Etats-Unis

Le Greyfield Inn : maison de famille

Le Greyfield Inn : maison de famille

Aux États-Unis, en Géorgie, le Greyfield Inn témoigne d’un certain lifestyle américain. Véritable voyage à travers le temps, cet hôtel cossu distille l’agréable sensation de s’y sentir comme chez soi.

 

“Bienvenue à la maison !”, lance Mitty Ferguson, le maître des lieux, depuis le ponton du Greyfield Inn. Le voyageur arrive à Cumberland Island après quarante minutes d’une traversée maritime. Le bateau reste l’unique façon d’accéder à l’île depuis le port de Fernandina Beach, en Floride. Le chemin qui mène à la maison qui sera la nôtre ces prochains jours passe sous d’épaisses frondaisons de chênes ancestraux bordés de fougères et de mousses. Au loin, des chevaux sauvages cavalent. Ils sont les descendants des premiers purs-sangs abandonnés au milieu du XVIe siècle par les colons espagnols. Le bond dans le temps s’accélère lorsqu’à l’horizon une belle façade de style colonial annonce notre demeure.

Maison du Greyfield Inn

Afin de saisir la poésie de ce lieu aux airs de Downton Abbey du Sud américain, un minimum d’histoire et de géographie s’impose. L’île de Cumberland abrite de rares maisons privées disséminées dans une nature préservée. Protégée par son statut de parc national, l’île limite le nombre de visiteurs quotidiens à 300 (à peine plus que ses chevaux). Premier arrêt devant les ruines de Dungeness, réplique d’un château écossais qui fut établi par Thomas Carnegie, l’un des barons de l’acier de Pittsburgh qui, en 1882, acquiert la quasi-totalité de Cumberland. Le Greyfield Inn fut d’abord une retraite hivernale construite en 1900 que Carnegie offrit à sa fille Margaret à l’occasion de son mariage avec Oliver Ricketson.

 

Proprietaires du Greyfield Inn

 

Dans les années 1930, Greyfield reçut la famille et les amis de leur fille Lucy et de son époux R.W. Ferguson, parmi lesquels certains membres de la famille Kennedy, tombés eux aussi sous le charme des lieux. (soixante-dix ans plus tard, en 1996, John Fitzgerald Kennedy Jr., épousera Carolyn Bessette dans une chapelle, au nord de l’île, à l’abri de la presse et des paparazzis). En 1962, les quatre enfants de Lucy l’ont convaincue d’ouvrir les portes de cette demeure en la transformant en hôtel. Aujourd’hui, ce sont ses petits-enfants qui gardent le domaine sur lequel chacun a sa maison. Si Greyfield a connu de légères rénovations, sa structure reste inchangée et l’essentiel du mobilier et des objets de décoration sont là depuis les origines.

 

Décoration du Greyfield Inn

 

Guidés par nos hôtes, la sensation d’être accueillis chez des amis de longue date est saisissante. Nous croisons des personnalités plus accueillantes les unes que les autres, voyageurs de passage ou employés. L’esprit de famille flotte dans toute la maison – du salon, ponctué des portraits des aïeux et rempli de jeux de société et d’objets anciens, à la bibliothèque. Au bar, chacun se sert librement et note ses consommations, respectant un “honor system”. La cuisine, commune, est ouverte à toute heure. Dans les chambres, pas de clés. Le seul rempart est formé par les deux marches qu’il faut gravir pour atteindre son lit. Chaque habitation distille une décoration unique. Dans les salles de bains : des baignoires anciennes sur pieds invitent à y passer des heures.

 

Chambre du Greyfield Inn

 

Cuisine de saison, potager bio et fleurs fraîches

À l’heure du “sundowner” (un verre au soleil couchant), rendez-vous est pris sous le porche, à l’avant de la maison, pour retrouver les autres membres de cette “famille” recomposée. Le roulis des rockingchairs rythme les conversations. Lorsque la cloche annonce le dîner, ce petit monde rejoint la salle à manger et son imposante table. Christopher, le sommelier, annonce alors le menu du jour, concocté par la géniale cheffe Whitney Otawka (qui sortira son premier livre de recettes, The Saltwater Table, à l’automne 2019) et son équipe. Une cuisine de saison, qui sublime les produits du potager bio. Grand d’un demi-hectare et entretenu par un jeune couple passionné, il fournit les fleurs fraîches déposées dans chaque pièce, le miel du domaine et la majorité des fruits, légumes et herbes utilisés.

Pannier de légumes

 

Sans wifi ni télévision

Christopher annonce également la carte des activités proposées le lendemain : balades à vélo, parties de pêche, parcours en kayak. Deux naturalistes proposent aussi chaque jour des excursions en pick-up à travers les chemins, les dunes, les marécages, le long de la plage. Au lever du soleil, c’est l’occasion d’admirer les dauphins, de chercher dans le sable dents de requins et oursins plats. Les plus casaniers se dirigent vers la maison de Gogo, la sœur de Mitty Ferguson. Depuis des années, elle s’inspire de la nature pour créer des bijoux, des couverts et des accessoires pour la table. À partir de squelettes d’animaux, de bois flotté, de plantes et de coquillages, elle réalise des merveilles.

 

Table de jardin du Greyfield Inn

 

“Ma grand-mère serait fière”, confie Mitty dont le plus grand souhait est de préserver cet esprit “maison de famille”, proche de la nature, sans wifi ni télévision. Le calme et l’harmonie du Greyfield et de l’île attirent régulièrement des artistes venus écrire, peindre, s’inspirer et qui reviennent régulièrement, comme beaucoup d’autres fidèles séduits eux aussi, par un lieu devenu peu à peu leur deuxième maison.

 

Par

HÉLOÏSE BRION

 

Photographies

CHRISTOPHE ROUET