Au centre de la vie politique américaine, Washington s’est taillé depuis plusieurs décennies une place de choix sur grand écran. Promenade cinéphile dans la ville qui a vu naître L’Exorciste et Taxi Driver.
Certains surnomment Washington D.C. “le Hollywood de la Côte Est”. Il est vrai que les deux villes affichent de nombreuses similitudes. À Los Angeles, si tout tourne autour de l’industrie du divertissement, à Washington c’est la politique qui l’emporte. Les politiciens y sont traités comme des stars de cinéma, et lobbyistes, avocats et journalistes font office d’agents, de managers et de chroniqueurs mondains. De plus, le potentiel cinématographique de Washington n’est plus à démontrer. La ville a en effet servi de toile de fond à beaucoup de grands classiques du septième art. Revenir sur les lieux de scènes cultes offre au visiteur la possibilité de vivre une sorte de pèlerinage en se fondant dans les décors de leurs films ou séries préférés (cf. House of Cards, bien qu’elle ait été essentiellement tournée en studio près de Baltimore).
Cela constitue donc un excellent prétexte pour réserver de ce pas son prochain billet en direction des États-Unis. Mais pas d’inquiétude : le climat politique actuel, les frasques de Trump et les présidentielles de 2020 devraient inspirer encore longtemps scénaristes et réalisateurs, et continuer à faire de Washington D.C. le théâtre d’intrigues hâletantes. To be continued…
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Taxi Driver (1976)
Martin Scorsese
Taxi Driver raconte l’histoire de Travis Bickle (Robert De Niro), chauffeur de taxi new-yorkais à qui des insomnies chroniques font peu à peu perdre pied. Travis rencontre une femme qui travaille sur une campagne électorale (Cybill Shepherd), son obsession pour elle le mènera à fomenter l’assassinat du candidat à la présidentielle.
Où dormir ?
Washington Hilton Hotel
Scène de la tentative d’assassinat du Président Reagan 1919 Connecticut Ave NW Washington, D. C. 20009
Personne n’était plus fan du film que John Hinckley Jr, un ermite psychopathe vivant aux environs de Washington, obsédé par l’actrice Jodie Foster (qui jouait dans le film). Déterminé à attirer l’attention de Jodie Foster et à gagner son affection, Hinckley s’inspira du personnage de De Niro et tira sur le Président de l’époque, Ronald Reagan. Le 30 mars 1981, il se rendit au Hilton de Washington où le Président faisait une allocution. Alors que Reagan regagnait le cortège motorisé devant l’hôtel, Hinckley lui tira dessus, le blessant ainsi que trois autres personnes. Il fut jugé innocent en raison de sa condition mentale. Aujourd’hui, une plaque rappelle l’endroit où l’incident s’est produit.
Hilton - Washington, DC
Où manger ?
The Riggsby
(A l’intérieur de l’hôtel Kimpton Carlyle) 1731 New Hampshire Ave NW Washington, D. C. 20009
Situé au sous-sol de l’hôtel Art déco Carlyle, dans le quartier de Dupont Circle, avec son entrée en forme de serrure géante, le Riggsby est un restaurant à l’ancienne, ambiance feutrée, banquettes circulaires et cuisine traditionnelle américaine concoctée par le chef de renom Michael Schlow. On y conspire à voix basse en sirotant des cocktails – le cadre se prête parfaitement aux cachotteries, scandales et autres assassinats. Lecture conseillée Avant de vous y rendre, vous pourriez lire Rawhide Down: The Near Assassination of Ronald Reagan de Del Quentin Wilber (en anglais, non traduit en français, 2011). C’est l’ouvrage de référence sur la tentative d’assassinat du président Reagan. Tout y est, l’état mental de John Hinckley Jr, la façon dont Ronald Reagan a failli succomber (la balle est passée à un centimètre du cœur), et le rôle du film de Martin Scorsese dans les événements qui ont marqué la présidence Reagan.
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Pentagon Papers (2017)
Steven Spielberg
Les Pentagon Papers désignent une étude classée top secret, commandée par le département de la Défense situé dans le Pentagone. Le film décrit l’histoire des relations politiques et militaires entre le Vietnam et les États-Unis, de 1945 à 1967.
