Kenya et Tanzanie possèdent des parcs et réserves en grand nombre. Afin de baliser les chemins voyageurs, l’enjeu ici est d’en indiquer le plus beau, le plus intègre. Serengeti, Masai Mara, mont Kenya, lac Nakuru, Kilimandjaro sont les jalons de grandes aventures dont la qualité paradoxale est d’être à la fois possibles et idéales. Alors, Kenya ou Tanzanie ? Posons d’emblée peut-être qu’il s’agit moins de confronter deux pays que de repérer, de domaine protégé en domaine protégé, comment l’unité d’une nature s’exprime dans une éclatante diversité.
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Parcs et réserves, en veux-tu en voilà
L’Afrique en un paysage emblématique ? Le Kilimandjaro vu des plaines du parc national d’Amboseli. Où l’on est en plein débat, puisque le parc est au Kenya et la montagne en Tanzanie. La grande nature africaine se moque bien des partages. D’ailleurs, les hommes le savent, qui ne bornent pas toujours les aires protégées à une frontière. Ainsi, le plus fréquenté des domaines kenyans est-il la fameuse réserve du Masai Mara, prolongement du Serengeti tanzanien. Néanmoins, le parc national de Tsavo ouest respecte la limite d’État. Il la longe, rectiligne. Ailleurs, la voie de chemin de fer Nairobi/Mombasa le sépare de Tsavo est. Deux paysages, vallonné et humide d’un côté, sec et plat de l’autre. Ce sont la flore et une certaine majesté qui ont déterminé le classement des pentes du mont Kenya, au centre du pays, sur l’équateur. La végétation, au demeurant, garantissant le maintien de la faune. Tout proche, le comté de Laikipia possède de belles (et pas encore très fréquentées) conservancies privées. Toujours dans le centre, la réserve nationale de Samburu, sur la rivière Ewaso Ng’iro, offre le contraste de l’aridité et de l’eau, des petits acacias parasol et de la forêt riveraine. Quant au parc national du lac Nakuru, il est fameux pour la foule des oiseaux.
Vanessa Lourdin
Puisque nous l’avons vu d’Amboseli, approchons du mont Kilimandjaro : toit de l’Afrique, mont Fuji de la Tanzanie, l’un des plus fabuleux objectif rando du monde. Et considérons aussi l’énorme parc national du Serengeti, au sud-est du lac Victoria : plaines, rivières, lacs et quelque quatre millions d’animaux (second domaine protégé du continent après le Kruger sud-africain). L’aire de conservation du Ngorongoro se situe à peu près entre les deux. Dans la caldeira d’un vieux volcan, c’est toute la faune africaine qui semble réunie. Une aire assez restreinte au fond, que l’on domine avant d’en parcourir les plaines herbeuses. Une manière de jardin d’Éden ? Dans le parc national de Tarangire, il y a des paysages familiers, et des silhouettes qui le sont moins sous ces latitudes : des baobabs. À l’ouest d’Iringa, la semi-aridité du parc national de Ruaha est typique du plateau central. Pendant la saison sèche, les eaux de la Ruaha sont le point de ralliement de la faune du secteur. Petit parc que celui du lac Manyara, mais belle concentration d’animaux et forêt dense qu’alimentent en eau des sources nombreuses. Et on ne peut manquer d’évoquer les Galapagos africaines, le parc national des monts Udzungwa, dont la biodiversité est l’une des plus élevées d’Afrique.
La Tanzanie a protégé 44% de son territoire, mais les efforts kenyans sont historiques et loin d’être négligeables. Le Kenya demeure une référence en termes d’image et de safari. La Tanzanie a su se hisser aussi à ce top niveau. Alors, un critère pour départager ces destinations d’incontestable valeur ? Pas un podium, mais une remarque logistique. Globalement, les parcs kenyans sont plus éloignés les uns des autres que leurs homologues tanzaniens, bien regroupés dans la partie nord du pays. Les familles profiteront peut-être de cette proximité.
Le safari sous toutes ses formes, ou presque
Dans sa forme désormais classique, le safari se pratique en véhicule aménagé, avec chauffeur et ranger. La partie supérieure de la voiture est ouverte afin de faciliter les observations. On embarque le matin, puis en fin d’après-midi, pour surprendre les animaux sur leurs lieux de rassemblement et leurs itinéraires réguliers. La connaissance que les rangers possèdent de la vie sauvage est essentielle à la bonne conduite des sorties. Aujourd’hui, ils sont non seulement familiers du théâtre faunistique, mais ils manifestent une sensibilité informée aux enjeux environnementaux. Ce sont des professionnels très qualifiés, qui ne vous laissent jamais en panne d’émotions nature. Cela tant au Kenya qu’en Tanzanie. À cet égard, comme à celui de la participation responsable des communautés samburu ou masai aux opérations, la différence est légère entre les deux pays. Qu’il s’agisse des parcs nationaux strictement animaliers, des réserves où les activités humaines traditionnelles ont aussi droit de cité, ou des conservancies, qui sont des concessions privées.
