Entre Toronto et Montréal, le Canada recèle un territoire au romantisme sans pareil : la région des « Mille-îles ». Elles flottent sur le Saint-Laurent. A découvrir au printemps ou en automne, lorsque, vert tendre ou rouge flamboyant, la nature leur offre tout leur éclat.
Pour certains, c’est sûr, il faut effectuer ce circuit canadien en mai et juin, quand la végétation retrouve sa pleine vitalité. Vert tendre des tilleuls et des érables, bouquets de jacinthe et les lilas qui embaument et glissement tranquille des eaux du fleuve Saint-Laurent juste débarrassées des derniers glaçons de l’hiver. Séjour d’exception au programme. Pour d’autres, définitivement, c’est en septembre que l’on doit traverser les « Mille-îles ». Alors, le fameux été indien enflamme les feuillages, habille le fleuve de cuivre, d’or et de carmin, sans oublier l’extraordinaire douceur des températures qui redonne un air d’été à cette partie de l’Est-canadien. Bref, chacun son école de beauté mais au final, tous s’accordent à célébrer cette harmonie exceptionnelle du paysage.
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« Le Jardin du grand esprit »
Nous sommes ici à deux pas de Kingston, pas peu fière d’être la plus vieille ville de l’Ontario. Elle a été créée par les Français en 1673. Et pour cause, elle garde le point de rencontre entre le Saint-Laurent et le lac Ontario. Quasiment un verrou entre les immensités du grand nord et les Etats-Unis qui sont juste en face, sur l’autre berge du fleuve. Epatant pour garder un œil sur tout ce qui navigue et contrôler le commerce du bois ou des fourrures. Tout aussi intéressant à savoir en vue d’un prochain voyage au Canada, Kingston est presqu’à égale distance de Toronto (264 km) et de Montréal (environ 290 km).
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Jusqu’à Guananoque, soit sur une trentaine de kilomètres, la nature a fait preuve de talent, semant au gré du fleuve et de son inspiration une multitude de territoires émergés, officiellement 1 865 îles. Depuis toujours, il est convenu que pour intégrer la liste des élues, il faut être au-dessus des eaux tout le long de l’année, couvrir au moins 2 m² et accueillir deux arbres au minimum. La plus grande, Wolfe Island, affiche 124 km², beaucoup accueillent une maison, une seule et de nombreuses sont juste assez grandes pour qu’on s’y tienne debout. Voilà bien le charme de cette mosaïque de grande nature que les Indiens Mississauga désignaient comme « le Jardin du grand esprit ». C’est dire. Cédé pour trois fois rien aux colonisateurs, ce royaume d’un romantisme absolu a aussitôt attiré les bonnes fortunes qui ont vite décelé le potentiel de ces territoires, certes jamais bien grands, mais capable d’offrir l’île-refuge dont rêvent les écoliers à l’âme vagabonde. Voilà qui explique les quelques châteaux inspirés par les gloires d’Europe qui ont été édifiés ici. Histoire de mettre un peu d’ordre et d’éviter le possible mauvais goût et les excès de la promotion immobilière, le gouvernement canadien a déclaré la zone Parc national dès 1904. Sur les grandes îles ont été tracés des chemins de randonnée. De jolis bancs rouges sont installés ici et là pour admirer le paysage, les tables à côté sont à disposition à l’heure du pique-nique. Sur les territoires plus modestes, on se contente d’accoster. Une maison, sa taille et son style racontent en un coup d’œil la richesse du propriétaire, une haie de bouleaux, quelques chênes centenaires, des pins pour garantir l’intimité des occupants, une habitation prête au bonheur et à la sérénité, prière de ne pas déranger.
Un château de 120 pièces
Deux des plus spectaculaires constructions, de véritables châteaux se visitent. L’un, celui de la famille Bolt, a été construit pour Madame qui hélas rejoignit prématurément le ciel. Son inconsolable mari abandonna sur le champ les travaux. Jamais terminé, il abrite quelque 120 pièces… Plus discret, sur six niveaux quand même, le château Singer, la famille des machines à coudre. Surtout, admirer ces innombrables merveilles d’architectures, bien plus modestes que les précédentes, qui racontent le plaisir de résider à l’écart du monde. Un ponton, une barcasse, un tapis de joncs dans lequel nichent pluviers et bécasseaux, un aigle déchire le ciel et le feuillage des hêtres pour chanter avec le vent… Les Mille-Îles racontent une certaine idée du bonheur.
Commission canadienne du tourisme
Pour en goûter le charme, deux solutions. L’excursion en groupe au départ de Guananoque, Kingston, Rockport ou Yvy Léa. Bien organisée et terriblement formatée. Ou bien s’installer dans un des hôtels ou maisons d’hôtes ouverts sur certaines îles. On en devient alors le résident. Prêt pour une partie de pêche (brochet, saumon…), une balade en canot, une virée en kayak ou une séance d’observation des oiseaux migrateurs. Avant, après, il ne reste plus qu’à choisir son camp en franchissant le pont des Mille-Îles qui enjambe le Saint-Laurent. D’un côté, le Canada, de l’autre, les Etats-Unis.
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