou prou le même habitat. A l’étage du dessous, babouins et vervets vont alternativement des basses branches au plancher des watusis. Les oiseaux aussi…
Par
EMMANUEL BOUTAN
Photographie de couverture
OLIVIER ROMANO