Le Japon a son mont Blanc, une échine qui coupe l'île principale en deux. On y randonne, on y tâte de la poudreuse et l'on flâne dans des villages, jadis traversés par les samouraïs, restés intacts.
C'est l'arrière-pays, la face cachée. Derrière la côte Pacifique de l'est, longue bande urbanisée vouée au commerce, il est une autre contrée. Elle vit au rythme des saisons sous l'aile des huit mille dieux évoluant dans les forêts et les montagnes. Entre le Kansai et le Kanto se dressent les Alpes japonaises, majestueuse chaine montagneuse qui flirte avec les 3000 mètres d'altitude. Cette colonne vertébrale palpitante divise l'ile principale en deux : d'un côté, le "Japon de l'endroit", le plus habité et le plus ensoleillé ; de l'autre, le "Japon de l'envers", plus rustique et plus mystérieux.
Il y a quatre cents ans, marchands et seigneurs féodaux traversaient cette montagne en palanquin par une route pavée. À l'ombre des denses forêts de cyprès, elle comptait 69 relais, dont certains se visitent encore, comme Narai Juku ou Magome : des petits bourgs hors du temps qui donnent l'impression de se promener dans un décor de film d'époque. Aujourd'hui, des tunnels ont percé la montagne, ouvrant la voie au Shinkansen, mais randonneurs et skieurs continuent d'explorer ce Japon de bois, de pierre et d'eau.
Ici, les charpentiers ont la réputation d'être des artistes, réclamés pour construire les palais impériaux et les temples les plus prestigieux. D'autres artisans hors pair ont porté leur discipline au sommet. De village en village, la laque coule comme une rivière écarlate. Mais pas autant que le wasabi, à l'aise dans cet air pur. À Hotaka, on visite des fermes et l'on déguste ce raifort coloré en vert qui électrise les sushis.
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Matsumoto, station perchée sur le plateau d'Utsukushigahara
(littéralement "la belle prairie"), est l'incontournable point de départ des activités de montagne. À Shirakawa, une cinquantaine de maisons classées sont toujours blotties sous leur toit de chaume (jusqu'en 1950, on y élevait les vers à soie). Il suffit ensuite de se glisser sur le versant ouest de ces Alpes, jusqu'à leur racine, pour rejoindre Kanazawa, surnommée la "petite Kyoto". Cette ville amicale a gardé son château féodal, son quartier des samourais et ses maisons de geishas, mais héberge aussi l'un des plus éblouissants musées d'art contemporain du Japon. Et on y mange divinement bien. Une manière douce de terminer cette traversée des cimes inspirante.
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