La monarchie ouvre les portes des Palais de Windsor, Buckingham, Kensington et autres ravissantes résidences royales. La durée record de son règne avait lié Elizabeth II aux principaux palais du royaume, dont elle semblait à jamais faire les honneurs. Le décès de la souveraine crée là aussi un vide. Comment Charles III et les siens vont-ils habiter ces lieux, aussi essentiels à nos voyages en Grande-Bretagne ? L’avenir le dira. En attendant, petite revue des plus célèbres demeures royales - où, qui, quand - afin que l’émotion de la séparation ne nous fasse pas tout confondre.
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Windsor Castle
Les monarques anglais ont habité Windsor depuis Henri 1er au XIIe siècle. Jusqu’à Elizabeth II, cela fera donc bientôt mille ans. Bien sûr, il y a eu des périodes de vacances mais, tout de même, c’est un record ! Le plus long en Europe. Depuis la motte castrale qui, au XIe siècle, devait garder la main normande sur les Londoniens, le château s’est constamment développé. Au XIIIe siècle, tandis que Saint Louis dote son palais de la Cité de la Sainte Chapelle, Henri III d’Angleterre donne son premier faste au château de Windsor. Au XVe siècle, on y élève l’un des plus beaux édifices qu’ait donné le gothique anglais : Saint George’s Chapel. Puis Henri VIII et Elizabeth 1ère font du domaine une espèce de ministère des affaires étrangères. D’ailleurs, avec les Joyeuses commères de Windsor, William Shakespeare aurait eu pour mission de délasser la reine de ses tracas diplomatiques. Charles II, au XVIIe siècle, peut à bon droit être qualifié de modernisateur. Il a fait installer au château des intérieurs baroques très up to date à l’époque. On visite aujourd’hui ces aménagements, uniques en Grande-Bretagne par leur virtuosité. Le rococo débarque au siècle suivant. Comme un peu partout en Europe, le XIXe siècle est à Windsor celui des récapitulations, des achèvements et des éclectismes. On lui doit l’essentiel de l’aspect actuel du château et de son parc. La reine Victoria l’habite, longtemps. Ce règne donne aux travaux réalisés alors une unité d’esprit sinon de style. En un certain sens, Windsor - qui n’est pas Versailles - exprime un brillant art du divers. Quant à Elizabeth II, elle était profondément attachée au château et en fit un peu plus qu’un pied-à-terre de fin de semaine. Une visite donne accès aux somptueux appartements d’Etat, dans l’Upper Ward, à la délicieuse maison de poupée de la reine Mary, à la chapelle Saint Georges et aux collections d’art, au parc public. La relève de la garde étant aussi métronomique ici qu’à Londres.
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Buckingham Palace
Tourisme, séjour linguistique, business, pas de voyage à Londres qui ne mène au palais de Buckingham. Comme Elizabeth II a, au fond, été la reine de ceux qui n’en avaient pas, Buckingham est le palais universel. La relève spectaculaire de la King’s Guard - tunique rouge et bearskin noir - à onze heures y est pour quelque chose, mais le prestige général de la monarchie britannique, dont la scène ordinaire est le balcon de l’aile Blore, constitue l’essentiel des qualités attractives du palais. Car, la semaine, le monarque y réside. Qui, à telle ou telle occasion, n’a vu les Windsor protocolairement rangés sur le balcon et offrant à leurs sujets d’ici et d’ailleurs le spectacle d’élégance et de mystère de la royauté ? Pour produire l’ensemble privé et d’apparat que l’on admire aujourd’hui, il a fallu deux siècles. Construire d’abord l’hôtel particulier de John Sheffield, duc de Buckingham, à partir de 1703. C’est George III qui fait l’acquisition du domaine. Les rois achètent leurs maisons, comme tout un chacun. Les travaux d’agrandissement sont l’ouvrage des architectes John Nash et Edward Blore. La reine Victoria confie à ce dernier la conception d’une aile où elle puisse loger sa nombreuse famille. Dans des conditions de confort moderne. Les mémoires ressassent que l’on se gelait au palais l’hiver, tant les cheminées étaient vétustes. Un peu d’austérité sied certes à ceux qui règnent, mais point trop n’en faut. Sous Victoria, Buckingham trouve sa forme définitive. Edouard VII et la reine Alexandra, très lancés dans la jet set Belle Epoque, décorsettent un peu la vie de château. En 1913, Aston Webb met une dernière touche à l’aile est. La reine Mary, épouse du roi George V et grand-mère d’Elizabeth II, s’intéresse vivement à la mise en valeur des collections d’art. Le reste est dans les tabloïds. A Buckingham, on visite les salles d’apparat de juillet à octobre (à des dates qui sont précisées tous les ans). Ce qui invite à constater que la décoration du XIXe ne reculait pas devant le stuc et que le tournant du siècle était aux chinoiseries.
