Souvent éclipsées par leur sulfureuse voisine, Ibiza, Majorque et Minorque, plus discrètes mais pas moins belles, méritent tout autant la vedette. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, bien qu’elles soient baignées par les mêmes eaux et le même soleil éternel, elles sont loin d’être identiques. Leurs personnalités bien trempées s’expriment à travers des paysages préservés, des recoins de côte méconnus et une manière de vivre au ralenti délicieusement insulaire. Reste à savoir laquelle de ces deux îles des Baléares vous correspond le plus…
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L’accueil
Si elle fait moins les gros titres qu’Ibiza, Majorque ne peut tout de même pas se targuer d’être restée sous les radars touristiques et nombreux sont les voyageurs à venir y faire chaque année le plein de vitamine D. Pour éviter les bains de foule, il suffit parfois de peu : décaler de quelques semaines ses vacances, loger légèrement en marge de la plage et, surtout, être bien conseillé. En termes de logistique, Majorque est une destination on ne peut plus confortable : on s’y déplace facilement en voiture – électrique, si on le souhaite –, les routes étant en bon état et les trajets jamais très longs. Quant à l’hébergement, il y en a pour tous les goûts : anciens palais grandiloquents, refuges d’agritourisme intimistes ; hôtels design avec vue... Spas, piscines, jardins odorants, patios paisibles et rooftops animés s’ajoutent aux options, rendant chaque étape du voyage parfaitement unique.
Faustine Poidevin
Même constat à Minorque, où il est cependant plus facile de se sentir seul au monde, la petite île ayant su, elle, rester très discrète. On y trouve donc pléthore d’adresses cachées au milieu des oliveraies ou dans le dédale de ruelles d’un bourg authentique. On passe d’autant plus facilement de la côte à l’intérieur des terres que l'un et l'autre ne sont séparés que de quelques arpents de nature sauvage. A nouveau, la voiture y est synonyme de liberté, la conduite une partie intégrante du voyage.
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Vamos a la playa
Lorsque l’on pense aux Baléares, les premières images qui nous viennent en tête sont souvent celles de plages de sable blond léchées par des eaux au bleu de rêve. Et, si l’on ne peut les résumer à leur littoral, il est vrai que Majorque et Minorque abritent leur lot de plages photogéniques.
A Majorque, loin des côtes du sud et de l’est un peu trop prises d’assaut, on trouve au septentrion de grandes baies accueillantes, celles de Alcudia et Pollença, abritant la paradisiaque plage de Formentor, couronnée d’un mirador clairvoyant. A l’est, le parc naturel du Llevant n'a pas son pareil pour étaler sous les serviettes et sous les yeux esthètes de fabuleuses plages vierges et de petites criques intimistes, telles Cala Mesquida.
›› Notre sélection des plus belles plages de Majorque
Ester/stock.adobe.com
Minorque, quant à elle, est si petite que l’on n’est jamais bien loin de la côte. Une fois de plus, sa taille n’est pas révélatrice, l’île abritant pas moins de 70 plages ! On peut donc facilement en tester deux ou trois par jour, selon l’humeur et l’envie du moment : journées sportives à Cala Pregonda où la réserve marine de Fornells donne au snorkeleur près de 5000 hectares de fonds marins à admirer ; ambiance familiale à Son Saura, au sud, que l’on évitera tout de même en haute saison ; bain de nature à Cala Trebalúger, entourée de pinède et de grottes troglodytes ; réveil en beauté à Cala Turqueta, bijou au camaïeu de bleus instagrammable ; intimité et romantisme à Cala Mitjaneta, si minimaliste que seule une poignée de chanceux peuvent y poser leur serviette.
›› Notre sélection des plus belles plages de Minorque
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Bains de nature
Les attraits balnéaires des Baléares sont bien souvent le pendant iodé d’une nature insulaire charismatique. Et en marge de leurs belles plages, ces îles recèlent des paysages éminemment méditerranéens qui prennent des formes plus diverses qu’on ne le pense. Reconnue réserve de biosphère par l’Unesco, Minorque séduit par sa campagne vallonnée et verdoyante qui contraste avec sa terre ocre, approchant même le rouge par endroits. Elle est sillonnée de routes tracées par les mulets, de murets de pierre sèche et de sentiers de randonnée que l’on emprunte à pied ou à vélo, ne sachant jamais vers quelle surprise ils vont nous mener. A l’est, le parc naturel de S’Albufera des Grau, à fleur d’eau, incarne à merveille la diversité des panoramas minorquins et celle de leur faune – on y fait régulièrement la rencontre de canards colvert et siffleur, du grand cormoran ou encore de la foulque macroule.
Gunnar Knechtel/LAIF-REA
En terres majorquines, on trouve tout autant d’écrins de nature, faisant la part belle aux calanques, aux roselières, à la garrigue, aux forêts de pins et au maquis. Au nord, creusée de galeries mystérieuses, la chaîne montagneuse de la Serra de Tramuntana est l’un de ces sanctuaires naturels les plus haut-perchés et le fief des martres et des lièvres, des tourterelles et des perdrix rouges. On y jouit de superbes vues alliant montagnes et littoral. Au cœur de l’île, les reliefs s’assagissent et laissent la place au Pla es Mallorca, région de plaines fertiles où l’activité viticole et oléicole va bon train.