Un cercle
Néanmoins d’autres formes de safari sont de plus en plus pratiquées, liées à des sensibilités nouvelles envers la nature. Le safari pédestre, répandu désormais, est très représentatif de cette tendance. De moindre rayon d’action, plus lent et concentré, il permet un contact fin avec le milieu. Si la grande faune n’en est naturellement pas exclue, on y est plus attentif aux animaux de moindre taille, ou aux plantes. Les Big n’étant pas seuls à mériter l’intérêt. Il y a des merveilles à admirer parmi les insectes, les petits oiseaux, les reptiles, etc. Le safari à vélo tout-terrain est un peu intermédiaire. Il rend un kilométrage appréciable, mais garde le côté furtif de l’approche pédestre. C’est un bon compromis (qui est tout à fait en phase avec des façons de faire en développement dans les contrées d’origine des voyageurs). Une légèreté logistique qui favorise les safaris privés. La montgolfière est un magnifique moyen de se donner un point de vue adapté aux grandes plaines. Et pirogues et petits bateaux invitent à explorer les rives des cours d’eau et des lacs où la vie toujours foisonne.
Il n’y a pas à attribuer les formes de safari plutôt à la Tanzanie qu’au Kenya (ou l’inverse). Elles se pratiquent dans les deux cas dès lors que le terrain s’y prête. On randonne plus volontiers en montagne. Les voitures tout-terrain restent des moyens irremplacés, même par le cheval, pour l’exploration des savanes ouvertes, où les animaux se déplacent beaucoup. Les caractéristiques de chaque parc en déterminent le meilleur type d’approche.
Une faune complète
À peu de choses près, la Tanzanie et le Kenya partagent la même faune de savane. Celle-ci se répartit selon les avantages et les contraintes de la géographie (qui commande aussi à la flore). L’exemple de la migration des gnous, des zèbres et des gazelles de Thompson est éclairant à cet égard. Pendant la saison sèche, ces ongulés et leur escorte de prédateurs, montent de la Tanzanie au Kenya pour pâturer, puis ils redescendent quand revient la pluie. Ces déplacements concernent au premier chef les parcs connexes du Serengeti et du Masai Mara, mais aussi les réserves du Laikipia. Les troupeaux sont au Kenya de la mi-août à fin septembre et en Tanzanie le reste du temps. En juillet-août et en octobre, ce sont les passages dramatiques des Mara et Grumeti Rivers, qui voient l’engorgement faire l’affaire des carnassiers terrestres et aquatiques : le garde-manger est si plein que peu importe qu’il se meuve. Cela pour indiquer que, si la faune a son identité, elle a aussi ses périodes. Et ses heures : si les sorties d’observation s’effectuent tôt le matin et à l’approche de la nuit, c’est qu’alors les animaux sont les plus actifs. Et les mieux repérables.
Christophe Cerisier/Getty Images/iStockphoto
Originaire du monde de la chasse, le palmarès Big Five a intégré le monde du safari photographique. Quels sont-ils, ces cinq cadors du bush ? Voilà : l’éléphant, le buffle, le rhinocéros, le lion et le léopard. Il faut convenir qu’ils réservent leur pesant d’émotions. On peut en faire la rencontre en allant d’un parc à l’autre. On peut aussi les trouver rassemblés : dans le Masai Mara et au lac Nakuru, au Kenya ; dans le Serengeti et le cratère du Ngorongoro, en Tanzanie. Le rhinocéros noir est présent en force dans les secteurs du lac Nakuru et du Ngorongoro. Dans le complexe Serengeti / Masai Mara, on sait la raison pour laquelle les lions sont particulièrement nombreux. Amboseli et Tarangire nourrissent beaucoup d’éléphants, mais ces grosses bêtes intelligentes sont largement répandues et se trouvent jusque dans les forêts du mont Kenya (où vit aussi l’exceptionnel bongo). Le léopard n’est pas rare, mais il est rarement observé du fait de ses mœurs nocturnes et discrètes. Dans les zones humides, les oiseaux sont en multitude. Une carence, tout de même : les grands singes. Il ne s’en trouve presque pas. Des chimpanzés seulement dans le parc national de Gombe Stream, sur la rive tanzanienne du lac Tanganyika. C’est peu, mais c’est là que Jane Goodall les a étudiés. Cependant, les primates se trouvent variés dans les parcs du mont Kenya, d’Arusha mont Méru, du lac Manyara, des monts Udzungwa : colobe guéréza, cercopithèque à diadème, vervets, cercocèbe agile, etc.
