Antithèses du Golden State, les États de Washington et de l'Oregon déroulent au fil du Pacifique une forme de mélancolie. Deux villes au caractère alternatif bien trempé s'en détachent.
"Rainy city"... Beaucoup de villes américaines se passeraient de ce titre. À Seattle, il pleut un jour sur deux et la cité s'en réjouit. Sans doute parce que le climat va de pair avec un emplacement géographique exceptionnel, bordé par le fjord de Puget Sound d'un côté, adossé à la chaine des Cascades de l'autre. Ici, la nature ruisselle jusqu'au cœur de la ville et invite à s'y plonger.
À pied, à vélo, en canot. Entre les flancs du Mont Rainier, un strato-volcan culminant à plus de 4000 mètres carrés étayé de centaines de glaciers, les flots du Pacifique où les baleines se donnent rendez-vous, et le lac Union qui invite à ramer en paddle le long des maisons flottantes : Seattle bénit le son de l'eau. Comme si en découlait la source d'inspiration des grandes voix auxquelles la "cité de la pluie" a donné naissance: Quincy Jones, Judy Collins, Eddie Vedder, Jimi Hendrix... Frêle "Seattle boy" devenu Poséidon du rock, Hendrix a composé son légendaire Purple Haze suite à un rêve dans lequel il se voyait marcher sous la surface de l'océan.
À la fin des années 1980, le son de Seattle se fait plus alternatif, plus sale. La scène grunge apparait, propulsant le groupe Nirvana (Bleach, Nevermind, In Utero...) sur le devant des scènes internationales. Puis, la mélancolie a rattrapé Cobain... Fin de l'histoire. Mais Seattle, elle, reste l'héroïne de nombreux films et séries sombres (The Killing), tout en s'autorisant parfois à jouer avec le soleil pour nous laisser écumer quartiers et terrasses de cafés.
Trois cents kilomètres plus au sud, Portland vit sous les mêmes auspices.
Entre forêts humides, pics de basalte et côte déchiquetée, pousse une ville pionnière de l'écologie et du libéralisme anti-Trump. Modèle de tolérance LGBTQ, la capitale de l'Oregon est l'une des premières (après Seattle) à avoir légalisé l'usage récréatif du cannabis.
Une herbe qui s'invite jusque dans les cuisines parmi les produits locaux (et forcément bio) de jeunes chefs inspirés. Depuis plus de dix ans, l'esprit "made in Portland" prône une philosophie communautaire, écologiste et humaniste, dont la série Portlandia n'a pas hésité à moquer les excès.
Reste une cité dans laquelle l'homme et la nature ont trouvé l'harmonie... même sous la pluie.
Photographie de couverture : Zoé Fidji