Entre désert du Thar, vallée du Gange et steppes du Pendjab, le Rajasthan offre le faste et l’opulence de ses palais et citadelles.
Les steppes sableuses s’étendent à l’infini et la ville n’est d’abord qu’une silhouette dorée sur l’horizon plane du désert du Thar, tel un mirage. On pénètre dans son enceinte,… et c’est un éblouissement - on aime immédiatement Jaisalmer, somptueuse cité caravanière déchue, mais qui n’a rien perdu de sa splendeur. Ses havelis sont les plus belles qu’il nous sera donné de voir, ornées d’arcades, de jalousies, de balcons et loggias : de la dentelle taillée dans la pierre blonde. Elles furent les demeures des marchands d’épices, de dattes, d’opium et d’indigo au temps du faste et de l’opulence, celui du commerce caravanier. Façades ambrées rehaussées de mauve, turquoise ou vert dont sont peints les portes et les volets, temples jaïns aux effigies souriantes, ruelles étroites encombrées par des vaches ensommeillées, Ganesh débonnaires peints sur les façades des maisons - nous sillonnons en tous sens la cité bruissante, enivrés par sa beauté prodigieuse. La nuit tombée, nous dînons d’un thali sur un toit terrasse - voilages colorés, légère brise et la conscience aigüe d’être en un lieu de passage, comme si les caravanes venues de Perse et d’Asie Centrale au XVe siècle y avaient laissé leurs empreintes. Et c’est ce dont on se souviendra de Jaisalmer, au-delà de sa beauté rare, cette ambiance singulière, celle d’une forteresse érigée au milieu de nulle part, oasis aux confins du monde.
Le lendemain, au petit matin, nous partons pour Jodhpur, et sur la route, les couleurs flamboyantes des saris des femmes qui cheminent tranchent avec les ternes horizons du désert, vert, rouge, jaune, rose. Vue de Mehrangarh, forteresse de grès « construite par des anges et des titans » selon l’expression de Kipling, et posée sur les hauteurs de la ville, Jodhpur à nos pieds se décline en bleu – ce bleu qui autrefois signait l’appartenance à la caste des brahmanes, et colore les façades des maisons de la ville. Dans l’enceinte de Mehrangarh, fraîcheur du marbre, délicatesse des motifs persans, jeux de lumières et scintillement des éclats de miroirs. Et dans les florissants jardins en terrasses de Mandore en fin d’après-midi se découpent sur l’horizon les silhouettes dentelées des cénotaphes.
Nichée au cœur des collines, Udaipur, la plus paisible, la plus douce des villes du Rajasthan, s’alanguit en bordure de ses cinq lacs. Et surplombant le plus vaste des lacs, le City Palace, forteresse aérienne de marbre et de granit. Ici, comme dans les autres palais des princes du Rajasthan, tout est conçu pour exalter les sens : le bruissement de l’eau, le parfum des fleurs, l’harmonie des teintes, la richesse des matériaux. Labyrinthe d’étroits couloirs et de minuscules escaliers, et un jardin suspendu, aussi charmant qu’inattendu, on s’y assoit face un grand bassin. Le Palais d’été, ou Palais des plaisirs, ajouré comme une dentelle délicate, émerge du centre du lac, son reflet à la surface de l’eau. Et de retour dans la ville, partout dans les ruelles qui grimpent le long de la colline, dansent des divinités peintes sur les façades des maisons.
C’est la pleine lune de novembre, et à Pushkar a lieu le pèlerinage dédié au Dieu Brahma : des milliers de dévots se réunissent pour se purifier dans les eaux sacrées du lac. Et en marge du pèlerinage, la grande foire aux bestiaux. Dans un paysage de plaines sèches, tout un monde d’éleveurs, paysans, cavaliers, sadhûs ou simples pèlerins, venus de toute la région – les hommes et les femmes sont vêtus de leurs plus beaux atouts, turbans chatoyants et saris de soie ; les bêtes ne sont pas en reste, parées de colliers de perles et de pompons colorés ! Au cœur des dunes, à l’aube, accroupies en cercle autour d’un brasero, les familles en bivouac préparent le repas du matin, chai et chapati, alors que les négociations s’ouvrent entre marchands : dromadaires, chevaux marwaris, zébus, des dizaines de milliers d’animaux sont échangés ou vendus. Et nous passons de grandes roues en manèges, nous délectant de l’ambiance de fête foraine.
Le lendemain, arrivant à Jaipur, la capitale du Rajasthan, où tout est clameur, tout est mouvement, un désordre de vaches, rickshaws, mobylettes et dromadaires, on se souvient de la description qu’en fit Pierre Loti, lue sur le trajet, et il nous semble que la ville n’a pas changé : « une grande ville rose, entièrement rose (…) ses maisons, ses remparts, ses temples, ses tours, quel étonnant caprice de souverain ! Et le long de ces rues s’agitent des foules, dans un immense éblouissement de couleurs. Des marchands par milliers, ayant par terre leurs étalages d’étoffes, de cuivre et d’armes, encombrent les deux côtés des trottoirs, tandis que parmi eux se démènent les femmes, aux voiles bariolés de grands dessins fantasques et aux bras nus cerclés d’anneaux jusqu’à l’épaule. » Musc, rose, jasmin et santal, saris et broderies au marché Bapu et Nerhu Bazaar. Et le Palais des vents, qui n’est en fait qu’une façade ajourée, édifiée pour permettre aux femmes de la famille royale de voir sans être vues - aujourd’hui par un drôle de retournement, c’est elles, joyaux de la ville, que nous regardons !
Les bonnes raisons d’aimer le Rajasthan
- Loger dans un palais de maharadjah
- assister au festival de musique soufi de Jodhpur
- rencontrer un astrologue, qui lit l’avenir dans les lignes de la main
- acheter une topaze ou un lapis-lazuli à Jaipur
- assister à un match de polo, le sport des princes
- se faire une toile Bollywood au Raj Mandhir, cinéma mythique de la ville, décor kitch et ambiance garantie
- partir en safari à cheval
- survoler le Palais des vents de Jaipur en montgolfière
- faire une méharée dans le désert du Thar, comme une immersion dans un autre temps
- observer les tigres du Bengale pour vivre le Livre de la jungle
- à Udaipur, admirer les miniatures à la Mawar Art Gallery et chiner des textiles anciens chez Manglam Arts.
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