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Kensington
Kensington est un hot spot de la géographie Windsor : résidence officielle de William et Kate, pardon, du prince et de la princesse de Galles, partagée un temps avec Harry et Meghan, pardon, le duc et la duchesse de Sussex. C’est le comte de Nottingham qui édifie le premier bâtiment au XVIIe siècle. Et c’est l’asthme de Guillaume III - 1689-1702 - qui incite le roi à s’en porter acquéreur : fresh air pas trop loin tout de même des miasmes de Londres. Rotten Row est alors établie entre Kensington et St James’s Palace, le Buckingham d’alors. L’architecte Christopher Wren fait de l’ébauche un palais digne de ce nom. Palais qui conserve néanmoins sa dénomination de house. Trop champêtre encore et, surtout, dévolu à la fonction de potager royal. L’élégance européenne du XVIIIe siècle saisit Kensington sous l’impulsion de George 1er. Et après lui, la reine Caroline fait éclore, avec l’aide de Charles Bridgeman, un parc novateur pris sur Hyde Park. Avec des appartements royaux remis au goût du jour, la house acquiert un incontestable statut de palace. Victoria y nait. Et ouvre l’ère Buckingham / Windsor. Après une période d’abandon et une restauration vigoureuse entre 1897 et 1899, on fait de Kensington la résidence officielle de la deuxième division de la monarchie. Jusqu’à Diana Spencer, qui s’y plut. A la mort de celle-ci, les Britanniques sensibles au charme ambigu de la People’s Princess transforment sa résidence de brique rouge en lieu de mémoire kitsch. Aujourd’hui, les visites de Kensington permettent d’admirer les jardins, mais aussi l’appartement de la princesse Margaret, cadette d’Elizabeth, ou encore la Cupola Room, des collections de memorabilia et de peintures, la garde-robe royale des années 50. Quatre circuits étant possibles.
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Balmoral
Balmoral sur la Dee, dans l’Aberdeenshire, Scotland, est tout d’abord une acquisition personnelle de Franz August Karl Albert Emanuel von Sachsen Coburg und Gotha, l’époux de la reine Victoria. La famille royale y étant vite à l’étroit, le prince reprend tout à zéro et planche avec l’architecte William Smith sur quelque chose de plus grand. Le résultat est la base Scottish baronial de ce que nous connaissons aujourd’hui. Un néogothique un peu froid - est-ce le granit gris d’Invergelder ? - qui, théâtralité mise à part, a peut-être quelque parenté avec ce qu’imaginait Louis II en Bavière : idéalisation troubadour et technique moderne. D’aucuns pensent que ce style était déjà un peu out of fashion à l’époque. En tout cas, donjon, pinacles, tourelles. Quoi qu’il en soit, l’intérêt porté par le couple royal à la manière écossaise, pour sincère qu’il ait été, n’était pas sans résonnances politiques. Le château, qui fait plutôt fonction de country house, se trouve au centre d’un vaste domaine d’une vingtaine de milliers d’hectares, dans le parc national de Cairngorms. De nos jours, l’exploitation consiste en foresterie, réserves de chasse (grouse moors), cultures, élevage de vaches des Highlands et chevaux. Aux saisons propices, des secteurs sont ouverts à la pêche à la mouche et à la randonnée. Ballochbuie Forest, qui couvre mille deux cents hectares, est l’un des derniers pans restant de forêt de pins (sylvestres) calédonienne originelle. La douceur de l’été et la beauté flamboyante de la campagne en automne ont sûrement déterminé la période de fréquentation royale. C’est ici que s’est éteinte Elizabeth II. Les jardins de Balmoral sont ouverts au public à certaines dates en dehors des séjours royaux.
