Un ordinateur portable, une connexion haut débit, la vue sur le Tage ou la forêt tropicale en bruit de fond… Si vous reconnaissez là votre bureau, vous faites peut-être déjà partie de cette communauté enviée des “digital nomads” (en français, les nomades numériques), qui pousse le concept de mobilité hors des murs et des frontières. Et si vous hésitez encore à franchir le pas, voici un mode d’emploi.
- Le Portugal
- Les Canaries
- La Grèce
- L’Île Maurice
- Le Cap (Afrique du Sud)
- La Thaïlande
- Bali
- Hô Chi Minh-Ville (Vietnam)
- La République dominicaine
- Dubaï
Pratiquée depuis longtemps par quelques pionniers, préconisée par certains patrons de start-up à succès, la tendance “dino” (contraction de “digital” et “nomad”) s’accélère nettement depuis la pandémie. Les États-Unis à eux seuls ont vu le nombre de “dinos” bondir de 50 % entre 2019 et 2020, frôlant les onze millions d’adeptes. En Europe, le travail à distance, imposé par le contexte sanitaire, a fait ses preuves auprès des entreprises et des salariés qui pouvaient le mettre en place, et n’a fait que renforcer la position des travailleurs freelance, dont le nombre est lui aussi en pleine croissance.
Rhiannon Taylor
Et quitte à délocaliser son bureau, pourquoi ne pas en profiter pour changer d’air, découvrir une autre ville, expérimenter une autre vie ? Dans une période d’incertitude et de remise en question, l’idée a eu un large écho chez des travailleurs aspirant à un changement radical sans forcément être prêts au grand saut. Pour les encourager, de nombreux pays bien avisés mettent en place services et infrastructures dédiées – visas adaptés, réseau internet haut débit, espaces de coworking, plateformes sociales, etc. Les destinations concernées comptent bien surfer sur cette nouvelle forme de tourisme longue durée pour contrebalancer la baisse des voyages de loisirs et le tourisme d’affaires en chute libre. Ce dernier se mue petit à petit en “bleisure” (contraction de “business” et “leisure”, affaires et loisirs), mais reste limité à quelques jours de travail à distance dans le prolongement d’un long week-end.
Or, ici, il s’agit bien de voyage à long terme, de quelques semaines à plusieurs mois. “C’est le plus grand changement dans les voyages depuis l’avènement de l’aviation commerciale”, ose Brian Chesky, cofondateur d’Airbnb, qui a lui-même annoncé qu’il changerait d’adresse (et de bureau) toutes les deux semaines.
Qui sont les digital nomads ?
Si tous les nomades numériques ne sont pas des pdg de start-up milliardaires, un profil type se distingue : trentenaire, sans enfant (bien sûr, les familles peuvent également tenter l’aventure – l’apparition de pirates hurlant au milieu d’une réunion en visioconférence fait toujours le buzz).
Le panel de métiers éligibles est quant à lui assez large, à partir du moment où une présence physique n’est pas indispensable. Dans le top des professions “nomadisables” se placent les métiers du web et de l’image : webmaster, community manager, graphiste, rédacteur (pour vous servir), photographe, producteur de contenu, influenceur, responsable marketing… Les statuts ? : salarié, freelance, auto-entrepreneurs…
Pia Riverola
Nomade, mais pourquoi ?
Si la balance avantages/inconvénients du travail nomade incite largement à boucler ses valises, il faut avoir conscience de quelques aléas. Car au fantasme de travailler sous les cocotiers s’oppose parfois la réalité. Première évidence, le travailleur nomade, par définition, n’est pas en vacances et n’a donc pas les mêmes besoins et exigences qu’un touriste. Aussi, devenir nomade demande une bonne capacité d’anticipation. Certains oiseaux migrateurs se sont brûlé les ailes suite à un mauvais choix de destination ou encore une escale involontaire – liée à la fermeture des frontières durant la pandémie – dans un pays souffrant d’infrastructures inadaptées et de conditions de vie médiocres. Si de plus en plus de destinations encouragent la venue de ces nouveaux visiteurs, d’autres (ou parfois les mêmes) envisagent de taxer les revenus générés sur leur sol. Une donnée à prendre en compte…
Marion Osmont
Pour les salariés, une autre subtilité consiste à entretenir le lien avec l’entreprise et ceux restés sur place, dont l’aventure s’étend de l’open-space à la machine à café. Penser à ne pas trop insister sur le lever de soleil ou l’after-work yoga sur la plage. Car c’est sans aucun doute la première bonne raison qui pousse à partir : améliorer considérablement sa qualité de vie et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Une gestion plus libre de son organisation de travail, l’absence de transport entre lieu de vie et bureau, la découverte d’une destination, de personnes et de cultures différentes sont autant de points positifs qui garantissent aussi le succès de cette expérience. Des bénéfices partagés, car un digital nomad heureux sera d’autant plus performant pour son entreprise ou ses clients.
Le b.a.-ba du nomade professionnel
Préparer sa nomadisation est crucial pour qu’elle soit profitable. Le b.a.-ba du bon petit nomade consiste donc à conduire son choix en fonction de critères essentiels :
- L’absence de décalage horaire (ou une différence raisonnable), dans la mesure où l’on doit pouvoir interagir facilement avec son entreprise ou ses clients (rejoindre une visioconférence depuis Tokyo, au beau milieu de la nuit, peut s’avérer périlleux).
