Thaïlande

Voyage en famille en Thaïlande

Voyage en famille en Thaïlande

Quelque part entre Bangkok et la baie de Phang Nga, sur un longtail face aux “îles Poufs”, en courant derrière les crabes ou en dégustant une mangue fraîche, on a soufflé le goût des voyages à notre enfant. On a piqué la curiosité de notre fille, on lui a montré qu’un monde se cachait derrière son horizon, on lui a donné envie d’aller voir plus loin, jusqu’au bout de ses rêves.

 

L'éveil au voyage

"J’aimerais retourner en Thaïlande comme si c’était la première fois", soupire mélancoliquement notre conseiller lors de la réservation de nos billets. Qui ne souhaiterait pas s’envoler vers l’Asie comme si c’était la toute première fois ? Revivre après quelques heures d’avion seulement ce dépaysement si surprenant, cette bouffée d’air épais, chargé d’humidité, d’odeurs sucrées. Atterrir à Bangkok, traverser le hall d’arrivée fourmillant de l’aéroport et, les yeux lourds, les oreilles bourdonnantes, les bras chargés, tout à coup, se sentir délestés. Ici, l’hiver est très très loin… Nous laissons tout derrière nous : le mois de janvier qui n’en finit pas, les allers-retours à la crèche sous la pluie, les virus qu’on se refile à l’infini, et l’on (re)découvre le royaume de Siam à travers les yeux émerveillés de notre bébé.

Autour des cous, d’odorants colliers de phuang malai se balancent et l’air du van climatisé se charge petit à petit de ce si caractéristique parfum de jasmin. Notes florales, fraîcheur subtile, douceur et euphorie s’emparent de notre petite famille. Le conducteur zigzague entre les ponts suspendus, le brouillard plombe le ciel et à l’est de la ville le soleil perce à peine. Entre coups de klaxons et virages serrés, les couleurs explosent, les sens s’éveillent, les moteurs vrombissent et Bangkok se révèle. Sur nos genoux, Romy-Jane, 15 mois, pointe déjà tout du doigt. “Ça ?”, montre-t-elle, un point d’interrogation dans la voix. Avec elle, l’ensemble prend une dimension hallucinante. Quel bouleversement ce doit être de se retrouver d’un coup propulsé si loin de ses repères ? Pourtant, rien ne semble perturber ce bébé, pour qui l’essentiel, finalement, est d’être près de nous tout le temps.

Faustine Poidevin-Gros

 

Premiers pas en Thaïlande

D’un coup de volant expert, notre chauffeur quitte les artères palpitantes de la bouillonnante mégalopole pour pénétrer dans un véritable écrin de luxe et de tranquillité. Plus intime que la plupart des hôtels de prestige de Bangkok, The Siam réserve un accueil doux et chaleureux. Vêtu d’un sarong élégant, Pong, notre majordome, nous attend. Tandis que l’on admire affiches anciennes, gramophones, meubles antiques, clins d’œil vintage et touches coloniales qui se répondent harmonieusement, Romy-Jane, elle, barbote déjà joyeusement dans un des bassins d’eau fraîche, jouant parmi les fleurs de lotus. Paris semble vraiment loin.

Nous qui avions prévu moult siestes réparatrices, stratégies du sommeil et calculs élaborés pour combattre le jet-lag et réorganiser le rythme circadien du bambin, sommes surpris par l’élan de vitalité que cette ville éveille en nous.

À peine le temps de se changer que déjà nous voilà installés sur une confortable barge en bois de teck, glissant le long du Chao Phraya, fleuve des rois. “Bateau sur l’eau”, nous amusons-nous à fredonner pour notre fille, dont les grands yeux curieux brillent déjà d’excitation et d’émerveillement.

On accoste au pied de Wat Arun, temple de l’Aube, qui s’élance vers le ciel tout en flèches d’or et mosaïques scintillantes. Sous la chaleur moite de cette fin d’après-midi, nos corps pleins de fatigue et de joie déambulent calmement dans les dédales du temple. Chaque recoin révèle une élégance et un raffinement baigné d’un mysticisme envoûtant. Il suffit de traverser la rive pour découvrir le temple de Wat Pho. De ce côté, le soleil décline et les touristes semblent s’être enfuis. Les derniers rayons du jour illuminent les toits dorés, les contours du temple se découpent dans le ciel enflammé, créant une silhouette majestueuse, sereine et imposante. Des moines vêtus de robes orange vif glissent silencieusement à travers les cours ombragées.

Nous délaissons poussette et tongs à l’entrée d’un bâtiment. Trônant, un immense Bouddha couché apparaît : 46 mètres de long, 15 mètres de haut, entièrement recouvert de feuilles d’or. Bouddha souriant semble se prélasser. Sa présence est étrangement rassurante. Le calme se fait, une sensation de quiétude et de sérénité nous enveloppe tous les trois. Pendant quelques secondes, le temps se suspend et l’émotion nous saisit. Romy-Jane nous tire de notre contemplation : à quelques mètres de là, un petit chat siamois éclipse Bouddha.

De retour dans la rue, l’effervescence nous surprend. Romy-Jane, droite comme un “i” dans sa poussette, ne s’est pas plainte une seule fois. Étrange. Profitons-en. En ce début de soirée, les rues étroites du Flower Market débordent de stands colorés : fleurs tropicales, épices envoûtantes, bouillons relevés, plats fumants, arômes alléchants (ou non). Nous slalomons entre les étals de street-food, les enseignes lumineuses clignotent, nos appareils photo crépitent et Romy-Jane tombe de fatigue.

