Monténégro

Monténégro, un fjord dans les Balkans

Monténégro, un fjord dans les Balkans

Monténégro, monte negro, montagne noire – les Vénitiens ont nommé ainsi ce territoire des Balkans pour ses forêts sombres, de pins et d’acacias. Pourtant, au Monténégro il y a : des roches blanches, du sable rose, des tuiles rouges, l’or des coupoles, le ciel azur, et une mer émeraude, saturée de soleil. 


Bouches de Kotor, ciel limpide. La péninsule de Luchitsa cultive des airs de Provence : des criques de galets blancs et des maisons de pêcheurs aux murs délavées par trop de soleil qui se serrent les unes contre les autres au creux des calanques. Une marche dans les oliveraies – on visite les pressoirs avec Illja, qui nous explique les techniques de pressage de l’huile d’olive, dont il a hérité de son père (qui les tenait de son père, qui lui-même… : chez les Morec, on cultive l’olivier depuis neuf générations). Dix heures, le soleil est déjà haut, la chaleur se fait épaisse, la lumière vive. On s’attable chez Illja, à l’ombre bienfaisante des tonnelles. On déguste l’huile d’olive, bien sûr – un cérémonial : on évalue les arômes au nez d’abord, puis en bouche, au verre, et enfin sur du pain blanc. Et, de fruité vert, aux arômes d’amande douce, en fruité noir, aux notes de cacao, la dégustation se poursuit par un festin de fromage de brebis, de figues fraîches et de prosciutto, qui nous emporte jusqu’à l’heure de la sieste : une lecture à l’ombre d’un muret, avant de rejoindre une crique turquoise.

On longe la route qui déplie une baie, puis l’autre, « la Boka », fjord adriatique, succession de cirques marins follement escarpés : à chaque virage, un éblouissement. Et la mer, comme un lac de montagne, qui reflète les villages et les cyprès.

personnes au bord de l'eau a kotor au Monténégro

Kotor, tuiles roses, clochers, coupoles or et grises face à la baie étincelante. On passe une des trois portes de la vieille ville : on est en Vénétie  – places ombragées, façades dorées, jalousies de marbre rouge, frontons aux bustes de sirènes, fresques fanées, et des citronniers qui s’invitent aux terrasses. Charme suranné et douceur italienne. La ville semble dépeuplée, ensommeillée par la sieste, qui s’étire tard dans l’après-midi. Des escaliers de pierre jusqu’aux remparts au flanc des montagnes – coucher du soleil, fjord vertigineux, gorges qui plongent à pic, et, toujours, la baie émeraude.

Au petit matin, doux réveil dans un ancien palais. La mer par la fenêtre se drape d’un voile cotonneux – on file pour une marche le long des sentiers, à la fraîche, oliviers frissonnants, amandiers en fleur.

On longe les pentes de la baie jusqu’à Perast, toute tournée vers la mer, palmiers et pins parasol, balcons baroques des palais italiens, et maisons de pêcheurs. Des grands-pères coiffés de bérets sont assis aux perrons des maisons, comme pour parfaire le décor. On rejoint en barque Notre-Dame-du-Rocher, sur un îlot artificiel installé là, sur des carcasses de bateaux naufragés, en hommage à la patronne des marins. Dans la chaleur moite de la chapelle (le feu des centaines de cierges allumés par les pèlerins endimanchés), parmi des dizaines d’ex-voto qui disent la solitude des marins dans les tempêtes, un émouvant vestige : une tapisserie brodée 28 ans durant de fils d’or et de cheveux d’abord blonds, puis blancs, par une Pénélope monténégrine qui n’a pas revu son époux marin, tant attendu.

bateaux à Perast au Monténégro

Et du lac de Skadar, le plus grand lac d’ex-Yougoslavie, on retiendra cette image un peu irréelle, celle d’une paysanne aux tresses argentées, portées en couronne sur la tête, vêtue de noir, qui traverse en barque les eaux sombres, convoyant deux chèvres, dans les premières lumières du jour, entre bleu et rose. Le Monténégro porte décidément bien mal son nom : il est fait de couleurs. 

 

 

Photographies

Frank Heuer/LAIF-REA