En 1971, Daniel Ellsberg, un employé au Pentagone, rend publics des rapports secrets accablants pour le gouvernement en les donnant au Washington Post et au New York Times. D’abord accusé de complot, d’espionnage et de vol de documents appartenant à l’État, il vit ces poursuites abandonnées après que les journalistes enquêtant sur le scandale du Watergate eurent découvert que des membres de l’administration Nixon avaient ordonné à des agents de discréditer Ellsberg par des moyens illégaux. Le film, mettant en scène Meryl Streep et Tom Hanks, se concentre sur un groupe d’employés du Washington Post dans un bras de fer avec le gouvernement fédéral pour publier les documents.
À visiter
Le Pentagone
Il est possible d’organiser une découverte du Pentagone, mais il faut réserver quatorze jours à l’avance pour des raisons de sécurité. Vous aurez droit à une visite privée du siège de la Défense américaine, et pourrez arpenter les mêmes couloirs qu’Ellsberg. Le Pentagone est le plus grand bâtiment administratif du monde, alors prévoyez de bonnes chaussures : vous marcherez beaucoup. À l’extérieur, on peut aussi voir le mémorial érigé en l’honneur des 184 personnes tuées par le crash du vol 77 d’American Airlines lors de la tristement célèbre attaque terroriste du 11 septembre 2001. En sortant du Pentagone, on peut traverser une passerelle reliant le parking du bâtiment au Lyndon Baines Johnson Memorial Grove (attention, le parking est gigantesque alors n’oubliez pas de noter votre position. Il existe aussi des navettes).
Le mémorial est une île minuscule sur le Potomac où Lyndon Baines Johnson, 36e Président des États-Unis, se promenait souvent, en compagnie de sa femme, Lady Bird, pour échapper à Washington et réfléchir à ses décisions politiques. L’une de ces décisions fut d’ailleurs inspirée par le discours de Martin Luther King, aboutissant aux accords sur les droits civiques (Civil Rights Act). Le film biographique All the Way (slogan de campagne de Johnson pour l’élection présidentielle de 1964), avec Bryan Cranston (Breaking Bad), relate entre autres cet épisode. Les cinéphiles se rappelleront aussi sûrement que le Pentagone servit de décor au film No Way Out (Sens unique, 1987), avec Kevin Costner. Le lieutenant qu’il incarne devient la proie d’une chasse à l’homme orchestrée par Gene Hackman, dans le rôle du secrétaire de la Défense, qui essaie de couvrir un meurtre.
Capital Region
Où manger ?
Island Time Bar and Grill
George Washington Memorial Pkwy Arlington, Virginia 22202
À côté de l’île et de son petit bois, se trouve la Columbia Island Marina, minuscule marina qui accueille le Island Time Bar & Grill. On peut s’y régaler d’une guédille au homard (un pain façon hot-dog rempli d’herbes, mayo et de homard émietté) dans le patio, à l’ombre du Pentagone.
3
L’Exorciste (1974)
William Friedkin
Dans L’Exorciste, William Friedkin met en scène une adolescente de 12 ans possédée par le démon que sa mère tente de sauver en faisant appel à deux prêtres exorcistes. Adapté d’un best-seller écrit par William Blatty, le film est devenu culte, considéré par beaucoup comme la meilleure œuvre d’horreur de tous les temps.
À visiter
La maison des Macneil et "les marches de l'Exorciste"
3600 Prospect Street, Washington, D. C. 20007
Bien que L’Exorciste soit inspiré d’un fait réel subvenu à Saint-Louis dans les années 1940, Friedkin situe l’action au cœur du quartier de Georgetown, à Washington D.C. La maison des McNeil, qui servit de décor, est toujours debout. C’est une propriété privée, et à ce titre il n’est pas permis de la visiter. Mais l’escalier, lui, qui court le long de la maison et plonge vers le fleuve Potomac et le C&O Canal, reste accessible. Oppressantes et fatigantes, les “marches de l’Exorciste” (75 au total), comme on les appelle, doivent leur notoriété à la scène finale dans laquelle le personnage principal (le père Damian Karras) est tué. Une plaque commémorative a été apposée par la ville au pied de l’escalier en 2015.
Source : Instagram
Où manger ?