- La qualité et le coût de la vie, la sécurité à destination : être nomade à New York, Chiang Mai ou Mexico City n’a pas le même impact sur votre portefeuille et votre bien-être.
- La puissance de l’internet. ADSL ou fibre optique ? Malgré le développement planétaire, les différences persistent. Et devoir patienter dix minutes pour afficher une page peut vite devenir stressant, même dans un cadre zen.
- Des infrastructures dédiées : communauté de nomades, espaces de coworking, formalités administratives et hub aérien (pour rentrer rapidement si besoin) amélioreront nettement l’expérience.
- Un bon niveau de vie sociale et culturelle : être nomade ne veut pas dire être solitaire. Au contraire, avoir un bon réseau local et un large choix d’activités enrichira nettement votre nomadisme.
Des sites internet spécialisés
Pour aider les futurs électrons libres à se fixer, de nombreux sites ont vu le jour, essentiellement en anglais (mais la maîtrise de cette langue fait partie du kit essentiel). Parmi eux, citons nomadlist.com, site réunissant une communauté de plus de 40 000 membres et qui partage, moyennant une cotisation de 100 dollars, toutes les informations utiles. À consulter également sur le même modèle, digitalnomads.world ou encore bydigitalnomads.com. Régulièrement mis à jour, le top des destinations “nomad friendly” vous permet de vous faire une idée en fonction des notes attribuées par pays et par ville selon les différents critères : climat, coût du logement et de la vie, qualité du réseau internet, sécurité, vie sociale, mais aussi niveau de tolérance (racisme, orientation sexuelle), jusqu’aux possibilités de rencontrer l’âme sœur (en restant nomade, cela va de soi)…
Pauline Chardin
Destinations planète nomade
Désormais, le choix de votre futur bureau vous appartient. Voici cependant quelques suggestions qui reviennent régulièrement au sommet de la pile.
Le Portugal
Lisbonne, bien sûr, pour son atmosphère décontractée, le faible coût de la vie, son dynamisme. Mais aussi Porto, moins parcourue, ou Madère pour un dépaysement plus fort. Le Portugal est l’un des premiers choix des nomades numériques en Europe. Le pays le leur rend bien en investissant dans des infrastructures dédiées.
Les Canaries
Souvent sur le podium, l’archipel espagnol se prête particulièrement bien à la nomadisation. Un solide réseau internet (45 Mbps), un coût de la vie modéré (1600 euros par mois), la douceur du climat, les Canaries cumulent les arguments pour séduire les oiseaux de passage.
La Grèce
Fidèle à sa réputation d’accueil, la Grèce ne manque pas de s’adresser à ce nouveau type de visiteurs longue durée. Les ministères du Tourisme et celui de la Gouvernance digitale leur dédient d’ailleurs un site, workfromgreece.gr, réunissant toutes les informations utiles.
L’Île Maurice
Plus loin des radars, l’Île Maurice pourrait bien devenir le nouveau repaire des nomades numériques européens. Premier avantage : l’absence quasi totale de décalage horaire. La bonne qualité du réseau internet, un coût de la vie relativement faible et bien sûr la douceur de vivre mauricienne font le reste.
Le Cap (Afrique du Sud)
Là encore, très peu de décalage horaire. Une vraie communauté nomade et internationale, la balance idéale entre paysages, plages, vie culturelle et sociale. Un seul bémol : un niveau de sécurité et un réseau internet et électrique laissant parfois à désirer.
La Thaïlande
L’une des premières destinations privilégiées par les adeptes de la mobilité connectée. Avec une nette préférence pour Chiang Mai, plus zen que Bangkok. Le faible coût de la vie (un budget mensuel sous les 1000 euros) et la bonne performance d’internet (autour de 25 Mbps) s’ajoutent au dépaysement et à la stabilité du pays. Seul paramètre limitant pour les Européens : le décalage horaire.
Bali
Au même titre que la Thaïlande, Bali est l’un des berceaux du mouvement nomade. Souvent venus profiter du climat et des vagues de Kuta ou Canggu, celles et ceux qui n’arrivaient plus à quitter l’île bénie y ont tout simplement installé leurs bureaux. Le tourisme, secteur majeur et fortement impacté par la pandémie, entend bien surfer sur cette tendance et le gouvernement indonésien annonce un visa dédié d’une durée de cinq ans.
Hô Chi Minh-Ville (Vietnam)
Le pôle économique du pays a pris depuis longtemps le virage du numérique. Aucun souci de ce côté-là. Le faible coût de la vie (900 euros par mois) et l’importante communauté internationale en font un camp de base idéal pour partir explorer le reste du pays une fois fermé l’écran de son portable.
La République Dominicaine
Dilemme de la visioconférence : faut-il flouter l’arrière-plan ou assumer la couleur du lagon ? C’est sans doute le principal obstacle de la destination, avec le décalage horaire. Pour convaincre, la République Dominicaine propose depuis 2020 un visa de dix-huit mois intitulé “Travailler dans la nature”, destiné aux travailleurs à distance.
Dubaï
Jamais en retard dans la course au numérique, hyper connecté au monde des affaires, stratégiquement situé entre l’Europe et l’Asie, Dubaï fait les yeux doux aux travailleurs nomades. Un visa d’un an leur est dédié, donnant accès à différents services : banques, location de logements et de véhicules, réseau de téléphonie, éducation.
Par
BAPTISTE BRIAND
Photographie de couverture
MARION OSMONT