Les Australiens ne vont pas à la plage... ils y vivent ! Logique lorsque l’on naît sur la plus grande île du monde dont le littoral s’étire sur plus de 36 000 km (10 mille supplémentaires avec ses 8 000 îles) et héberge 4 habitants sur 5. Sauvages, sportives, romantiques, aventureuses, familiales À l’est, à l’ouest, au large… : les possibilités sablées sont infinies.
SYDNEY : UNE VILLE, DES PLAGES
Sur le sable de Maroubra beach, l’une des soixante-dix plages que compte Sydney, une nuée de petits gilets rose fluo s’agitent sous des bonnets de bain bleu et rouge. Ça sautille, sprinte, glisse, se débat comme de bons diables pour se passer un fanion. Puis, serrés tel un banc de sardines, face la ligne tracée par les vagues qui viennent mordre la plage, ils retiennent leur souffle et, au top d’un grand costaud en lycra orange, se jettent à l’eau sans l’ombre d’une hésitation. Lucas, Luke, Archil, Josie, Lyn n’ont que sept ans et depuis deux années déjà, ils se retrouvent ici chaque dimanche matin entre nippers. Le rendez-vous de ces mômes (littéralement) est une véritable institution australienne. De Bondi, plage mythique située à l’est de Sydney jusqu’à Burning Palms, 55 km plus au sud, ils sont des dizaines de milliers d’enfants à participer à ces rassemblements, et à rêver de rejoindre le rang des sauveteurs bénévoles : « Nous les préparons à aborder l’univers marin en toute sécurité et nous leur enseignons certaines valeurs fondamentales comme l’entre aide, le dépassement de soi, le respect de l’océan, en somme un lifestyle australien » résume un adepte de ce mode de vie façonné par la plage et l’océan.
BYRON BAY, L'EDEN ZEN
Le cap le plus à l’est du continent a les pieds dans le Pacifique et un visage profondément détendu. La quintessence du laid back, cette décontraction purement australienne. Ici on circule à pied, à vélo en skate, torse nu et planche sous le bras. Marchés bios et fruits tropicaux, latte macchiato en terrasses – à base de café cultivé sur les collines – échoppes vintage : Byron Bay séduit tout le monde. Que l’on soit star ou inconnu, local ou de passage, sandales et chemise ample se portent avec la même désinvolture. Les visiteurs Keith Richard, Tom Cruise, les natifs Russel Crowe, Nicole Kidman, Kylie Minogue : chacun vient à Byron se ressourcer. On se pose alors tel un papillon Ulysse dans la forêt tropicale, et le parc de 18 hectares du Byron at Byron, un cocon cool ou se pratique yoga, méditation, aromathérapie, reiki, astrologie. Puis on file à l’eau surfer avec les dauphins et saluer les baleines. À la nuit tombée les barbecues crépitent sur la plage et, verre de rosé à la main, on refait le monde, car le lieu s’y prête à merveille.
QUEENSLAND : SURF PARADISE
Ainsi, dans ce pays où un habitant sur dix pratique le surf, à peine marchent-ils que déjà les bambins apprennent à maîtriser les vagues. Il faut dire que l’Australie, et notamment les côtes de la Nouvelle- Galle du Sud et du Queensland abritent des centaines de spots, parmi les meilleurs de la planète.
Sally Fitzgibbons, elle, a commencé à l’age de 6 ans, devant la maison familiale posée sur la plage : « Le surf est une activité naturelle lorsque l’on naît australien. » dit cette jeune femme de 23 ans qui aujourd’hui fait partie des trois meilleures surfeuses de la planète, dont deux sont australiennes. Chez les hommes même combat : six Australiens occupent le Top 10, au coude à coude avec Américains et Hawaiiens revanchards qui malgré tout ont initié ce sport sur une plage de Sydney, en 1915. Depuis le phénomène n’a cessé d’enfler le long des côtes. Au sud de Brisbane, la Gold Coast réunit ainsi chaque année en mars l’élite du surf mondial. Sans dossard, ni sponsor ce sport passion se pratique (et s’apprend) en toute tranquillité, notamment sur les douces plages de Noosa petite station de poche la Sunshine Coast au charme inimitable. Là on se débat dans les rouleaux jusqu’à épuisement, comme pour mieux apprécier ensuite le fish & chips du Surf Club et la balade tranquille dans le parc national ou sur la rivière voisine. Mais La Mecque plus ultra du surf se trouve à moins de deux heures au sud de Brisbane. À Byron Bay, surf et décontraction sont religion. « Byron Bay est un lieu à part en Australie, une ville qui vit en harmonie avec l’océan et la forêt » résume Heath, sales manager du Byron at Byron, un havre de paix parmi les plus agréables de la ville. Devant la longue frange blonde sertissant la mer de Corail, têtes ébouriffées et épaules bronzées s’extirpent de leurs combis Volkswagen sur fond de reggae.
