Une touche de bleu cyan pour la mer, une autre de vert chlorophylle pour les champs d’orangers, une goutte rouge sang pour la vigne, une lichette de blanc crémeux pour le fromage de brebis, un fichu noir sur la tête des femmes et une larme d’or versée sur les couchers du soleil : votre régime crétois est prêt !
Le tracteur bloquait la route. Nous avons patienté quelques minutes, le temps que le conducteur livre une poutrelle de bois. Lorsque l’engin a pu libérer le passage, le propriétaire de la maison est venu nous offrir de l'ouzo, puis a insisté pour qu'on mange avec la famille. On s'en est sorti en buvant un nouvel ouzo… Une anecdote unique ? Pas le moins du monde. Ce genre de scène arrive tous les jours en Crète, le pays de Zorba où rien, ou presque, n’a changé. Il suffit de s’éloigner de 2 kilomètres d’un bord de mer où le tourisme de masse s'entasse dans des usines, pour retrouver les villages, les ânes, le pope, les troupeaux de brebis au milieu des chemins, Les parfums entêtants du maquis, les murets de pierre sèche, les arbres raidis par le vent, le café de village avec ses tables et les vieux Crétois à moustache encore bien droits dans leurs bottes de cuir.
Bjoern Steinz/PANOS-REA
La plus grande, la plus méridionale des îles grecques est d'abord... crétoise ! Cette Corse de Méditerranée orientale cultive avec soin sa différence et ses traditions. "L‘île aux cent villes" d’Homère est plutôt un mini-continent, un territoire étiré sur 260 kilomètres, longue barrette rocheuse fichée d'est en ouest sur toile de fond d’un bleu profond. Un vrai concentré de Grande Bleue avec ses stations balnéaires, ses sites archéologiques, sa tradition et un arrière-pays sauvage fait de plaines agricoles verdoyantes, de gorges étroites et sommets parfois enneigés.
Suivre le fil
Thésée y affronta le Minotaure dans le dédale du palais de Minos. Il emmena sa fille Ariane qui lui avait fourni le fameux fil. Ingrat il l’abandonna à Naxos après de brèves amours, d’où le vers de Racine « Ariane, ma sœur de quel amour blessé vous mourûtes au bord où vous fûtes laissée… » Quant à Zeus il passa son enfance dans une grotte du mont Dicté où il fut nourri au miel de l’abeille Melissa.
Alessio Paduano/4SEE-REA
Résumons : la Crète est à juste titre célèbre pour sa mythologie et pour son régime miracle. Mais il y a mille manières de ponctuer une visite qui risque de ne pas se dérouler selon le timing souhaité (voir plus haut).
Stefan Laws/Getty Images/iStockphoto
Il faut prévoir de :
- S’arrêter dans un kafeneion, bistrot de village impérativement doté d’une télé pour suivre les matchs de foot et animé des disputes soulevées par les discussions politiques ou le tavli, sorte de backgammon très à la mode.
- S’aventurer dans les villages perdus où les femmes parlent fort au seuil des maisons, laissant entr’apercevoir dans les rez-de-chaussée en clair obscur tout un petit musée familial de bondieuseries et de photos jaunies. D’ailleurs vous n’êtes pas perdu, regardez mieux : ici on vend du miel, là des gâteaux à hyperglycémie garantie et sous ce porche, une huile épaisse et corsée pour vos futures salades.
- Prendre un bol d’air de jeunesse dans les stations balnéaires, entre Héraklion et Agios Nikolaos, le Saint-Tropez local. Animation nocturne garantie.
- Elire sa plage favorite parmi les plus belles plages de Crète : galets ou sable gros grain d’un côté de la capitale, immenses étendues de sable blanc et criques protégées de l’autre.
- S’initier au komboloï, court chapelet d’origine orientale sans nécessaire signification religieuse, qu’il s’agit d’égrainer à son rythme : mieux qu’un stage de méditation pour le lâcher prise.
- Manger avec les doigts des mezze, des escargots, des tiropitas, des dolmates, des souvlakis, des petits rougets grillés, des poulpes frits, avec un petit retsina bien frais.
- S’offrir différents frissons hôteliers, de l’agro tourisme des campagnes aux maisons de charme des villes et des ports en passant par les resorts de luxe des bords de plage où les spas atteignent un beau niveau de raffinement.
- S’essayer aux arabesques du sirtaki, mélange de version lente et de sauts rapides de la danse hasapikos. Pas si simple mais cette musique de Míkis Theodorákis, c’est comme un film…
- Goûter le yaourt au miel (yaourti mé méli) sous les platanes au bord du torrent à Vrisses.
- Apprendre la patience lorsque troupeaux de chèvres et de moutons viennent chercher le frais jusque sous les tunnels, sur votre route.
- Retrouver des goûts oubliés aux tables de simples tavernes.
- S’asseoir devant le coucher de soleil à Falassarna, un cercle doré découpé sur la surface argent de la mer, imprimé à jamais sur votre rétine. La lumière décline sur l’horizon, flotte, hésite… Vous pensez que demain, déjà, il faut refaire les valises. Pas grave, vous avez attrapé le virus. Vous reviendrez.