Italie

Les Dolomites, carte postale du vertige

Les Dolomites, carte postale du vertige

Loin de l’Italie des vespas, des temples romains et de la dolce vita, voici celle des alpages, des chalets oubliés, des cimes de dentelle coiffées de neiges éternelles et des godasses pour chemins de rocaille. Les Dolomites racontent l’Italie de la montagne, d’une nature immense et d’un ciel plus grand que les rêves. Ce bijou est inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

 

Quelques noms font écho et titillent la mémoire des amoureux d’ailleurs : Madonna di Campiglio, charmante station de ski en hiver, point de départ de mille randonnées dès le printemps ; Val Gardena, 175 kilomètres de pistes et des sculpteurs talentueux dont les statues d’érable embellissent les églises dans le monde entier ; Cortina d’Ampezzo aussi, les Jeux Olympiques s’y sont déroulés en 1956, ils y reviendront en 2026, reine d’un gigantesque domaine skiable, Dolomiti Superski, 12 vallées et plus de 1 000 kilomètres de pistes, où les people aiment se claquer la bise entre lunettes miroir grand écran Dior et gros col (fausse) fourrure Chanel. Il s’agit donc de montagne, oui, d’une des plus belles qui soit, les Alpes bien entendu, au nord de l’Italie, bingo.

 

Pile de bois dans les Dolomites

Paola+Murray/Gallery Stock

 

La dolomie fait les Dolomites

Le Corbusier en parlait comme « La plus belle œuvre architecturale du monde ». Pas faux quand on regarde cette carte postale du vertige, dix-huit sommets piquant le ciel à plus de 3 000 mètres d’altitude (3 343 mètres au Marmolada, le record de la région), des parois raides à défier les alpinistes à cause du calcaire et de cette pierre blanche si friable qu’on appelle justement la dolomie, des vallées encaissées au fond desquelles coulent des eaux de cristal, à moins qu’elles alimentent la dizaine de lacs à tournebouler l’œil du photographe avec leurs eaux turquoise, saphir, émeraude… Bref, sous la neige comme au soleil de la belle saison, les Dolomites enchantent. Glisse de vitesse ou ski de fond, randonnée, marche, escalade, VTT ou simple balade main dans la main à suivre les chemins d’estive ou ceux qui se planque sous la forêt de mélèzes, le séjour ne fait que des ravis. Il n’y a pas de hasard : depuis 2009, la région est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Une consécration qui vaut désormais à sa sublime nature de pics, de forêts et de vallées oubliées, d’être soumise à une vigilante protection.

Eglise dans les Dolomites

Raul Caramizaru/Gallery Stock

 

Deux noms par village

Cortina d’Ampezzo est le centre géographique du massif. La station est à 800 kilomètres de Lyon, via Turin, une trotte. Elle se trouve à égale distance de Venise (160 kilomètres) et d’Innsbruck au Tyrol (165 kilomètres). Voilà qui en dit bien plus qu’un simple constat chiffré. Depuis une éternité, les Dolomites balancent entre Italie et Autriche. Un signe ne trompe pas, chaque bourgade, le plus petit village, le moindre hameau, a deux noms, l’un dans la langue de Goethe, l’autre dans celle de Monica Bellucci.

Après tout, ce n’est que depuis 1919 et la chute de l’empire austro-hongrois que le massif s’affiche essentiellement italien, même s’il est traversé en sa face nord par la frontière avec l’Autriche, version Tyrol du sud. C’est pur enchantement de découvrir le long des routes en lacets sur lesquelles on rêve de tourbillonner au volant d’un cabriolet vintage, ou encore dans la ferme perdue au bout d’un sentier à vaches, qu’on se moque bien des administrations de Vienne ou de Rome. Ici, qu’importe la frontière, on revendique son identité Dolomites, éventuellement en parlant le ladin, la langue initiale du pays. Le voyageur respectera et veillera à bien confondre Cortina d’Ampezzo avec Ampëz (ladin) ou Hayden (Allemand), Val Gardena avec Gherdëina (Ladin) et Gröden en allemand, etc.

 

Cheminée Dolomites

Paola+Murray/Gallery Stock

 

Lacs, villages et sommets

Passé ces menues délicatesses, vient le temps de savourer un trésor d’Europe version Alpes et grande nature. D’où qu’on s’y prenne, le schéma est à peu près le même, sauf à signaler de solides indispensables : le lac dei Carezza ou, celui, mythique, di Braies ; le village de Santa-Maddalena comme son voisin, San Giovanni in Ranui ; le spectacle montagnard grandiose des Tre Cime di Lavaredo, autant que celui des Cinque Torri, des roches pures, dressés comme pour un enchantement. Ici, là-bas, à côté, plus loin, il s’agit de savourer une exceptionnelle démonstration de la nature. A saisir dans les lueurs bleutées du petit jour ou dans l’incandescence des soirées de feu.

paysage des Dolomites

Sergii Mostovyi/stock.adobe.com

 

Les « monts pâles »

Les fans de sports d’hiver pratiquent leur glisse dans des cadres qui rivalisent de beauté avec les stations françaises ou suisses. Mais si. Les autres, adeptes du printemps et de l’été admettront que chaque sortie, en voiture, à pied, en VTT, promet le cocktail assez réjouissant de routes escarpées offrant mille panoramas divins, de chemins garants de solitude et d’espaces jamais comptés, de tapis d’edelweiss, de campanules ou de buissons d’orchidées sauvages, de forêts denses d’épicéas et de pins altiers, des chansons de la rivière et de la beauté frisquette des lacs d’altitude, vastes miroirs capables de décliner toute la palette des bleus et des verts, entre marine et jade clair. Émerveillement garanti, d’autant que les montagnes, les fameux « monts pâles » comme les désignent  leurs fans, s’invitent au spectacle, toile de fond ou muraille verticale exigeant alors pitons et cordages.

C’est simple, les Dolomites comptent vingt-cinq domaines skiables, une dizaine de chemins balisés et aménagés pour les randonneurs (la traversée totale du massif d’est en ouest exige une bonne semaine et d’excellents mollets), plus de soixante via ferrata tracées sur des parcours de vertige, des refuges à toit rouge omniprésents, neuf lacs de référence et des dizaines de hameaux comme on les aime sur une carte postale…

 

Lac dans les Dolomites

Raul Caramizaru/Gallery Stock

 

Tome et vin blanc

Justement. Magie des terres demeurées à l’écart du monde et de ses affaires bien ordinaires, sagesse et humilité qu’inspire cette nature si pure, regarde, elle touche le ciel, aucune porte ne reste fermée. Une vache patiente, une pile de bois à l’équerre, une volée de cloches posse au loin, entrez. Une poignée de mains, la tome fraîche est posée sur la table avec un verre de vin, essayez le blanc du Tyrol voisin, l’accord est parfait. On aimerait que certains bonheurs ne cessent jamais.

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL

 

Photographie de couverture : Raul Caramizaru/Gallery Stock