« Byron Bay est un lieu à part en Australie, une ville qui vit en harmonie avec l’océan et la forêt »
CAP TRIBULATION : DANS LE SILLAGE DE COOK
Lorsque comme les Australiens, on tient l’océan pour gourou, tous les prétextes mènent à la plage. Entre amis, on embarque pour l’aventure en 4x4 sur Fraser Island, la plus grande île de sable au monde. À deux, on s’envole pour le paradis blanc des Whitsundays, un archipel de 74 grains de beauté, baigné d’eau laiteuse et turquoise, accessible en hydravion et par bateau. Après un survol main dans la main du célèbre Heart Reef, clin d’œil de la Grande Barrière de Corail aux amoureux, une roucoulade sur l’éblouissante Whitehaven beach, régulièrement élue plus belle plage du monde, puis les tourtereaux échouent dans un nid douillet de Hamilton Island.
En famille, le littoral du Queensland attire irrésistiblement les jeunes équipages toujours plus au nord. Pause koalas sur Magnetic island, dans le sillage tracé 250 ans plus tôt par le capitaine Cook en quête de Terra Australis Incognita. Enfin, on enfile masque et tuba pour réaliser son rêve : plonger sur la Grande Barrière de Corail. Immersion en technicolor parmi un quart des espèces marines de la planète, et parfois un peu trop de son propre genre. Alors on met les voiles vers Lizard Island, éden de luxe absolu, ou sur Cap Tribulation et plus au nord encore. Là, s’éparpillent les confettis d’îles flottantes, entre mer de Corail généreuse (sashimi de bec-de-cane fraîchement pêché) et la plus ancienne forêt pluviale du monde. Nuits perchées en écolodge, réveils sous les palmiers-éventails, puis immersion végétale sur les traces du timide casoar, grand oiseau à l’allure préhistorique, comme sa forêt. Cet après-midi on se rafraîchira sous des cascades translucides.
À L’OUEST, DE NOUVEAUX HORIZONS
Le train d’atterrissage déplie ses roues et nous les jambes, pour toucher la piste de Perth. Enfin arrivés dans l’une des villes les plus isolées au monde, plus proche du Timor que de Sydney, à 3300 km. À l’est, au nord, le désert, à l’ouest, l’océan Indien à perte de vue, et au-dessus, un ciel bleu toute l’année. Dans la moiteur de cet après-midi d’octobre le taxi roule vers le centre-ville et les rives de la Swan River, où l’on espère respirer un peu de Fremantle Doctor, cette brise salvatrice qui vient gonfler le foc des voiliers. À l’oreille, résonne le son psycho rock des Tame Impala (l’antilope apprivoisée) un groupe de jeunes locaux qui, à l’instar de Hugh Jackman ou Heath Ledger – enfants du pays – ont su extirper leurs talents de cette terre brûlée mais riche en métaux précieux. Ce soir, le quartier de Northbridge prouve un goût certain pour la fête. Au petit matin, direction Rottnest Island où l’on ne circule qu’à vélo. Ici, la plage est une équation à plus de soixante possibilités. On vote pour un jeu de piste sous-marin dans les eaux protégées de Parakeet Bay. Fin de journée à Cottlesloe.
« À deux, on s’envole pour le paradis blanc des Whitsundays, un archipel de 74 grains de beauté »
Après un dernier bain menthe à l’eau on regarde la boule de feu embrasser l’océan, une Ginger beer à la main. Le lendemain on s’essaye au sandboard sur les dunes du parc national de Yanchep, avant de marcher sur la lune, dans le désert des Pinnacles.