Et ce n’est, bien sûr, qu’effleurer le sujet. Les sorties révèlent quantité d’espèces de tous ordres dont il n’est pas question ici. L’administration humaine a séparé en politique ce qui est un continuum en nature. Parcs et réserves travaillent à la conservation et à la restitution de cette unité/variété, au Kenya comme en Tanzanie. Il n’y a donc pas lieu de trancher. Des différences apparaitraient plutôt en changeant de contexte naturel. En entrant dans la forêt équatoriale, tenez.
Itinéraires à géométrie variable
Ainsi peut-on faire (encore une fois, de l’un comme de l’autre pays) en allant au Rwanda, dans le parc national des Volcans, où vivent les gorilles de montagne. Bien entendu, ils sont plus proches de la Tanzanie, mais un petit coup d’aile à partir de Nairobi n’est pas grand-chose à réaliser. La revue de la faune se complèterait alors des grands singes. En Tanzanie-même, la proximité entre eux des parcs du nord permet de les combiner sans difficulté. Les temps de trajet, dont il faut faire le compte, ne sont pas insurmontables. Les distances s’amenuisent dans la contemplation des paysages. Ce sont les saisons et la disponibilité des animaux qui commandent à l’ordre des étapes. Et puis, pour couronner un safari d’une étape plage de grand style, la Tanzanie dispose d’une arme de récupération massive : l’île de Zanzibar. Le lieu idéal pour décanter ses impressions de voyage dans le bush. Le sable est blanc et la mer bleue, si bleue. Les boutres vont et viennent. Le vieux monde swahili affleure. On trouve là de magnifiques hôtels – c’est-à-dire discrets, d’une esthétique simplicité, retirés. L’esprit Robinson y équilibre celui des Vertes collines d’Afrique.
Jérôme Galland
Le Kenya ne dispose pas d’un tel atout, même si la plage de Diani, à 30 kilomètres de Mombasa, n’est pas à négliger pour sa beauté, ses récifs coralliens, ses colobes blancs et noirs et la proximité de la Shimba Hills National Reserve. D’autre part, nous avons eu l’occasion de le signaler, parcs et réserves sont plus dispersés, éloignés les uns des autres, qu’en Tanzanie. Pour pallier ce qui semble un inconvénient lorsqu’on ne dispose que du temps d’un voyage, il y a les avions-taxis. Ces petits appareils utilisent un réseau d’aérodromes qui permet de rallier tous les sites d’importance. Dans une atmosphère un peu Out of Africa. Étant entendu que les itinéraires terrestres reliant des parcs pas trop distants demeurent envisageables : Chyulu Hills, Tsavo est et ouest, par exemple ; ou Aberdare National Park, mont Kenya, Laikipia. Des combinaisons diverses sont possibles. Et puis, n’allons pas omettre le Nairobi National Park. Juste au sud de la capitale, il permet d’associer savane à acacias, rhinocéros noirs, lions, buffles, girafes et gratte-ciel.
Il y a toujours une solution pour procurer à chacun le plus large panorama, les observations les plus complètes et l’expérience des contrastes qui font la richesse de la nature africaine. Les moyens de déplacement sont disponibles et ajustés au contexte. L’acheminement n’implique plus ni l’inconfort ni la durée inséparables de l’époque héroïque. Et l’hôtellerie s’améliore sans cesse.
Des lodges inspirés
Commençons par le Loisaba Tented Camp, dans le Laikipia. Il occupe le sommet d’une colline, offrant aux voyageurs un fantastique panorama de savane. Tentes premium et atmosphère africana de grand style. Des arbres ombragent le périmètre. Le service est impeccable et la table excellente. Que demander de plus au Kenya, d’autant que les animaux animent la plaine ? Une piscine ? Bien sûr, l’un des plus beaux débordements du continent ! Et l’Ol Tukai Lodge à Amboseli, en plein parc national, avec la bosse monumentale du Kilimandjaro dans le fond sud. L’agréable formalisme du service ajoute au charme. Chambres et salles d’eau sont confortables au possible ; l’Elephant Bar, avec son comptoir annulaire, est tout à fait Blake et Mortimer. Tout de même, il faut envisager le Masai Mara. D’andBeyond Kichwa Tembo Tented Camp, sur l’escarpement d’Oloololo : vallée du Grand Rift et design quasi scandinave, ligne claire en tout cas. La table de massage semble aller de soi. D’autant que le physiothérapeute a dans les mains toute l’expérience nécessaire. Le Kenya n’est plus exclusivement soumis à l’influence britannique. Il en accueille d’autres. Italienne par exemple, comme à Diani Beach. Où Waterlovers met de la purée de courge dans ses ravioles et des notes méditerranéennes dans son style swahili.