Quelques jours plus tard, c’est presque à reculons que nous quittons le tourbillon de Bangkok, The Siam, Pong, notre guide Like a Friend et la barge en teck de l’hôtel. L’appréhension de départ à l’idée de découvrir une ville si dense avec un bébé s’est totalement envolée. Il y a tant à voir, à faire… Les distractions sont innombrables et les Thaïlandais d’une gentillesse et d’une patience infinies. Déjà, nous nous imaginons parcourir Tokyo, Hong Kong ou New York en compagnie de notre “mini-us”, définitivement citadine et absolument pas déboussolée.

Faustine Poidevin-Gros

 

Cap sur la baie de Phang Nga

La nostalgie est de courte durée, l’appel de la plage se fait entendre. On the road, baby ! Notre longtail navigue doucement sur les eaux lisses de la baie de Phang Nga. Notre bébé endormie dans les bras, nous nous sourions. Soupir d’aise. En quelques minutes, nos peaux hivernales rougissent au soleil et nos yeux, fatigués par de nombreuses nuits trop courtes, s’embuent. La vie avec un enfant a ce mérite qu’elle permet de savourer chaque instant. On réapprend complètement à vivre l’instant présent, à s’extasier en entendant le hululement d’un oiseau, à s’émerveiller devant telle fleur, telle plante, devant ce tout petit escargot. On bat des paupières avec délice en regardant le soleil scintiller sur l’eau translucide. On renoue avec une petite part de cette âme d’enfant, innocente, pure et si sage, qui s’était perdue quelque part en chemin. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas voyagé avec autant de présence.

En plein cœur de la baie, Romy-Jane s’éveille : “Pouf !”, s’écrie-t-elle d’un coup en pointant les majestueux pitons karstiques qui émergent à l’horizon. Rebaptisées, les îles “Pouf” se profilent, falaises calcaires grimpant vers le ciel, végétation tropicale dégoulinante, grottes millénaires mystérieuses… En approchant de l’île de Koh Yao Noi, les eaux se teintent d’un bleu plus profond et révèlent des récifs coralliens éclatants. Nous posons nos pieds dénudés sur le sable chaud et étincelant, l’air humide nous enveloppe, les palmes se balancent au rythme de la brise et le temps semble s’être arrêté.

Une parenthèse s’ouvre pour quelque temps. Nos journées se remplissent de massages thaï huilés et enveloppants, de plongeons dans la mer aux aurores, de méditation matinale, de dégustation de pad thaï et de green curry, d’excursions en paddle, de couchers de soleil éblouissants, de piqûres de moustiques aussi. Pour une matinée, on s’octroie une pause bébé que l’on confie aux mains d’une baby-sitter dévouée. Nous enfilons masques et tubas et partons caboter d’île en île, nous découvrons Koh Deng, Nok, Samet et Laem Haad. Les touristes sont rares, les plages désertes et l’eau à la parfaite température.

Notre skipper du jour, un marin expérimenté originaire de la baie, nous emmène pique-niquer sur un îlot désert. À l’ombre de la mangrove, nous dégustons une salade de papaye verte. Romy-Jane retrouvée, nous décidons de traverser l’île en side-car, direction le Sunset Bar. Sur des airs de reggae, backpackers et voyageurs se retrouvent sous cette paillote de fortune pour un cocktail de fin de journée.

Faustine Poidevin-Gros

 

Le retour, entre mélancolie et gratitude

Le ventilateur tourne dans le vide, un jeune homme nous offre un Polaroid de notre fille qui danse sur Could You Be Loved de Bob Marley. “Don’t let them change you, Romy-Jane…” Le lendemain matin, nous ré-empaquetons notre barda pour la dernière étape de notre périple thaïlandais : quelques jours dans une demeure privée perchée dans la jungle. Une voiturette de golf nous mène à notre éden. Le portail s’ouvre sur une petite maison de bambou au toit de chaume. L’éclairage est doux et tamisé, les rideaux sont en tissu léger et les meubles en rotin. Au bout des portes-fenêtres, une piscine émeraude reflète la canopée.

Un dernier dîner face à la baie. Les pitons karstiques se teintent de touches dorées, le ciel se pare de pourpre et, petit à petit, les étoiles et les lumières dansantes des chalutiers se mêlent sur la toile nocturne. Nous réalisons : dans moins de 24 heures, nous serons chez nous, le chauffage à fond, le métro, le boulot, les plats réchauffés. Pour encore quelques instants, profitons…

La nuit, la jungle s’anime, les animaux font la course sur le toit de paille. Au loin, un orage tropical éclate, les éclairs illuminent à intervalles réguliers la petite chambre. Blottis tous les trois sous la moustiquaire, à l’autre bout du monde, on ne s’est jamais autant senti en sécurité.

Le dernier jour apparaît dans l’aube matinale. Le temps a filé à toute vitesse, et déjà le retour parisien se dessine. Rebelote : bateau, aéroport de Phuket, escale à Bangkok. Nous dévalisons la boutique à souvenirs de l’hôtel où nous passons la nuit et un room service gourmet nous replonge dans la civilisation…

Après douze heures de vol, Romy-Jane bat des mains face au tapis roulant qui déverse nos valises dans le Hall 2 de l’aéroport Charles-de-Gaulle : “Bravooo !” De Bangkok à Paris, pas le temps pour la mélancolie.

 

Par

FAUSTINE POIDEVIN-GROS

 

Photographie de couverture : Faustine Poidevin-Gros