Déjà hype, la ville de la slow life se fait hub d’art contemporain et ne cesse d’aimanter. Voyageurs du Monde est allé passer vingt-quatre heures dans l’incontournable de Thaïlande.
Loin de la vieille ville, de ses rues saturées de backpackers, de tuk-tuks et de salons de massages cheap, la rue Nimmanhaemin (dites “Nimman”) se déploie – comme partout en Thaïlande – en un labyrinthe de “soi” (“couper en fines tranches”, en thaï). Ses ruelles abondent en galeries d’art et cafés à baristas. Dans ce quartier récent, Chiang Mai se réinvente et attire les hipsters qui, sur leurs fixies ou en scooters, slaloment entre les badauds et quelques moines en robes orange se dirigeant vers les temples situés à l’extérieur de Nimman.
Les artistes thaïlandais, tels le réalisateur Apichatpong Weerasethakul, né à Bangkok et grandi à Khon Kaen (Palme d’or 2010 pour Oncle Boonmee…), ou le plasticien local Navin Rawanchaikul, la plébiscitent. Tout comme les digital nomads, créatifs américains, australiens et européens qui la choisissent pour ses loyers abordables, sa qualité de vie, ses montagnes, sa jungle tropicale et la qualité de sa connexion internet… L’université prestigieuse, les écoles de design et d’architecture, et, depuis 2014, la Design Week, ajoutent à son attraction et insufflent une énergie nouvelle à la ville.
9h00
Petit-déj arty
Bowl de riz noir, quinoa, légumes braisés, roquette et avocat servis dans de belles pièces de céramiques réalisées par des artisans de la région : SS1254372 Cafe & Gallery Seescape est notre adresse préférée pour un petit-déjeuner (ou un brunch) frais, coloré et savoureux. C’est aussi une galerie fondée par le plasticien Torlarp Larpjaroensook, dont la programmation est assurée par le Français Sébastien Tayac, observateur de la scène d’art contemporain en Thaïlande depuis plus de quinze ans, qui enseigne en thaï à la faculté des beaux-arts de l’université de Chiang Mai.
11h00
Expo au MAIIAM
De nombreux artistes thaïlandais de renommée mondiale, vus au Palais de Tokyo ou au Guggenheim, vivent à Chiang Mai, et l’ouverture du MAIIAM, en juillet 2016, leur a donné une plus grande visibilité dans leur pays. Fondé par l’antiquaire français JeanMichel Beurdeley, son épouse Patsri Bunnag, aujourd’hui disparue, et leur fils Eric Bunnag Booth, le MAIIAM est la toute première vitrine exclusive de l’art contemporain thaïlandais. Dans d’anciens entrepôts du district de San Kamphaeng, à dix kilomètres du centre de Chiang Mai, 3 000 mètres carrés sont dédiés à la collection privée des Bunnag-Beurdeley, constituée depuis plus de trente ans (avec notamment des œuvres de Montien Boonma ou Pinaree Sanpitak). Alors, on s’échappe un moment de Nimman pour aller admirer, entre autres, la monumentale toile de Navin Rawanchaikul, Super(M)Art Bangkok Survivor, 260 x 1 140 cm de délire pop – une foule de bouddhas armés de AK47, de moines tatoués –, qui se déploie en triptyque, telle l’œuvre d’un Jérôme Bosch du XXIe siècle.
13h00
Une pause à la villa Mahabhirom
Quatorze maisons de bois centenaires, acheminées pièce par pièce du centre de la Thaïlande et reconstituées à l’identique, dans Chiang Mai. À l’écart des foules et non loin du temple Wat Umong, ce lieu hors du temps et confidentiel est né de la passion de trois amis thaïs, collectionneurs de maisons traditionnelles. Les trois partenaires ont mis sept ans pour réaliser ce projet de rêve qui mêle l’essence de l’habitat traditionnel thaï aux standards d’un hôtel de charme.
15h00
Du design à shopper
Céramique, soie, coton… À Chiang Mai, l’artisanat est de tradition ancienne. La ville a toujours été un véritable laboratoire créatif. Aujourd’hui plus encore, avec l’arrivée de nouveaux designers audacieux qui font twister les savoir-faire. Ateliers et showrooms se succèdent alliant fabrication traditionnelle et lignes contemporaines. Le Daily Craft, concept-store du TCDC (Thailand Creative and Design Centre), tel un salon imaginaire, propose une sélection pointue.
17h00
Atelier céramique
Jirawong Wongtrangan a étudié pendant quatre ans la céramique et la gravure à Chiang Mai, avant d’y ouvrir son studio, In Clay. Ses réalisations raffinées, distinguées lors des deux dernières Design Week, sont identifiables, entre autres, par son utilisation d’une technique de poterie japonaise : le nerikomi. Son atelier est installé dans le jardin attenant à sa maison, au bout d’une allée pierreuse. Il y accueille débutants ou initiés, qu’il forme à son art avec la même passion.
22h00
Un cocktail sacré
Après un riz gluant, un saï ouaa bien pimenté et un savoureux khao soi, on grimpe au bar de l’hôtel Akyra pour siroter un cocktail. Au loin, on peut apercevoir la montagne sacrée Doi Suthep, en songeant que demain, peut-être, on gravira les 306 marches qui mènent au Wat Phra Phat Kaew.
Par
MARION OSMONT
Photographies
OLIVIER ROMANO