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Highgrove House
C’est la résidence familiale du roi Charles III, dans le Gloucestershire. Le manoir de style georgien, actuellement propriété du Duchy of Cornwall (dont le duc est l’héritier du trône), date de la fin du XVIIIe siècle. Des éléments de modénature néoclassiques ont été ajoutés par la suite. Pour Charles et Diana, la décoration intérieure a été réalisée par l’architecte Dudley Poplak ; pour Charles et Camilla, elle l’a été par Robert Kime. Cependant, la demeure reste privée et la visite ne concerne que les jardins. Ils portent la marque de Charles, qui est un gardener passionné. Avec de grands noms du sécateur et des conceptions green, le roi a réussi de fort jolies choses. En trois grandes sections : un jardin sauvage, un jardin à la française, un potager. Plus ici et là des motifs spéciaux : jardin de l’hémisphère sud, jardin clos, promenade d’automne, cadran solaire (South Garden). Une division autour de la série des bustes renseigne le visiteur sur les admirations du roi, de Deborah Vivien Cavendish - l’une des sœurs Mitford - à Laurens van der Post. Le monarque a aussi fait planter des arbres en grand nombre : la collection de hêtres est remarquable. Très préoccupé par les questions écologiques, il a fait convertir en bio les jardins et l’exploitation agricole du domaine. Ce dont la faune profite. Des panneaux solaires ont été installés sur les bâtiments de la ferme. Le manoir est chauffé par une chaudière à granulés de bois. Les eaux usées sont filtrées naturellement. Etc. Les jardins se visitent sur réservation d’avril à mi-octobre.
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Holyrood
Ou plutôt the Palace of Holyroodhouse, est la résidence officielle du monarque Britannique en Ecosse, pas une simple maison de campagne, certes kingsize, comme Balmoral. Il se trouve stratégiquement placé à Edimbourg, à un bout du Royal Mile - l’autre étant occupé par le château - et en face du parlement écossais. Ainsi les liens qui unissent l’Ecosse au royaume sont-ils manifestes. Afin de remplir certaines obligations envers ses sujets septentrionaux, la reine Elizabeth II passait là une semaine au début de chaque été. Dans sa forme actuelle, le château date des année 1670, les travaux ayant été conduits par William Bruce. On compte ce bel édifice de style classique parmi les grandes réussites de l’architecture nationale. La tour sud-ouest, James V’s Tower, est un vestige du siècle précédent. Elle est liée au souvenir de Mary, Queen of Scots, cette Marie Stuart qui fut aussi reine de France par son mariage avec François II. Sa décollation, sur ordre de sa cousine Elisabeth 1ère, est un épisode tragique des remous politico-religieux qui bousculaient alors la Grande-Bretagne. Ici, Mary tirait à l’arc et chassait le cerf dans le parc. Queen Mary’s Bath House aussi évoque sa présence. Les liens entre Holyrood et la France ont connu d’autres saisons, ainsi l’accueil en 1796 du comte d’Artois, jeune frère de Louis XVI et futur Charles X, par le roi d’Angleterre George III. Après une série de travaux de remise en valeur au XIXe siècle, c’est George V qui fait entrer le palais dans l’époque moderne : chauffage central, électricité, cuisines et salles de bain toutes neuves. Le parc est inscrit à l’Inventory of Gardens and Designed Landscapes in Scotland. Les appartements Renaissance de Marie Stuart dans la tour nord-ouest et les appartements d’Etat sont ouverts au public en l’absence de la famille royale.
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Hillsborough Castle
Au sud-ouest de Belfast, Hillsborough Castle reçoit aussi bien le gouvernement d’Irlande du Nord que les membres de la famille royale de passage. Des hôtes étrangers de marque y sont vus aussi. Au commencement, une gentilhommière XVIIIe, vendue au gouvernement britannique en 1922. Celui-ci y installe le gouverneur d’Irlande du Nord, après les travaux indispensables qui gardent au domaine quelque chose d’un peu champêtre. Une élégante modestie (comparée aux autres palais de la monarchie, car Hillsborough, qui n’est pas a true castle, n’est pas non plus un cottage). Dans les années 70, un secrétaire d’Etat pour l’Irlande du Nord remplace le gouverneur. Des réunions importantes concernant les affaires irlandaises se tiennent à plusieurs reprises au siège du gouvernement. Dans le parc, de nombreux arbres ont été plantés par les résidents, ou par des visiteurs de standing. Ainsi, le duc d’Abercron, premier gouverneur, y est-il allé d’une pruche de l’Ouest (Tsuga heterophylla). Après la mort d’Elizabeth II, Charles III est venu avec la reine consort à Hillsborough répondre au message de condoléance du gouvernement d’Irlande du Nord. Le château et le parc sont ouverts à la visite. Dans le premier, on a accès aux appartements d’Etat et aux collections d’art (qui ont eu pour noyau des tableaux d’un portraitiste célèbre en son temps, George Romney, 1734-1802). Le second est une harmonieuse succession de pelouses ornementées, de rus sinueux, de bois tranquilles et de glens, les vallées glaciaires irlandaises.
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Par
EMMANUEL BOUTAN
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