The Tombs
1226 36th Street NW, Washington, D. C. 20007
Une fois les marches parcourues, off rez-vous un repas roboratif au restaurant The Tombs, au bout de la rue, dans une maison de style géorgien du milieu du XVIIIe siècle. The Tombs possède sa propre histoire cinématographique. Il apparaît dans St. Elmo’s Fire (1985) qui met en scène la vie d’une bande de jeunes gens. Le film marque les débuts de Demi Moore et Rob Lowe. On l’a souvent considéré comme le précurseur de la série Friends – à l’instar du Central Perk de Rachel, Ross et les autres, The Tombs était le QG des personnages principaux. En 2016, deux millions de dollars ont été investis dans la rénovation du lieu, son charme et sa beauté originels ont été préservés, y compris l’immense collection d’illustrations tirées des Vanity Fair et Harper’s Weekly du XIXe siècle et les vieilles affiches de propagande de l’armée qui ornent les murs. The Tombs sert aussi de repaire à plusieurs équipes d’aviron de l’université de Georgetown et l’établissement est connu pour accueillir des soirées poésie, diverses sociétés secrètes, sans parler des fans de L’Exorciste.
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Les Hommes du Président (1976)
Alan Pakula
Bien qu’il ait 43 ans, Les Hommes du Président d’Alan Pakula, avec Robert Redford et Dustin Hoffman, demeure un des meilleurs films qui existent sur le journalisme d’enquête et le complot politique. Au centre de l’intrigue, les journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, et leur travail pour faire éclater le scandale du Watergate, en 1972. Plus qu’une toile de fond, Washington y est filmée comme un personnage à part entière.
Où dormir ?
Watergate Hotel
Le nom du Watergate est tellement synonyme de scandale politique qu’on en oublie que c’est aussi celui d’un somptueux hôtel 5 étoiles sur les rives du fleuve Potomac, downtown Washington. Construit dans les années 1960 par l’architecte italien Luigi Moretti, le Watergate rappelle un de ces projecteurs à diapositives Kodak Carousel datant de la même époque. Blancs et circulaires, ses balcons font penser à une dentition. En 1972, des agents du Président Richard Nixon y avaient loué une chambre pour coordonner l’effraction des locaux du Parti démocrate à Washington, situés dans l’immeuble voisin. Non seulement, leur plan échoua, mais l’enquête qui fut ouverte sur les raisons de leur présence dans l’établissement obligea Nixon à démissionner. Après un rafraîchissement de façade par le designer industriel Ron Arad et un relooking complet de l’intérieur – uniformes compris, redessinés par Janie Bryant, la costumière de la série Mad Men –, le Watergate Hotel n’a rien perdu de son charme rétro, tout en collant aux exigences de l'“urban resort” qu’il est devenu. On y trouve un spa, une piscine, deux restaurants, un toit panoramique dominant le Potomac, sans oublier un élégant bar à whisky aux murs incurvés le long desquels s’alignent des bouteilles. Des vélos sont à disposition des clients qui voudraient parcourir le centre-ville ou les berges du fleuve jusqu’à Georgetown pour admirer le coucher de soleil.
Au Watergate, on n’essaie pas de dissimuler le scandale passé. Les chanceux peuvent dorénavant réserver la fameuse chambre 214 depuis laquelle les agents de Nixon espionnèrent les membres du Parti démocrate et où ils furent arrêtés. La “Scandal Room” a été décorée avec la collaboration de Lyn Paolo, costumière de la série Scandal sur ABC. Elle propose tout ce que l’on peut trouver dans une chambre du Watergate, un lit king size, une salle de bains avec douche et baignoire, différentes vues du Potomac, une terrasse privée… Ses murs ont la particularité d’être recouverts de coupures de journaux, de photos et d’autres souvenirs de la période Watergate. On y trouve aussi des jumelles, une machine à écrire, un magnétophone à bandes et une collection de livres évoquant l’esprit des années 1970. Si les commentaires d’un initié vous intéressent, Zacharia Powers, un des concierges de l’accueil, sera ravi de vous faire visiter la chambre (si elle est libre) en vous retraçant le déroulement de cette nuit fatidique. Rassurez-vous si vous décidez de louer la chambre du scandale : aucun micro n’y a été dissimulé – la direction assure qu’elle n’est pas surveillée.
Source : Instagram
Où manger ?
Post Pub
1422 L St NW, Washington, D.C. 20005
Pendant des décennies, les locaux du Washington Post se trouvaient en face du bar-restaurant le Post Pub, que de nombreux journalistes surnommaient à l’époque, “le vrai bureau”. Les reporters travaillaient depuis les boxes en cuir et recevaient leurs coups de fil au bar, avant de traverser pour rendre leurs papiers à temps pour le bouclage. La nuit, le Post Pub accueillait aussi les équipes qui imprimaient le journal, livré le matin. L’histoire voudrait que ce soit au Post Pub que Bernstein et Woodward aient rassemblé et comparé leurs notes, écrit leurs articles et rencontré “Deep Throat”, l’informateur du FBI qui les aida à révéler l’affaire du Watergate. Propriété du même patron depuis les années 1960, le pub propose une large sélection d’alcools et sert toujours la traditionnelle cuisine de brasserie américaine : hamburgers, travers de porc, sandwiches et salade César. Et les boxes en cuir sont encore là, prêts à vous raconter leur histoire.