Nouveau décollage vers le nord. Avec plus de temps on rêverait d’envisager par la route ce voyage le long de la côte la plus sauvage du pays, à fleur d’océan Indien, histoire de tester ses aptitudes en 4x4 dans les dunes ocre de François Péron National Park, de plonger avec frissons sur les jardins coralliens de Shark bay, escortés de dugongs, de dauphins et autres espèces endémiques, et de danser avec les poissons clowns, tortues et raies-manta de Coral bay. Faute de temps, on s’envole directement vers Exmouth.
Petit bout du monde perdu à l’extrémité d’un cap, d’une péninsule, du nez de l’Australie plongeant dans l’océan Indien. Là, dans une eau à 26 degrés, on s’étonne alors de trouver à portée de palmes, une barrière de corail de près de 300 kilomètres de long. Ningaloo Reef, immense réserve sous marine, à l’ombre des projecteurs réservés à sa grande sœur de la côte est, abrite pourtant des centaines de merveilles végétales et animales. Festival de formes, couleurs et tailles. De mars à juin, Ningaloo Reef réserve un tête à tête extraordinaire avec un doux géant, le requin-baleine. Cet inoffensif mangeur de plancton remet vite à sa place sur l’échelle des espèces le petit homme qui s’essouffle dans son tuba. Empli d’humilité, on rejoint alors la terre ferme pour se glisser sans bruit dans une tente de ce fantastique « bivouac » de luxe posé sur une plage du Cap Ranges National Park. Bercé par le ressac et le rythme du ventilateur, réveillé au petit jour avec l’étrange vision d’un kangourou montant la garde devant la moustiquaire.
1 300 kilomètres plus au nord, la petite ville perlière de Broome réserve d’autres extravagances sablées. Adossée à la dune ocre, une plage immaculée sur laquelle dodelinent les dromadaires. Considérés comme un véritable fléau puisant dans les faibles réserves d’eau de la région, ces camélidés volontiers exportés vers l’Arabie Saoudite et la Suisse servent aussi à promener les touristes sur Cable Beach à marée basse, pour mieux observer les empreintes fossilisées de dinosaures. Cette bande de 22 kilomètres doit son nom au câble télégraphique qui autrefois reliait Broome à Java. Les soirs de pleine lune la plage révèle un autre lien inattendu entre l’Australie et l’ailleurs : phénomène optique, le « staircase to the moon » forme ainsi un escalier qui semble relier la plage aux astres. Aux portes des Kimberley, c’est définitivement une invitation à poursuivre le voyage en terres aborigènes.
AU LARGE : LORD HOWE ISLAND
Retour pourtant au point de départ, la Nouvelle-Galle du Sud. Comme si l’Australie ne se suffisait pas de ses 36 000 km de côtes, elle compte également 8 000 îles satellites. L’une d’elles, perdue en pleine mer de Tasman, 600 km au nord-est de Sydney, mérite largement un détour. Lord Howe Island, croissant fertile et volcanique de 11 kilomètres de long pour moins de 3 au plus large, cristallise tous les rêves de Robinson. Sa nature généreuse, l’abondance de son lagon avait déjà retenu les marins anglais qui y jetèrent l’ancre pour la première fois en 1788.
Aujourd’hui, l’île compte un village, moins de 300 habitants, et ne reçoit pas plus de 400 visiteurs à la fois. Ces heureux élus profitent du lagon foisonnant sous l’œil bienveillant de l’UNESCO et des montagnes jumelles, Mount Lidgbird et Mount Gower, sur lesquelles on crapahute entouré de plantes endémiques. Perché sur Transit Hill on contemple ce royaume d’émeraude et d’aigue-marine. Porté par la fièvre insulaire on est alors tenté de quitter le continent australien et pousser son exploration de l’Océanie toujours plus au large dans le sillage des Austronésiens et leurs pirogues à balancier. Alors bientôt apparaîtront d’autres lagons, d’autres passes, d’autres visages et d’autres voyages, ceux qu’offrent la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu.
« Se glisser sans bruit dans une tente de ce fantastique « bivouac » de luxe posé sur une plage du Cap Ranger park »