Dans le grand Sud chilien, la Patagonie offre des forêts pluviales et des champs de glace, des steppes nues et des glaciers géants, et des villages oubliés au fond des fjords. Elle offre aussi des mythes de bout du monde – Détroit de Magellan, Terre de Feu, Cap Horn… On y respire un air neuf dans des paysages illimités. Découvrez notre sélection des plus beaux paysages de la Patagonie chilienne.
Route australe
La route australe, « carretera austral », principale axe routier et colonne vertébrale de la Patagonie, est en soi un paysage. Ruban d’asphalte ou piste caillouteuse, elle sillonne la Patagonie du nord au sud entre océan Pacifique et cordillère des Andes. Par la fenêtre défilent les steppes herbeuses, les montagnes et les forêts primaires, les lacs turquoise : chaque virage sonne comme une promesse. Une nature brute, des horizons sans limites : on se sent tout petit. Parcourir ses 1567 kilomètres, depuis Puerto Montt jusqu’à Villa O'Higgins, relève du mythe.
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Chiloé
L’archipel de Chiloé, ce sont une quarantaine d’îles au large de la Patagonie du nord, dans la région des lacs. Du ferry qui relie le continent à la plus grande d’entre elles, Isla Grande de Chiloé, on admire d’abord les couleurs des palafitos, les maisons sur pilotis qui dominent la baie. On adore les flèches néogothiques de l’église de Castro, peintes de jaune poussin, de rose bonbon et de violet aubergine. Et sur toute l’île, Jésuites et Franciscains ont édifié des églises et des chapelles, entièrement construites en bois, à l’architecture toute simple, et abordant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel – on aime les visiter, pour ce qu’elles racontent du syncrétisme entre croyances européennes et indiennes. Face au continent, Chiloé est bucolique, tout en prairies verdoyantes et en fjords ; elle est sauvage sur sa côte pacifique, où la forêt humide – arbres enchevêtrés et grandes fougères – rencontre la mer déchaînée, au fil d’interminables plages brumeuses.
Alix Pardo
Lac General Carrera
Le lac glaciaire General Carrera, avec ses 1850 km², enjambe la frontière entre Chili et Argentine – c’est le deuxième plus vaste d’Amérique du Sud, après le lac Titicaca. Il y a d’abord le turquoise éblouissant de ses eaux, surplombé par les neiges éternelles des sommets de la cordillère des Andes. Embarquant à Puerto Río Tranquilo, on glisse sur l’eau pour rejoindre trois petites îles ainsi que les surprenantes chapelle et cathédrale de marbre, un spectaculaire réseau de cavernes glaciaires, sculpté par les eaux du lac depuis des millénaires. Leur parois tourbillonnantes reflètent le turquoise des eaux du lac. Magique !
Frank TOPHOVEN/LAIF-REA
Caleta Tortel
Niché au cœur de la XIe région du Chili, fouetté par les vents, Caleta Tortel est un village du bout du monde qui s’étire le long des rives du golfe de Penas. Érigées en bord de fjord, ses maisons sur pilotis, typiques de l’architecture chilote, sont reliées par des passerelles de cyprès qui forment une dentelle de bois entre ciel et terre. Si le village n’est peuplé que de 523 habitants, les eaux qui le bordent sont le refuge des dauphins et des otaries, des aigrettes et des cormorans. Le fleuve Baker qui serpente non loin dessine un estuaire remarquable.
Parc national Torres del Paine
Entre cordillère des Andes et steppe de Patagonie, le parc national Torres del Paine est une succession de plaines pourpres et de montagnes acérées, de vallées venteuses et de monts de granit, de lacs laiteux et de glaciers. Il tient son nom de ses trois aiguilles de granit (les « torres »), situées dans la massif de Paine. Le mirador Base Torres est le premier des sites incontournables du parc, un point de vue imprenable sur ses trois emblématiques aiguilles qui se dressent au-dessus d’un lagon émeraude – et le bon spot pour les photographies ! Le massif des Cuernos est reconnaissable à la couleur noire de ses sommets, qui contraste avec la roche claire de sa base – on l’admire au fil du sentier qui longe le lac Nordenskjöld. Et sur le lac Grey, les parois bleutées des icebergs aux reflets changeants, et le glacier Grey qui s’élève majestueusement à l’autre bout du lac : un éblouissement – la beauté à l’état brut.
Lucy Laucht
Parc national Patagonia
Sur 305 000 hectares de terres qu’ils ont achetées puis restituées à l’État chilien, les philanthropes Douglas et Kristine Tompkins ont installé le parc Patagonia – la création du Patagonia ne constituant qu’une partie de leur entreprise : sous leur impulsion, cinq parcs nationaux ont été créés et d’autres ont été agrandis, soit au total six millions d’hectares de terres sanctuarisées. Leur projet : réensauvager, restaurer et conserver les écosystèmes naturels de la région. Le parc Patagonia protège notamment la vallée de Chacabuco, où les Tompkins ont fermé les ranchs géants et mis fin à l’élevage industriel de moutons pour restaurer le refuge naturel des flamants et des cygnes à cou noir. L’herbe a repoussé, la nature s’est faite accueillante pour pumas et fourmiliers géants, nandous et huemuls, tous patiemment réintroduits. Et les condors et les aras chloroptères au plumage chatoyant survolent à nouveau les lieux. Un éden à explorer sur la pointe des pieds… pour ne pas déranger.
Avenue des glaciers
Mer de glace. Avenue des glaciers, cordillère Darwin. Dédales de canaux et de fjords émeraude, aux confins du monde. Les flancs bleutés des glaciers sont éclairés par le soleil, ciel bleu éclatant, et l’instant d’après, masqués par un voile de pluie. Le vent souffle en rafales. Le glacier Aguilla apparaît comme accroché à la roche, suspendu au-dessus d’une lagune – son nom signifie « aigle » en espagnol, et c’est vrai qu’il semble voler au-dessus des eaux. Il ne faut pas moins que le passage d’une foule de pingouins de Magellan joueurs pour arracher le visiteur à sa contemplation magnétique.
Gunnar KNECHTEL/LAIF-REA
Cap Horn
Archipel de la Terre de Feu. Au bout du bout du monde, l’île d’Horn. 55°56’ Sud et 67°19' Ouest. Dernière escale avant l’Antarctique, 950 kilomètres plus au sud. Fracas assourdissant du vent, herbes folles couchées et, au bout du sentier de planches, un imposant albatros d’acier en mémoire des 800 navires qui ont échoué le long de cette côte tourmentée. Derrière, la falaise sévère du Horn et, au loin, une immense étendue d’eau qui semble ne jamais finir.
Par
MARION OSMONT
Photographie de couverture : Mathieu Richer Mamousse