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Lincoln (2012)
Steven Spielberg
Abraham Lincoln est considéré par beaucoup comme le père fondateur de l’Amérique moderne et l’un de ses meilleurs présidents. Dans son film, Steven Spielberg a voulu capturer les quatre derniers mois de sa vie et sa bataille pour conserver l’unité du pays en proie à la guerre civile, tout en assurant l’adoption du XIIIe amendement de la Constitution interdisant l’esclavage.
À visiter
Théâtre Ford
511 10th St NW, Washington, D.C. 20004
Le Théâtre Ford existe depuis plus de cent-cinquante ans. C’est là que l’acteur John Wilkes Booth tua Abraham Lincoln alors qu’il assistait à une pièce. On y trouve un musée retraçant l’histoire de ce dernier, et des visites décrivant le contexte de l’événement. À chaque printemps et au début de l’été, la pièce One Destiny (“Un destin”) est jouée. Elle dure trente minutes et relate l’assassinat du Président Lincoln. Un programme appelé “History on Foot” (“L’histoire à pied”) propose une visite guidée par un acteur jouant le rôle du capitaine de police chargé de l’enquête à l’époque. Le tour commence au théâtre et se termine à la Maison-Blanche.
Lincoln Memorial
2 Lincoln Memorial Circle, NW, Washington, D.C. 20037
On ne peut s’intéresser à Lincoln sans visiter le mémorial qui porte son nom : un monument néoclassique flanqué de colonnes doriques dédié au 16e Président des États-Unis. Le mémorial est devenu un lieu culte pour les représentants du mouvement des droits civiques depuis le célèbre discours de Martin Luther King (“I have a dream…”) qu’il fit au pied de la gigantesque statue de Lincoln. Le révérend King avait choisi le moment (1963) et le lieu pour qu’ils coïncident avec le centième anniversaire de la Proclamation d’émancipation par laquelle Abraham Lincoln abolit l’esclavage aux États-Unis en invoquant le XIIIe amendement. Le Lincoln Memorial accueille ses visiteurs gratuitement 365 jours par an. Ouvert jusqu’à 22 heures, il est tout indiqué pour une promenade nocturne. Il se trouve sur le flanc ouest du National Mall, au pied d’un bassin immense appelé The Reflecting Pool – le Washington Monument s’y reflète d’un côté et le mémorial de l’autre. Le lieu est notamment célèbre grâce à la scène du film Forrest Gump, quand Forrest aperçoit sa très chère amie Jenny dans la foule alors qu’il prononce un discours depuis une tribune au pied du mémorial.
Source : Instagram
Où manger ?
Fourth Estate Restaurant
529 14th St NW, Washington, D.C. 20045
Non loin du Théâtre Ford se trouve le restaurant Fourth Estate, à l’intérieur du National Press Club (organisation nationale réunissant des journalistes professionnels de presse écrite), où se déroule des repas, des conférences et des réunions de journalistes. L’emblème du club est la chouette, qui évoque la sagesse, la conscience et les nuits passées à travailler. Bien que le club ne soit ouvert qu’aux membres, le Fourth Estate, lui, accueille du public. La chef Susan Delbert y réalise une très bonne cuisine américaine, avec des produits frais, goûteux et bio issus de la production de petits agriculteurs locaux de la baie de Chesapeake. Le nom du restaurant est inspiré des signataires de la Constitution américaine qui proclamaient que la survie d’une démocratie dépendait de “quatre domaines” cruciaux : l’exécutif, le législatif, le judiciaire et la presse libre.
Old Ebbitt Grill
675 15th St NW, Washington, D.C. 20005
Fondé en 1856, le Old Ebbitt Grill était le pub préféré des présidents – y compris de Ulysses S. Grant, de Grover Cleveland et de Theodore Roosevelt… C’était aussi le bar favori de Frank Horrigan, interprété par Clint Eastwood, agent secret rongé par la culpabilité et poursuivi par un assassin joué par John Malkovich, dans le film Dans la ligne de mire (1993) du réalisateur allemand Wolfgang Petersen.
Par
JOHN VON SOTHEN
Photographie de couverture : Edgar Rodtmann/LAIF-REA