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Dans l'assiette
Les îles affichent bien souvent une vraie indépendance culinaire, traduite par une cuisine inspirée directement de la nature, du terroir. Ni Majorque, ni Minorque n’échappent à la règle, proposant une cuisine ensoleillée et vivante, qui puise dans ses racines sans faire uniquement dans les vieux pots. A Majorque, et notamment à Palma, ce ne sont pas les bonnes adresses qui manquent, avec leur lot de récompenses gastronomiques, étoiles comprises. Derrière les fourneaux, des chefs talentueux expriment toute leur créativité, revisitant tapas et plats traditionnels, faisant dans le look industriel et l’assiette contemporaine. Base d’à peu près tout, l’huile subtile est produite sur l’île à partir de différentes variétés d’olives aux noms poétiques de picual, arbequina ou empeltre. Mais la cuisine moderne côtoie les spécialités ancestrales que l’on aime avant tout pour leur simplicité : la sobresada, charcuterie bien connue, ou l’ensaimada, une brioche moelleuse roulée en spirale et saupoudrée de sucre glace.
Gunnar Knechtel/LAIF-REA
A Minorque, les campagnes aussi font dans le gourmet et de merveilleuses adresses dressent au milieu des oliviers des tables pleines de bon sens, s’appuyant sur des potagers, des petits producteurs et des marchés pittoresques, à l’instar du marché au poisson de Ciutadella. La mer est à l’honneur et l’on ne se lasse pas de la traditionnelle caldereta de langosta, sorte de bouillabaisse à la langouste, ou d’un simple poisson grillé. Le roi de l’île, protégé par une AOP, reste le queso Maó, un fromage de vache à croûte rougeâtre, comme la terre d’ici, auquel le vent, l’iode et l’humidité marine font le plus grand bien. Quant à l’apéritif, il peut sans trop d’effort être 100 % minorquin – la pomada mêle le gin artisanal produit à Mahon au bitter lemon ; l’île surfe aussi sur la vague planétaire des micro-brasseries.
›› Les spécialités culinaires espagnoles
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Des villes d'histoire
Plus anciennes qu’on ne le soupçonne, les villes des Baléares ont beaucoup de choses à nous dire sur les cultures qui ont influencé l’histoire et le développement des îles. La plus connue de Majorque reste Palma, que les locaux surnomment affectueusement « La Ciutat ». On est surpris d’y trouver une telle richesse architecturale, sa vieille ville déroulant de charmantes ruelles médiévales pavées menant à une superbe cathédrale aux accents gothiques, au palais de l’Almudaina et aux remparts invitant à une balade avec vue sur le port. Palma a un charme bien à elle, à condition de savoir où aller, où loger. Nos conseils pour visiter Palma en 1 journée. A quelques encablures au nord, le village de Valdemossa, blotti au pied du Puig des Teix, s’apprécie au fil de ses petites rues fleuries et de sa chartreuse, ancien monastère qui aurait accueilli Frédéric Chopin et George Sand. De l’autre côté de l’île, on est séduit par Artá, adorable bourg abritant d’anciennes demeures seigneuriales et de jolies églises. Perchée en surplomb du village, la romanesque forteresse de Sant Salvador offre des vues imprenables sur la région. Les environs révèleront eux aussi quelques surprises comme des grottes semblant renfermer mille et un secrets, ou encore l’incroyable ensemble archéologique préhistorique de Ses Paisses, renvoyant à l’Age de bronze et à la culture talayotique.
Lorenzo Moscia/ARCHIVOLATINO-REA
Minorque, si elle est loin de l’effervescence de Palma, abrite aussi de « vraies » villes aux murs éloquents. Ciutadella, ancienne capitale, éblouit par sa pierre blanche qui prend joliment le soleil, ses palais des XVIIe et XVIIIe siècles et sa cathédrale Santa Maria, à la façade néo-classique. Mais la bourgade vibre surtout d’une convivialité et d’un art de vivre tout insulaires, qu’incarne son marché bouillonnant dont les étals débordent de la dernière pêche et de légumes de saison. A l’est de l’île, Port Mahon, port historique, dévoile autour de sa jolie baie ses maisons victoriennes et ses églises, ses palais et sa plaça d’Espanya. Aux alentours, l’archéologie a mis au jour des merveilles sur les sites de Talati de Dalt, Trepuco et Torre d’En Galmès. Enfin, dans les deux îles, il se trouve aussi bien sur la côte que dans l’arrière-pays d’adorables hameaux de quelques maisons où l’on vit paisiblement, où l’on mange merveilleusement bien, où l’archipel ne saurait être plus authentique.
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Les prolongations
Parce qu’elles promettent de belles séances de farniente ou de snorkeling, des balades ressourçantes en pleine nature et de passionnantes découvertes culturelles et historiques, Majorque et Minorque peuvent amplement se suffire à elles-mêmes. D’autant qu’à Majorque, les ilaut, des bateaux traditionnels, se chargent de faire découvrir de petites iletas voisines, offrant une escapade de quelques heures. Mais selon les envies et le temps à disposition, il est également possible de découvrir Ibiza, qui est loin de se limiter à ses clubs et à ses paillettes, voire l’archipel dans son ensemble, en allant jusqu’à Formentera ! Sans oublier que, de l’autre côté de la mer des Baléares, la Catalogne continentale envoie elle aussi d’alléchantes invitations. On la rallie en moins d’une heure de vol depuis Palma, mais aussi en ferry.
Nuria Val/Coke Bartrina
Par
ELEONORE DUBOIS
Photographies de couverture : Thomas Linkel/LAIF-REA & Gunnar Knechtel/STERN-LAIF-REA