Droits Réservés
Poursuivons en Tanzanie. Dans le Tarangire, un lodge sur pilotis, Elewana Treetops Camp. Les chambres entourent comme des satellites le bâtiment principal, appuyé sur un vieux baobab. On est là dans la cabane qu’on a espérée toute son enfance. À ceci près que l’on n’y mettait pas alors un tel confort. De grandes baies et un balcon permettent des observations naturalistes depuis son particulier. Si l’on monte au Ngorongoro, on rencontre le Ngorongoro Crater Lodge, un établissement dont l’architecture a adapté celle de la manyatta, la hutte masaï de bois et de boue séchée. Bien sûr, les exigences de l’hôtellerie moderne sont passées par là : le plateau technique est impeccable. La décoration intérieure s’amuse du style colonial, chaleureux sous des plafonds en feuilles de bananier. À la clé et en contrebas, le fabuleux cratère. Un lodge dans le Serengeti : One Nature Nyaruswiga, au centre du parc. La toile de tente a ses élégances. Les logements ouvrent largement sur les grands espaces. Ils sont aménagés dans le plus actuel safari style. Tub tradition et douche dedans/dehors sont spécialement agréables. Le poêle à bois réchauffe et dénoue les fatigues. Au bar, on fait le récit des sorties lové dans de profonds canapés Chesterfield. Les animaux s’approchent-ils de l’hôtel ? À pas légers.
On a presque partout dépassé le stade old time du lodge safari. Les établissements, qu’ils soient en dur ou amovibles sont de grande qualité et répondent aux critères internationaux. Avec cela, un sens de la situation très affiné. Une esthétique bush respectueuse du principal : le milieu naturel. À cet égard aussi les choses évoluent de façon exemplaire : le meilleur confort, car le plus intelligent, n’est pas l’ennemi des milieux. Découvrez notre sélection des plus beaux lodges d'Afrique.
Quelques indications pratiques
Peut-être une question inquiète-t-elle les candidats au safari africain : la sécurité. Elle a deux aspects. L’un est lié aux animaux ; l’autre aux hommes. De ce dernier point de vue, il n’y a pas à craindre. Les procédures anti-braconnage et l’intéressement des populations présentes sur place au fonctionnement des parcs ont beaucoup apaisé les tensions. En somme, contrevenir ne profite immédiatement à personne. Et pour ce qui est des animaux, rien à redouter non plus si on suit les indications des rangers. Ce sont des gens qui savent leur métier et vont où il faut quand il faut. Lorsqu’on respecte leurs indications, le safari est tout à fait sécurisé. Quelle qu’en soit la formule. Il n’est pas plus dangereux à pied ou à cheval qu’en voiture. En principe, il n’y a pas d’âge minimum pour entrer dans les parcs et réserves. On peut donc y emmener ses enfants. Dans la pratique, cinq ou six ans sont un âge raisonnable pour les apprentis Daktari. Beaucoup de lodges ont de quoi recevoir dignement la petite classe et l’intéresser à la nature. Les repas sont adaptés aux circonstances et aux personnes. Le soin apporté aux aliments est bien souvent plus scrupuleux dans le bush qu’en ville.
Olivier Romano
Schématiquement, la Tanzanie connait deux saisons : sèche, de mai à octobre ; des pluies, de novembre à avril (avec un pic d’intensité les deux derniers mois). Les températures varient peu d’un bout de l’année à l’autre. Le taux d’humidité peut cependant les rendre plus ou moins sensibles. Au Kenya, on a deux saisons sèches : décembre-mars et juillet-octobre. Et donc deux saisons humides intermédiaires. Les différences de température sont plus marquées qu’en Tanzanie. Les saisons sèches voient les animaux se regrouper autour des zones restées humides ; ils sont donc observables aisément et à coup sûr. Pendant les saisons pluvieuses, ils sont plus dispersés sans doute, mais on les voit dans un contexte vert et dynamique particulièrement séduisant. C’est une autre Afrique. Les épisodes pluvieux peuvent être forts, mais ils sont discontinus et laissent place à des heures glorieuses. Les photographes bénéficient alors de lumières exceptionnelles par leur limpidité ou leurs contrastes. Ces périodes sont donc à ne pas à négliger. Sur les côtes, le climat est plus humide et chaud.
En conséquence, rien ne doit dissuader d’aller au Kenya ou en Tanzanie toute l’année.
Par
EMMANUEL BOUTAN
Photographies de couverture : Olivier Romano & Sven Torfinn/PANOS-REA