Sur les traces des voyageurs en Polynésie, de Gauguin à Brel en passant par Ségalen, des mots pour vivre avant d'y être les parfums et les couleurs des archipels polynésiens.
1
Noa Noa
de Paul Gauguin
Noa Noa, ça veut dire parfumé. Et nul doute que vous serez marqué, en posant le pied sur la terre polynésienne, par la présence de ses parfums. Paul Gauguin entreprend ce récit au retour de son tout premier voyage à Tahiti. Il y raconte sa quête de la culture traditionnelle, sa fascination d'homme et de peintre pour les couleurs et les paysages du lieu, use et abuse du mythe du "bon sauvage". Dans les faits, il lâche vite sa vahiné Titi, trop occidentale à son goût, pour, (jusqu'à son retour en métropole), partager le vie de Tehamana, une très jeune fille de 13 ans. Dans cette sorte de journal, il nous fait partager sa vie au jour le jour, et émaille son texte de reportages et de légendes tahitiennes. C''est ainsi que "Noa Noa" est à la fois un chant d'amour à ce pays et à sa culture, un constat désabusé face à un Tahiti dénaturé par rapport à ses attentes, et un regard biaisé, où le peintre voit ce qu'il aimerait voir.
2
Jacques Brel, l'aventure commence à l'aurore
de Fred Hidalgo
C'est l'histoire du deuxième hôte célèbre du petit village de Nougat, dans l'archipel des Marquises. Mais Jacques le chanteur discret y a laissé un souvenir plus positif que Gauguin le peintre. Dans « Jacques Brel, l'aventure commence à l'aurore », on comprend bien pourquoi. Fred Hidalgo nous fait embarquer avec Jacques sur son voilier, « l’Alaska ». Sa compagne, métisse guadeloupéenne, l'accompagne. Ils jettent l'ancre sur l'île de Hiva Hoa, et on chemine à ses côtés sur les dernières années de sa vie : sa vie dans le village, ses aller-retours au volant de son petit coucou « Jojo », pour transporter d'île en île le courrier et des passagers, et la genèse de l'écriture de son dernier album, « Les Marquises », son ultime chant d'amour à ce pays.
3
La tête coupable
de Romain Gary
Gengis Cohn est payé par l'office du tourisme de Tahiti pour jouer le personnage de Gauguin, qui a vécu sur l'île la fin de sa vie. Face aux touristes qu'il croise, il endosse bénévolement d'autres rôles : pour un allemand il se dit être un juif qui attend depuis un quart de siècle qu'on l'embarque, et pour un américain, le fils de l'homme qui a lâché la bombe atomique sur la ville d'Hiroshima. On y croise le Baron, personnage improbable vêtu d'un costume prince de Galles, d'un chapeau melon gris, avec ses souliers vernis, ses guêtres et les gants qui refuse de se nourrir et de se torcher seul ; le restaurateur gaulliste, Tchong Fat, chinois français à l'accent corse ; Ryckmans le policier qui se demande ce qu'il ferait si on lui demandait de crucifier le Christ ; et la vahiné de Cohn, Meeva. Un roman déjanté et délicieux.
4
Les immémoriaux
de Victor Ségalen
Victor Ségalen, médecin dans la navale, débarque en Polynésie au tout début du XXème siècle. Fasciné par les lambeaux de la culture qu'il entrevoit, et entreprend d'écrire le premier roman ethnographique, décrit d'un point de vue Maori. L'intrigue commence à la fin du XVIIIème siècle, lorsque les premiers explorateurs débarquent sur les côtes tahitiennes, et, sur une durée de 20 ans, l'on assiste à la disparition des rites traditionnels, laminés par les valeurs du Christianisme importé par les colons. Ces derniers païens des îles de Polynésie, qui laissent filer la mémoire de leurs coutumes, de leur savoir et de leurs dieux, ce sont eux « Les immémoriaux ». Et la « normalité » de l'occident paraît d'un coup bien étrange.
5
Si loin du monde
de Raioaoa Tavae
« (…) il ne se passait rien, l'idée me traversa que ce pouvait être cela, la mort : cette solitude incroyable, interminable, cette surdité des choses, dans un néant de mer et de ciel confondus. Oui, ça pouvait être cela, la mort. Peut-être avais-je quitté le monde des vivants pour entrer insensiblement dans celui des défunts. » Raioaoa Tavae est un pêcheur et un Tahua, un chamane polynésien. Le 15 mars 2002, il a 56 ans, il quitte Papeete pour partir pêcher. Il sera de retour ce soir. Une journée ordinaire. Ou plutôt, une belle journée : il fait beau, les oiseaux indiquent que le poisson est là, en nombre, une bonne pêche s'annonce. Puis le moteur se met à fumer, c'est la panne. Sur son minuscule canot, Raioaoa Tavae va dériver pendant 4 mois, se nourrissant des poissons qu'il pêche et en buvant de l'eau de pluie. Une histoire vraie, un récit pudique et poignant.
Bonus
Taipi d’Herman Melville
Crois-le ! – Al Dorsey, le détective de Tahiti de Patrice Guirao
Dictionnaire insolite de Tahiti de Rosanne Aries
Contes des sagesde Polynésie de Céline Ripoll
Texte et photographie de couverture
VERONIQUE DURRUTY