5 livres qui nous font voyager en Russie, dans l'espace et dans le temps, de la campagne russe du début du XIXème siècle à une Sibérie dans un temps suspendu, en passant par Saint-Pétersbourg et Moscou.
1
Les âmes mortes
de Nicolas Gogol
Dans l'empire russe du début du XIXème siècle, le mot « âme » permettait de compter les serfs. Mâles. Les femmes n'avaient ni âme ni valeur. Le nombre d'âmes d'un domaine permettait d'en évaluer sa valeur. Le montant de l’impôt foncier sur la propriété en dépendait. Mais les recensements n'avaient lieu que tous les 5 ans, et un certain nombre d'« âmes mortes » continuait de peupler les registres de l’état. Le livre raconte les arnaques au crédit foncier de Tchitchikov, un escroc qui profite de l'absurdité du système. Brillant, désopilant et ambitieux à la fois, ce livre dénonce les divers aspects de la médiocrité humaine.
2
Crime et châtiment
de Fiodor Dostoïevski
Raskolnikov est un jeune étudiant. Pauvre, il doit renoncer à ces études. Sa sœur s'apprête à se marier pour pouvoir sauver sa famille, et, il décide de tuer une vieille prêteuse sur gages, en partie pour l'argent, en partie pour la philosophie - éprouver les limites de sa liberté par la pratique du mal et la transgression de l’ordre moral. « Si un jour, Napoléon n’avait pas eu le courage de mitrailler une foule désarmée, nul n’aurait fait attention à lui, et il serait demeuré un inconnu. » dit-il. Le crime est parfait, ne rapporte pas tant d'argent que ça, et les bouleversements moraux amèneront Raskolnikov à se dénoncer et à purger sa peine en Sibérie.
3
Le Maître et Marguerite
de Mikail Boulgakov
C'est une histoire d'amour, c'est une critique politique, c'est une analyse sociale. Et aussi une comédie. Et un conte. C'est Faust, dans le Moscou stalinien des années 30. On y croise toute une foule de personnages plus ou moins fantasques, le maître, le chat noir Béhémoth, un géant, des êtres sans tête, Ponce Pilate, l'impudique sorcière Hella, Satan, et, fatalement, le Maître et Marguerite, qui, pour retrouver l'homme qu'elle aime, accepte de livrer son âme au diable. Mikail Boulgakov, aux prises avec la dictature stalinienne, a consacré les douze dernières années de sa vie pour donner vie à ce roman, dont il savait probablement qu'il ne pourrait être publié de son vivant. Mais il y écrit la fameuse phrase « les manuscrits ne brûlent pas » , ode à la liberté de la pensée. Un livre majeur de la littérature russe du XXeme siècle.
4
L'archipel du Goulag
d'Alexandre Soljenitsyne
Arrêté en 1945 pour avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique de Staline. Alexandre Soljenitsyne est condamné à 8 ans dans les camps. Il commença à rédiger son livre dès sa sortie du camp. Au delà de son expérience propre, l'ouvrage est un porte-parole des victimes du Goulag : il rassemble les témoignages de plus de 200 de ces prisonniers. « Ce livre ne contient ni personnages ni événements inventés. Hommes et lieux y sont désignés sous leurs vrais noms » précise l'auteur dans l'ouvrage. C'est tellement vrai, tellement fort, qu'il a longtemps hésité avant de publier le livre. C'est lorsqu'un manuscrit lui fut confisqué par le KGB qu'il se décida à sauter le pas. « Je me suis abstenu, des années durant, de publier ce livre alors qu'il était déjà prêt : le devoir envers les vivants pesait plus lourd que le devoir envers les morts. Mais à présent que, de toute façon, la sécurité d'État s'est emparée de ce livre, il ne me reste plus rien d'autre à faire que de le publier sans délai ». Le livre sortit à l'étranger en 1973. Ce fut un pavé dans la mare. En France, le livre déchire la gauche. En Union soviétique, il est interdit jusqu’en 1989. Il fait aujourd'hui partie de la liste des livres étudiés dans les lycées russes.
5
Dans les forêts de Sibérie
de Sylvain Tesson
Pour finir par un livre plus léger, un voyageur du XXIème siècle qui nous raconte sa retraite volontaire, six mois dans une cabane sur les rives du lac Baïkal. Pour l'accompagner, il a pris avec lui tout un tas de bouquins, et une solide réserve de vodka. Il chasse, il coupe du bois. Mises à part les rares visites d'autres humains, ses « voisins » russes – le premier village est à plus de 100 kilomètres de sa petite maison-, ou des amis français, il y est seul. Et le temps change de mesure. Un livre d'homme, au sens masculin du terme.
Bonus
Le Crocodile de Fiodor Dostoïevski
Vivre dans le feu de Marina Tsvetaeva
Anthracite de Cédric Gras
La Cuisine russe de Michel Parfenov
Par
VERONIQUE DURRUTY
Protographie de couverture : GULLIVER THEIS/LAIF-REA