Photographe sous-marin depuis 15 ans, Pascal Kobeh a participé à la grande aventure du film « Océans. » Il nous parle, entre deux rendez-vous avec les grands blancs du Mexique et les baleines de Rurutu. Plongée dans l’œil d’un poisson.
Vous rentrez de Rurutu, quel était l’objectif de votre voyage ?
Un reportage touristique sur les beautés de l’île : les grottes, la côte, et les gens. Rurutu est également un haut lieu de l’observation des baleines et je n’avais encore jamais eu l’occasion de m’y rendre. Le rêve est enfin devenu réalité !
Comment se déroule la rencontre avec les baleines ?
La rencontre est orchestrée par un spécialiste qui connaît leurs habitudes. On attend qu’elles se manifestent, pour se diriger sur la zone. Tout l’art de l’observation est dans l’approche. Il ne faut pas se précipiter, attendre le bon moment pour se mettre à l’eau. La réglementation est très stricte, l’apnée et la plongée bouteille sont proscrites. D’une manière générale, se sont elles qui approchent et non l’inverse.
Les baleines continuent à être chassées à travers le monde, d’autres espèces sont également en danger, quel bilan faites-vous sur l’état des océans ?
La Polynésie est un sanctuaire depuis 2002, les mammifères marins y sont donc protégés. Ce n’est malheureusement pas le cas dans les eaux du Japon ou de la Norvège. Je suis assez pessimiste sur la santé globale des océans. Ils sont systématiquement pillés. Certaines espèces de requins ont été décimées à 99%. Tous les scientifiques s’accordent à dire que l’on est en train d’épuiser les ressources. Cela induit des changements de comportements, chez les dauphins notamment, qui sont obligés de s’éloigner des côtes pour pécher, et perdent ainsi leurs repères.
Des films comme « Océans, » vos photos, sont-ils les moyens de dénoncer cette situation ?
Les belles images permettent de susciter l’émotion. Par ce biais nous espérons faire comprendre que cet univers est fragile et qu’il faut le préserver. Peut être arriverons nous, à travers ces images à faire changer les mentalités. Le film permet notamment de montrer que l’homme et l’animal peuvent cohabiter.
Quels souvenirs gardez-vous de votre participation au film ?
J’ai eu la chance extraordinaire de plonger dans la même année : avec des orques en Nouvelle-Zélande, des cachalots en Guadeloupe, des morses en Arctique… Le plus marquant reste ma rencontre hors cage avec le grand blanc, au Mexique. Un moment intense, qui permet également de démystifier cet animal, en réalité bien loin de l’image agressive dont il pâtit. Il faut savoir que chaque année, les chutes de noix de coco sont quatre fois plus meurtrières que les attaques de requins ! Sur l’ensemble de nos rendez-vous avec ces animaux il n’y a jamais eu un seul accident. Les seules situations critiques ont été de se retrouver prisonniers d’un filet de senneur alors que nous filmions un requin-baleine au Venezuela et un naufrage en Australie où nous avons perdu tout notre matériel !
Quelles sont les principales exigences et difficultés de votre métier de photographe sous-marin ?
Il faut évidemment être bon plongeur ! La technique photographique est la même que sur terre à la différence près de l’important dispositif d’éclairage et de l’impossibilité d’utiliser un zoom. Nous sommes donc toujours très proches de notre sujet. Enfin, il faut être patient ! On peut passer des mois en mer sans ramener une image. La quête fait partie de ce métier. J’ai eu la chance inouïe de photographier les narvals au Groenland, après un mois d’attente sur la banquise.
Aujourd’hui, vous avez plongé dans toutes les mers du globe, y a-t-il des lieux que vous rêvez encore d’explorer, des projets qui vous tiennent à cœur ?
C’est vrai, je dois avoir environ 4000 plongées rien qu’aux Maldives où j’ai commencé d’abord comme moniteur puis en tant que photographe. Pourtant j’y retournerai demain avec plaisir, même si je préfère les eaux froides, moins explorées. J’ai plusieurs projets en tête, mais le nerf de la guerre reste le financement ! La photo sous-marine nécessite de gros moyens souvent difficiles à rassembler. Cependant je ne regrette pas d’avoir abandonné la finance, mon premier métier ! Aujourd’hui, je rêve d’une chose : pouvoir photographier la naissance d’un baleineau.